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Par Carenews INFO - Publié le 6 juin 2017 - 12:41 - Mise à jour le 17 juillet 2017 - 13:54
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[CARENEWS JOURNAL N°7] François, l’écoute de la dernière chance

François*, retraité bien occupé par sa vie de famille et sa passion pour la musique, est aussi bénévole auprès de S.O.S Amitié. Témoignage voilé, pour respecter l’anonymat inhérent à la démarche.

[CARENEWS JOURNAL N°7] François, l’écoute de la dernière chance
[CARENEWS JOURNAL N°7] François, l’écoute de la dernière chance

 

« J’adore parler aux gens, y compris aux inconnus dans le métro », raconte François. Porté par son élan envers les autres, ce retraité de 66 ans à l’allure alerte est l’une de ces voix amicales qui répondent au téléphone, quand il n’y a plus personne : en Île-de-France, il est bénévole pour S.O.S Amitié. « J’y passe un gros tiers de mon temps », explique cet homme généreux qui, manifestement, ne compte pas ses heures. Dans sa vie, le bénévolat est une constante : « J’ai toujours eu un engagement social. Quand je travaillais, je gardais du temps pour faire ce que j’appelle du « gratuit ». J’ai besoin de donner, je m’enrichis du don », dit François, qui a œuvré successivement avec plusieurs associations, par exemple en faisant des maraudes sociales ou en rendant visite à des personnes âgées avec Emmaüs, la Croix-Rouge ou encore La Société de Saint-Vincent-de-Paul. C’est il y a cinq ans qu’il s’est engagé auprès de S.O.S Amitié, au terme d’une carrière professionnelle menée dans les ressources humaines- « quelle expression horrible ! », s’esclaffe François au passage. « Au moment de partir à la retraite, je me suis dit : « Maintenant, j’ai plus de temps, je peux donner plus ». Durant cette même période, j’ai eu un déclic : il m’est apparu que la solitude était la plus grande des misères. Il y a une immense nécessité d’une association comme S.O.S Amitié dans notre société. On est au cœur de quelque chose de très actuel : tout le monde parle, mais personne n’écoute vraiment. » Et c’est ainsi que cet homme joyeux et volubile, toujours prompt à une – amicale – joute oratoire, a choisi de se taire, de tendre l’oreille. Au moins une fois par semaine, par tranches de quatre heures, isolé dans un petit bureau de l’association, il répond au téléphone qui clignote d’appels à l’aide incessants.

 

« Ce qui m’intéresse, c’est l’autre, au-delà des paroles », explique François. Au cœur de la nuit par exemple, « il y a les appels des angoissés. Parfois, simplement, on respire ensemble pendant quelques minutes. Et après, on peut parler. La solitude ne se règle pas forcément par la parole, mais par la présence », raconte le bénévole. Son oreille bienveillante accueille tous les récits. « Les récits de ceux qui sont enfermés dans leur maladie mentale, ceux qui vivent seuls, ceux qui sont seuls parce qu’ils ne peuvent pas partager leurs soucis avec leur entourage », comme cette femme mariée qui se sent coupable de ses rencontres lesbiennes, inacceptables pour son entourage, décrit François. L’écoute, « c’est passionnant », poursuit le bénévole, intarissable sur ces moments d’une « intimité fulgurante », durs parfois, mais aussi sources d’évolution personnelle. L’objectif, rappelle François, « c’est d’apporter à la personne un sentiment de détente, pour lui permettre de reprendre sa propre initiative, mais pas de la guérir. C’est une limite qu’il fait savoir accepter. » Alors, bien sûr, la première satisfaction, à la fin d’un appel, c’est quand « on a l’impression d’avoir fait du bien, quand une personne vous dit « je vais pouvoir me rendormir » ou « je vais pouvoir sortir de chez moi » ». François se souvient aussi d’un homme qui, au terme d’un long coup de fil, a dit qu’il allait « ranger son pistolet dans la boite ». Pour « l’écoutant », une fois le téléphone raccroché, c’est fini. Il faut savoir accepter de ne pas savoir ce qui se passera après. Ce contact-là, si intime, est rompu. Et appel après appel, c’est un délicat équilibre que « l’écoutant » doit trouver dans la rencontre avec l’autre, une juste distance entre celui qui appelle et celui qui écoute, ni trop près, ni trop loin, en un point qui permette de « déstresser » le premier, tout en préservant le second.

 

Attention, « l’empathie, c’est communier avec la personne, mais sans se faire bouffer. (…) Parmi les bénévoles, il y a beaucoup de retraités. Pour faire de l’écoute, il faut des personnes qui n’ont pas de gros problèmes », met en garde François. Lui, profite de ses 20 minutes de trajet en voiture avant d’arriver au centre de l’association pour « se mettre en condition d’écoute ». Comme les autres bénévoles, il est passé par un processus de sélection rigoureux et une formation approfondie dispensée par l’association. « Il y a une intimité très forte, qui doit rester consciente et contrôlée. Il faut se regarder faire en permanence », résume François. Toujours à un pas de soi, pour être plus près de l’autre… Et c’est aussi ce qui fait la richesse de la démarche. « Apprendre à écouter, c’est bon pour moi, car cela me force à ne pas être toujours dans l’action. De plus, pour bien écouter l’autre, on est obligé d’écouter aussi ses propres émotions, de se demander pourquoi ce qu’il raconte nous touche tant. Cela permet de prendre du recul et aide à se transformer. Souvent, dans la vie, on n’est pas très sympa avec soi-même. Là, c’est un peu : « Aime ton prochain comme toi-même » Certains drames touchent particulièrement ce père de famille : l’inceste, les jeunes désespérés qui veulent en finir avec la vie… « Une jeune fille a appelé, elle s’était réveillée dans une mare de sang après s’être « ratée » la veille. Je lui ai dit qu’il fallait absolument qu’elle appelle un médecin, j’ai insisté, alors qu’on n’est pas supposés donner de conseils… J’étais hors de la charte », reconnaît François, toujours prêt à admettre ses faiblesses, qui juge indispensables les garde-fous mis en place par l’association. Comme les groupes de partage, où les « écoutants » discutent régulièrement ensemble, sous la houlette d’un psychologue. « Cela aide. On vide des choses profondes. Parfois je me rends compte que des histoires auxquelles je ne pensais pas étaient restées là, enfouies. On n’est jamais dans le dilettantisme. C’est ce qui fait que je continue avec l’association », témoigne François. Également responsable d’un centre local où oeuvrent 35 écoutants, il aimerait passer la main, pour que les responsabilités « circulent ». Mais l’écoute, il veut poursuivre. « J’ai le sentiment d’aider, au moins pour une petite partie. Je fais ma part. C’est l’histoire du colibri… »

 

*Le prénom a été modifié

 

 

 

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