Des documentaires engagés à (re)voir pendant le confinement
Et si on profitait du confinement pour regarder des documentaires ? Alors que de nombreuses plateformes de streaming proposent des films gratuitement ou à des tarifs abordables, voici une sélection de documentaires engagés, pour s’évader de son canapé et imaginer le monde d’après.
Wasteland
Pendant trois ans, l’artiste contemporain Vik Muniz s’est intéressé aux « catadores », de Jardim Gramacho : des chiffonniers chargées d’extraire des déchets recyclables d’une des plus grandes décharges à ciel ouvert au monde. Située en périphérie de Rio de Janeiro, elle a été fermée en 2012 après 34 ans d’existence. Mais l’histoire des personnes qui y ont travaillé pendant des années dans des conditions extrêmement pénibles mérite qu’on s’y attarde. Vik Muniz les a photographié et en a fait des portraits géants, à partir de rebuts trouvés sur la décharge. Il a reproduit des toiles célèbres comme la Mort de Marat de Jacques-Louis David, comme pour en souligner l’intemporalité. À travers ce processus de création, ces « Intouchables » du Brésil ont pris conscience de leur valeur. D’autant plus que les bénéfices tirés de la vente des œuvres leur ont été reversés... Un documentaire poignant et porteur d’espoir.
De Lucy Walker, João Jardim et Karen Harley (2011)
Samsara
Fresque époustouflante sans voix off ni sous-titres, Samsara est un de ces ovnis cinématographiques dont on se rappelle longtemps. Tourné dans 25 pays pendant cinq ans, il offre une vision esthétique de la mondialisation pour mieux la questionner. On reste bouche bée devant ces chorégraphies de danse balinaise qui s’entrechoquent avec le défilé hallucinant de vaches laitières dans des fermes mécanisées à l’autre bout du monde. Et admiratifs, du travail tout en finesse de montage et de prise de vue montrant que les grands documentaires se passent parfois de commentaires.
De Ron Fricke (2013)
À voix haute
Des personnages forts, un chemin initiatique parsemé d’obstacles : tous les ingrédients étaient réunis pour faire de ce documentaire un grand film… et c’est le cas. À voix haute suit des étudiants dans leur préparation au concours Eloquentia, qui vise à élire « le meilleur orateur du 93 ». Prendre la parole en public, la chose n’est pas forcément évidente lorsqu’on n’en maîtrise pas les codes. Entraînés par des professionnels du verbe (avocats, slameurs, metteurs en scène...), ces jeunes apprennent les secrets de la rhétorique et à s’affirmer. Inspirant.
De Stéphane De Freitas, Ladj Ly (2017)
Il était une forêt
Contempler le monde depuis la canopée et prendre un peu de hauteur, c’est certainement une des forces du documentaire de Luc Jacquet, le réalisateur oscarisé pour La Marche de l’Empereur. Avec Il était une forêt, il met en scène le botaniste Francis Hallé pour mieux expliquer la naissance et l’évolution des forêts tropicales primaires. Recouvrant seulement 6 % des terres émergées de notre planète, leur existence est menacée, tout comme leur incroyable biodiversité. Le recours à des images animées permet d’illustrer les mécanismes de communication entre les arbres. Une prouesse visuelle, qui a aussi des vertus pédagogiques.
De Luc Jacquet (2013)
> Retrouvez notre interview de Luc Jacquet : « Quand on veut faire un cinéma militant, le système actuel de droits d’auteur ne marche pas »
Demain
Avec comme point de départ une étude annonçant la possible disparition d’une partie de l’humanité d’ici 2100, Cyril Dion et Mélanie Laurent ont enquêté pour comprendre ce qui pourrait provoquer cette catastrophe, et surtout comment l'éviter. Lorsque le film est sorti il y a cinq ans, on parlait encore peu de collapsologie mais le journalisme de solutions commençait à se frayer un chemin dans les médias. Cette vision, qui consiste à raconter le monde sous le prisme des solutions plutôt que des crises, trouve un débouché efficace à l’écran. On ressort galvanisé en découvrant l’expérimentation d’une monnaie locale à Totnes en Angleterre à l’avant-gardisme de la ville de San Francisco en matière de zéro déchet. Cerise sur le gâteau : financé grâce à une campagne de financement participatif, Demain a su défier les lois du marché et prouver qu’un autre cinéma est possible.
De Cyril Dion et Mélanie Laurent (2015)
Blackfish
En mettant en scène l’histoire de l’orque tueur Tilikum, capturé dans de tragiques circonstances et devenu complètement zinzin dans son bassin de Floride, le documentaire devient ici aussi haletant qu’un thriller. Ce travail d’investigation révèle les défaillances du parc aquatique Sea World et alerte sur les dangers de maintenir ces animaux en captivité. Le film a suscité beaucoup de polémiques à sa sortie, notamment parmi certains soignants de Sea World qui ont trouvé le film beaucoup trop à charge, mais c’est aussi ce qui fait sa force : il est résolument engagé et sans concession.
De Gabriela Cowperthwaite (2014).
Le sel de la Terre
On ne présente plus Sebastião Salgado, le maître incontesté du noir et blanc. Profondément humaniste, le photoreporter a voyagé dans plus de 130 pays pour documenter la vie des mineurs du Congo ou encore celle des Hmongs du Vietnam et inspiré toute une génération de photographes. Il est revenu du Rwanda, comme toutes celles et ceux qui ont ont connu le génocide, marqué à vie. Il fallait donc un grand réalisateur, Wim Wenders, pour suivre ce génie de notre époque dans l’un de ses derniers projets, Genesis. Et pour montrer comment Salgado s’épanouit aujourd’hui dans un nouvel engagement, celui de la reforestation.
De Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado (2014)
Hélène Fargues