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Par Fondation Nexity - Publié le 8 décembre 2020 - 09:11 - Mise à jour le 8 décembre 2020 - 12:28
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[ENTRETIEN] Jacques Vandenschrik, président de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires

Vous avez peut-être croisé des Gilets oranges près de chez vous récemment. La 36e collecte nationale des banques alimentaires s'est tenue durant le dernier week-end de novembre dans les moyennes et grandes surfaces de France. La crise économique causée par la pandémie de COVID-19 a exacerbé les inégalités et causé l'augmentation des besoins en denrées alimentaires pour les associations qui œuvrent en faveur de publics précaires ou en situation d'exclusion. Les premiers retours indiquent que 18 millions de repas, sur un objectif de 24 millions, ont ainsi été offerts aux banques alimentaires durant ce premier weekend de collecte. Cet évènement annuel a été l'occasion d'échanger avec Jacques Vandenschrik, président de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires, sur la réalité des banques alimentaires aujourd'hui, l'impact du COVID-19 sur leur activité et l'avenir des banques alimentaires. La FEBA regroupe aujourd’hui 29 organisations membres qui rassemblent plus de 430 banques alimentaires.

[ENTRETIEN] Jacques Vandenschrik, président de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires
[ENTRETIEN] Jacques Vandenschrik, président de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires
  • Jacques Vandenschrik, vous êtes président de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires depuis 2017. Qu'avez-vous observé au sein du réseau durant ces dernières années ? Les bénéficiaires ont-ils changé ? Quels nouveaux besoins avez-vous vu émerger ?

Les trois dernières années ont été mouvementées. Nous avons déménagé la fédération de Paris à Bruxelles, car il était important d'être proche des institutions européennes. C'était une bonne décision. Nous avons pu être soutenus par la Commission Européenne pour des projets ponctuels. Cela s'est révélé indispensable pour faire progresser la cause de la lutte contre l'insécurité alimentaire et le gaspillage alimentaire. Nous avons renforcé les liens entre les différentes banques alimentaires, sur le plan des échanges de bonnes pratiques. On a renforcé le sentiment d'appartenance à une seule grande famille, pour l'appeler ainsi. Un des événements phares en 2019 a été une audience privée que nous a accordée le Pape François, qui a permis, dans un discours magistral, de remettre l'importance de ce que nous faisons et lui a donné une force morale qui n'a rien à voir avec la religion, mais qui a à avoir avec l'homme concerné par le sort de la Terre qu'il est.

[ENTRETIEN] Jacques Vandenschrik, président de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires. Crédit photo : FEBA

  • Quel a été l'impact du COVID-19 sur votre activité ?

C'est beaucoup plus grave en 2020 qu'en 2019. Nous avons, au début, tenu à organiser des réunions par vidéoconférence de tous nos membres qui partageaient leur expérience. Le COVID est venu et a été un défi pour de nombreuses associations et fédérations, mais dans l'Europe de l'Ouest, les gouvernements sont intervenus de manière énergique pour soutenir les banques alimentaires qui n'ont pas dévié de leur charte et qui ont reçu de leur part de l'argent ou de la nourriture qui leur ont permis de faire face à l'augmentation de la demande. Cette demande imprévisible au début de l'année est allée en moyenne vers 30 % d'augmentation en Europe, mais dans certains pays, c'est 5 % dans d'autres c'est 80 %. Nous avons lancé pour la première fois dans l'histoire de la Fédération un fonds de 10 millions d'euros, créé pour trois ans avec un appel aux dons international, de manière à pouvoir dégager des moyens financiers pour pouvoir équiper les banques alimentaires sous-équipées qui étaient incapables de répondre à la demande provoquée par les conséquences sociales de la crise économique causée par la crise sanitaire. Une partie non négligeable de ce fonds est allée vers les pays les plus touchés par le COVID-19 : l'Italie, la France, l'Espagne, l'Allemagne. 

« Les banques alimentaires ont fait comme si le COVID ne les concernait pas sur le plan du fonctionnement interne »

Par ailleurs, la plupart des bénévoles des banques alimentaires sont des personnes qui en sont à leur troisième carrière et donc le COVID a eu un impact sur la disponibilité des bénévoles. Mais on a vu une remarquable tendance à l'inclusion de personnes plus jeunes et une réflexion extrêmement encourageante de la part des banques alimentaires, qui ont revu leur fonctionnement de manière à pouvoir continuer, même en période de crise. Elles ont fait leur boulot. Elles ont augmenté considérablement les volumes d'aide alimentaire et elles ont fait comme si le COVID ne les concernait pas sur le plan du fonctionnement interne. Au final, personne n'est resté sur le bord de la route.

  • Avez-vous des premiers retours sur la collecte nationale en France ?

Comme j'habite pas loin de la frontière française, j'ai été faire mes courses en France et j'ai rencontré, félicité et soutenu mes amis des Gilets orange ! Sur ce que j'ai vu dans la région frontalière ici, la formule a changé. Le public était invité à souscrire à des dons financiers et non qu'à faire des dons en nature. C'est un système qu'on pratique en Belgique depuis de nombreuses années. Même s'il ne donne pas des volumes comparables à la collecte de dons en nature, ce système permet aux banques alimentaires de choisir ce qu'elles vont recevoir. Le don financier n'a pas la notion personnalisée du don en nature, mais l'avantage qualitatif est immense. Le don en nature se résume à des volumes inconsidérés de pâtes et de biscuits tandis que le don financier permet aux banques alimentaires de choisir des aliments à haute valeur ajoutée. J'espère pour nos amis français que cette collecte aura des retombées positives et pourra les amener à revoir leur façon de collecter dans l'avenir. Les Européens sont très solidaires et c'est une raison de se réjouir.

[ENTRETIEN] Jacques Vandenschrik, président de la Fédération Européenne des Banques Alimentaires. Crédit photo : FEBA

  • Quand on pense aux banques alimentaires, on pense qu'elles devraient à terme disparaître. À quoi ressemble l'avenir des banques alimentaires ?

C'est ce que nous disons également. Nous souhaitons un monde sans banques alimentaires. Malheureusement, je ne pense pas que ça soit pour demain. Il n'y a pas de « il n'y a qu'à » qui puisse résoudre ce paradoxe incroyable de pauvreté dans la richesse qui fait que nous sommes près de 8 milliards d'habitants sur Terre, qu'on produit assez de nourriture pour en nourrir 12, et que finalement nous avons encore 900 millions de personnes qui ont faim et 3 milliards de personnes qui se nourrissent mal. Les banques alimentaires se focalisent sur la lutte contre le gaspillage alimentaire et grâce à cette lutte viennent en aide à des personnes dans le besoin. Maintenant, les banques alimentaires seront ce que la société veut qu'elles soient. Nous ne sommes pas des experts de la lutte contre la pauvreté. Nous essayons de lutter contre les effets de la pauvreté. Mais si la société continue à promouvoir des fossés agrandissants entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas, les banques alimentaires continueront à avoir plus d'importance. Les 4,5 millions de repas que les banques alimentaires fournissent tous les jours en Europe deviendront 5 ou 6 millions. Mais nous participons de la meilleure façon possible aux débats qui existent sur ce sujet et voir des programmes comme le Green Deal ou la stratégie « From Farm to Fork » se développer montre qu'au niveau des instances européennes, une prise de conscience de l'impossibilité de continuer comme on l'a toujours fait est là.

 

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