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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 21 janvier 2021 - 09:59 - Mise à jour le 21 janvier 2021 - 16:09
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[Interview] Léa Thomassin, cofondatrice de HelloAsso : la force tranquille 

Chroniques philanthropiques présente le portait de Léa Thomassin : derrière une attitude douce et beaucoup de bienveillance se cache une détermination sans faille, d’une puissance incroyable, pour faire aboutir ses convictions et ses valeurs. Léa a lancé HelloaAsso à 23 ans et a réussi en 11 ans l’un des plus beaux projets de soutien de la vie associative, économiquement unique, dont bénéficient 135 000 associations. Demain : toujours faire plus et anticiper les besoins pour être l’ami numérique des associations avec une équipe surmotivée. Wahou ! Interview par Francis Charhon.

Crédit photo : DR.
Crédit photo : DR.

Faire vivre et amplifier la valeur associative

  • Bonjour Léa, vous êtes la cofondatrice de HelloAsso. Quelle était l’idée qui prévalait quand vous avez décidé de monter une petite « startup » à caractère social avec un collègue ? 

Donner de la visibilité aux associations ! Mon associé Ismaël Le Mouël sortait de HEC, pour ma part de l’ESSCA où je m’étais spécialisée en Économie Sociale et Solidaire. Nous avions été, assez jeunes, l’un et l’autre investis dans des associations et avions été frappés par l’ampleur de la vie associative, mais également par le manque de visibilité de ces acteurs. Donc l’idée a été d’utiliser le numérique comme un outil pour valoriser les acteurs associatifs, pour les aider à se développer et les aider à se financer notamment. Nous avions l’un et l’autre un souhait d’impact. Je venais d’expérience en plaidoyer où les changements, de lois notamment, sont très longs à obtenir. Nous souhaitions avoir la capacité de tester des idées qui pouvaient avoir un impact assez rapide. Cela c’est le choix de cette structure et de l’agilité qui va avec. 

Une start-up pour aller plus loin plus vite

  • La structure que vous avez créée est une société ?

Oui, c’est une société. Nous nous sommes aussi posé la question au démarrage entre le statut associatif ou le statut d’entreprise, mais il manque aujourd’hui un financement dans le secteur associatif, c’est celui de l’amorçage. Avec le statut d’entreprise, nous avons bénéficié de dispositifs d’amorçage, d’investissements, notamment via la BPI, La Banque Publique d’Investissement, qui offre des prêts des dispositifs de financement de l’innovation pour des projets comme les nôtres. Il faut savoir que pour construire une plateforme web comme celle de HelloAsso, c’est un investissement très lourd. Au démarrage, nous savions donc que nous avions ce besoin de financement qui est très compliqué à trouver lorsque l’on se présente sous un format associatif.

  • De quelle année parle-t-on ? 

On est en 2009, à la création de la structure, avec cette idée de pouvoir valoriser les acteurs associatifs grâce au numérique. Nous avons créé un premier projet autour de la publicité en ligne, pour devenir en quelque sorte des « robins des bois » de la publicité et faire en sorte qu’une partie des revenus publicitaires soit fléchée vers des associations. C’est la première idée que nous avons développée, sous le nom de Mailforgood, mais après de nombreux échanges avec les associations et en travaillant avec elles, nous avons identifié un besoin d’autant plus structurant sur le paiement en ligne. C’est ainsi que de manière assez fortuite que nous avons mis à leur disposition un premier module de dons en ligne. 

  • Est-ce une société coopérative ou une société qui fonctionne avec des bénéfices, des dividendes, de la répartition ? 

Notre société est une SAS et nous avons l’agrément ESUS, entreprise solidaire et d’utilité sociale. Dans cet agrément, une des règles qui s’applique aux ESUS est la lucrativité limitée qui suppose un partage et une répartition des bénéfices en réinvestissement dans la structure. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore été confrontés à cette problématique étant donné que nous avons été dans une logique d’investissements et le resterons encore durant plusieurs années. Ensuite, nous souhaitons réfléchir à comment impliquer plus fortement nos utilisateurs dans la gouvernance. C’est un projet qui est encore à un stade embryonnaire, mais il fait écho à notre modèle économique qui est participatif. Ce sont les internautes qui choisissent de faire des dons pour faire vivre HelloAsso, et la suite logique serait qu’ils puissent être plus fortement impliqués dans le développement de la structure. À ce titre, nous sommes très inspirés par les modèles coopératifs, notamment.

  • Dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, comment voyez-vous cette chaîne qui va de l’associations en passant par des organismes comme le vôtre, les entreprises, l’État… Voyez-vous un écosystème de la philanthropie ?

Oui, je vois un écosystème de la philanthropie et nous y jouons un rôle. Cela dit, notre approche ne se limite pas à la philanthropie elle inclut des préoccupations plus larges : gérer l’ensemble des paiements liés aux activités associatives, pouvoir fédérer des personnes, développer de nouveaux projets… Au sein de l’écosystème de la philanthropie, nous avons un double positionnement. D’abord, nous proposons un outil et nous nous attachons à ce que cet outil soit accessible au plus grand nombre d’associations. Je pense qu’à ce titre, HelloAsso a permis à de nombreuses associations de se lancer dans de la collecte de dons, ce qu’elles ne faisaient pas auparavant. Un de nos enjeux est de pouvoir rendre la philanthropie accessible au plus grand nombre d’associations, car elles ont toute la capacité de récolter des dons. Et d’autre part, de les accompagner, leur apprendre à utiliser ces outils et adapter leurs communications, ce besoin est important. 

Une véritable innovation de rupture

  • D’abord vous avez créé un système génial parce que c’est le premier qui a existé sous cette forme avec une rémunération sur des pourboires. Une totale innovation.

Oui, en France nous sommes les premiers effectivement. Cela existait aux États-Unis. C’est de là qu’est aussi venue l’inspiration. Il y avait une application aux États-Unis qui s’appelait Causes qui a été montée par l’un des fondateurs de Facebook et qui fonctionnait avec ce modèle. Cela s’appelle « tip-based » aux États-Unis, ou encore « Pay as you want ». Nous avons trouvé l’idée très intéressante, et très en phase avec les valeurs du monde associatif, beaucoup plus transparente pour les contributeurs qu’une commission qui est calculée et prélevée de manière arbitraire. Lorsque nous l’avons mis en place sur notre premier module de dons, beaucoup nous ont dit : « mais vous êtes fous ! En France on n’a pas la culture du pourboire et les gens ne vont rien vous laisser. Les Français sont des radins. » 

Nous avons un dicton qui résonne depuis longtemps : « Lorsqu’on parle au meilleur des gens, ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. » Et depuis le début, nous avons pris le parti d’être très transparents sur le modèle et de demander aux personnes de nous soutenir dans le développement. Il faut savoir qu’aujourd‘hui, une personne sur deux choisit de nous laisser une contribution volontaire pour HelloAsso. 

C’est donc aujourd‘hui un modèle qui a fait ses preuves, et je pense que c’est là aussi où l’économie sociale et solidaire a un rôle à jouer pour pouvoir proposer des modèles économiques plus justes sur Internet. Il n’y a pas que vendre de la donnée, prendre des commissions ou faire de la publicité. Je pense que l’ESS peut inventer de nouveaux modèles économiques. À ce titre, un très bel exemple est Wikipédia dont on fête le vingtième anniversaire. C’est le cinquième site le plus visité dans le monde, détenu par une fondation, et c’est un service qui ne se rémunère que sur la base de dons ; une vraie inspiration pour nous. 

  • Vous avez été imités depuis ?

Oui, nous avons vu quelques acteurs qui ont mis en place ce modèle également sur des plateformes de collecte notamment. Malheureusement dans certains cas, ces acteurs sont impliqués sur les deux modèles, ce qui détourne l’essence de notre modèle, car ils prennent une commission et en plus ils proposent une contribution.

  • On peut donc dire qu’il s’agit là d’un modèle qui n’est pas imité. Personne n’ose le pari d’autant que vous avez beaucoup d’avance !

C’est effectivement un pari osé, et je pense que cela nécessite aussi d’avoir une relation de confiance très forte avec les internautes et nous travaillons depuis dix ans à instaurer cette confiance, que ce soit vis-à-vis des associations ou vis-à-vis des personnes qui leur font un paiement. Notre système est transparent, ce qui fait que par la preuve les personnes sont assez enclines à nous soutenir ; elles croient dans le modèle, dans la démarche et dans la qualité de ce que nous apportons. Je pense que c’est peut-être moins le cas pour des sites qui se lancent.

  • Lorsqu’on regarde l’évolution d’HelloAsso on constate une organisation en mouvement pour s’adapter à la demande. Quand les associations téléphonent chez vous elles trouvent toujours un interlocuteur. Vous avez développé un écosystème de « faire », mais aussi d’apprendre à faire, d’accompagner à partir de modules de formation. C’est un système qui s’est sophistiqué en fonction de la demande ?

Oui, nous avons identifié assez rapidement que les outils numériques seuls ne suffisaient pas. Il existait pour beaucoup d’associations un vrai enjeu autour de l’appropriation du numérique et de montée en compétences pour pouvoir en tirer parti. Il fallait qu’on les accompagne dans la prise en main de ces outils, car la mission de renforcer les capacités des associations, ne pouvait être atteinte sans cette implication. Nous avons donc lancé nos premières formations en 2015.  Nous avons beaucoup testé les formats, la première était une formation en ligne à la manière d’un MOOC, mais nous avons identifié que pour certaines associations assez éloignées du numérique, cette approche n’était pas suffisante. Nous avons donc organisé des sessions de formation en présentiel, notamment dans le cadre d’un Tour de France à l’été 2015. Nous étions frappés d’arriver dans des villes où nous étions peu connus, comme à Strasbourg et de trouver la salle comble avec plus de 300 associations dans la salle pour appréhender le numérique. Cela illustrait un besoin majeur d’accompagnement pour prendre en main ces nouveaux sujets et outils.  Nous étions quinze à l’époque, et nous nous sommes dit que nous n’aurions pas la capacité de former tout ce monde.

L’enjeu : un engagement massif pour la formation numérique

  • Combien d’associations passaient par HelloAsso à ce moment-là ? 

Environ 10 000, mais nous voyions déjà l’ampleur de la tâche. Tous les acteurs économiques ont été confrontés ces dernières années à une forme de transformation digitale. Mais contrairement aux entreprises, les associations n’ont pas pu bénéficier de plans de formation, de plans d’équipement, pour s’approprier ces nouveaux moyens. Nous sommes convaincus que le numérique n’est qu’un outil, mais c’est un outil très puissant, c’est un super-pouvoir. Aujourd’hui cet outil est massivement utilisé par des acteurs marchands qui font de grands supermarchés en ligne, notre objectif est de le mettre dans les mains des acteurs de l’intérêt général. C’est un super-pouvoir qui renforce leurs capacités, et leur permet de faire plus et pouvoir faire mieux. C’est vraiment cette dynamique qui nous anime. Et pour revenir aux formations, nous avons identifié, et cela va rejoindre mon propos sur les écosystèmes, que l’enjeu était de pouvoir renforcer autour des associations des écosystèmes comme il en existe beaucoup pour les startups qui sont vraiment très accompagnées.  Les startups bénéficient d’écosystème très soutenants dans leurs développements, qu’ils s’agissent de financeurs, d’incubateurs, des mentors pour l’accompagnement… Il existe également des acteurs qui entourent les associations, notamment par le biais des collectivités, via des Maisons des Associations, mais également les fédérations et les réseaux associatifs qui accompagnent et apportent de nombreuses ressources à leurs membres. Nous avons donc choisi de consacrer nos actions de formation à la montée en compétences sur le numérique de cet écosystème existant pour qu’il soit à même d’accompagner les associations sur les enjeux numériques.  C’est le sens du programme Point d’Appui Numérique Associatif, PANA, que nous avons lancé avec le Mouvement Associatif et la Fonda et où nous faisons de la formation de formateurs : former tout cet écosystème d’accompagnement des associations pour qu’il soit en capacité de devenir ce que l’on appelle des « aiguilleurs du net » , c’est-à-dire d’orienter les associations dans leurs pratiques numériques, les aider à identifier localement, que ce soit les ressources, les personnes qui peuvent les accompagner et aussi les outils dont elles peuvent bénéficier. 

Au-delà de cet aspect formation et de montée en compétences globale du secteur, aujourd’hui 50 % de ce que nous apportons aux associations c’est de l’accompagnement. Au-delà du produit, c’est la possibilité d'appeler notre équipe et contacter une personne qui va prendre le temps nécessaire avec l’association au téléphone. C’est un vrai enjeu de maintenir cette qualité d’accompagnement au regard de la croissance du nombre d’associations que nous accompagnons. Aujourd’hui nous avons près de 20 personnes dans notre équipe qui s’y attachent quotidiennement. Et les chiffres sont significatifs : cela représente de l’ordre de 20 000 contacts avec les associations tous les mois, que ce soit par téléphone ou par e-mail. C’est donc une très forte activité d’accompagnement, essentielle et sur laquelle nous allons continuer à investir. 

  • Combien d’associations passent par vous aujourd’hui ? 

135 000 qui représentent en collecte 375 millions d'euros, alors que nous fêtions les 100 millions collectés, il y a moins de deux ans. Nous avons donc collecté 275 millions de plus sur les deux dernières années.

  • C’est une croissance impressionnante. Le modèle économique est-il viable ?

Oui, depuis cette année. 

  • Proposez-vous d’autres prestations payantes ailleurs, comme vous l’avez fait au début ?

Non, aujourd’hui les contributions volontaires sont notre unique source de revenus. Dans le passé, nous avons travaillé avec des fondations d’entreprises où nous réalisions des prestations pour mettre en œuvre des dispositifs numériques et solidaires. Nous avons désormais complétement arrêté cette activité pour nous concentrer sur le développement de notre plateforme et l’accompagnement des associations. On ne peut pas tout faire, et nous avons choisi de nous focaliser sur là où nous avions le plus d’impact. Les deux dernières années ont été des années d’investissements très forts. Nous avons continué à perdre de l’argent, mais aujourd’hui nous avons atteint notre point d’équilibre et le modèle est viable.  

Éthique et confiance

  • On peut appeler ce que vous avez fait des « innovations de rupture », parce que même si vous parlez des plateformes de collecte, de la formation, vous avez aussi sécurisé le système. Cela est très important. Dans un monde où la confiance est essentielle, le système de la collecte est très sécurisé chez vous.

Oui, complètement, et c’est d’ailleurs un point clé pour les donateurs. L’une des spécificités de HelloAsso est de ne s’adresser qu’au secteur associatif. Nous analysons et validons que tous les comptes sont bien des associations, cela contribue à créer de la confiance. Nous sommes ouverts à toutes les associations et chacun peut trouver celle qu’il cherche sur HelloAsso. Ce sont des sujets sur lesquels nous souhaitons continuer à renforcer notre approche. Les collectes de dons se multiplient, et la défiance aussi. Avec cette approche spécifique dédiée aux associations, nous apportons aussi une réponse en termes de confiance pour les donateurs.

  • On parle de chaîne de confiance à travers la « blockchain », c’est quelque chose que vous regardez ? 

Je sais que mon CTO regarde et cela le passionne. Pour l’instant, cela reste encore très prospectif, mais cela fait partie de sujets d’exploration.  Les dix dernières années nous ont montré à quel point les usages, comme les technologies évoluent vite. L’enjeu pour nous est de pouvoir identifier les futurs tournants et faire évoluer nos solutions, ne pas être dépassés. 

Le confinement révélateur, accélérateur du besoin numérique

  • Le confinement a-t-il accéléré les choses ? Il semblerait que beaucoup d’organisations étaient mal adaptées au numérique.

Oui tout à fait, cela a accéléré les choses, notamment en termes d’usage puisque le numérique est devenu essentiel et nécessaire pour poursuivre un grand nombre d’activités. On l’a vu à l’annonce du confinement. En mars, nous avons partagé avec l’équipe un message simple : nous nous mettons au service des associations pour identifier leurs besoins et comment les aider sans cette période-là. Et il n’y a pas de réponse impossible : écoutons tous les besoins. Le premier point évoqué par les associations a été de pouvoir se doter d’outils basiques pour continuer leurs activités à distance : visio, etc. Nous avons organisé des sessions de formation en ligne, et en huit semaines, nous avons formé 8 000 associations pour les guider vers les outils collaboratifs, afin de poursuivre leurs activités malgré le confinement. Les associations ont l’habitude de se retrouver dans le local de l’association avec les bénévoles de l’association. Tout cela peut exister, de façon dégradée, à distance et a représenté une digitalisation accélérée pour beaucoup d’associations. Moralement, cela a été difficile également, nous avons aussi mis en place des groupes d’entraide entre associations. Nous avons créé un groupe sur Facebook, où les associations viennent partager les problématiques, les enjeux qu’elles rencontrent et elles s’entraident les unes les autres. Je pense que cela a permis de renforcer la prise de conscience de l’utilité de ces réseaux et du numérique au sens large pour la vie associative. 

  • Avez-vous vu beaucoup de casse, ou non ?

Pour l’instant, nous constatons que de nombreuses activités associatives sont en sommeil. La question est de savoir si elles auront la capacité de redémarrer ou non. Cela est une source d’inquiétude pour beaucoup de responsables associatifs.  Au démarrage de la crise du COVID-19 nous avons aussi constaté un sursaut de la générosité, en quelques mois, il y a eu plus de 25 millions d’euros de dons collectés sur HelloAsso, soit plus du double de la collecte constatée l’année dernière.  Je pense qu’il y a eu à ce moment-là une prise de conscience assez forte des citoyennes et des citoyens sur la nécessité d’agir, de s’engager. Les applaudissements à 20h n’étaient pas anodins, et illustraient également cet élan collectif de solidarité vis-à-vis des personnes en première ligne, mais également aux côtés des associations mobilisées. Le deuxième confinement est différent. Il n’y a pas ce même sursaut, ce même élan. On n’applaudit plus aux fenêtres. Plus cette situation se prolonge, plus elle est risquée pour la pérennité du secteur associatif ; sans reprise des activités, les ressources financières se raréfient, et ce sont les structures en tant que telles qui sont mises en péril. 

L’ami numérique

  • En fait, vous êtes l’ami numérique parce que, et c’est tout à fait intéressant, vous êtes un prestataire pour les associations et finalement vous avez tourné le modèle du prestataire de base dans une forme tout à fait innovante. Vous n’êtes pas une marketplace, vous n’êtes pas un Gafa évidemment, mais vous avez créé un système où la mécanique est quasi- secondaire à l’esprit de votre projet.

Oui, je crois que nous voyons véritablement l’outil numérique comme un moyen, plus qu’une fin en soi. À ce titre, c’est aussi pour cette raison que nous essayons de renforcer les écosystèmes existants. Nous n’avons pas envie de remplacer ce qui fonctionne très bien. Nous essayons de voir comment, avec ce que nous savons faire, nous pouvons apporter et combler peut-être des vides. Plutôt que comme un prestataire, nous nous définissons comme un partenaire, notamment parce que le service est gratuit. Les associations peuvent donc s’appuyer sur nous un temps donné, elles peuvent s’inscrire et repartir si elles le souhaitent. Il n’y a pas, en tout cas, cette relation engageante que l’on peut avoir avec un prestataire missionné avec une relation commerciale ou contractuelle, même si elles acceptent les conditions générales de la plateforme. Nous avons, je pense, une croissance assez singulière aussi à cet égard et nous essayons plutôt de nous entourer de partenaires pour pouvoir travailler au sein des écosystèmes et pouvoir être utiles quand c’est pertinent. 

  • Vous avez l’intention de poursuivre votre croissance sur le même modèle ? 

Oui, nous avons envie de continuer à investir, à développer nos outils, car il y a encore beaucoup de besoins au sein des associations. Nous ne sommes donc pas du tout au bout de ce que nous pouvons leur proposer pour ces besoins-là, c’est pour cela qu’il nous faut des moyens pour investir, et notre croissance est fortement liée à notre volonté de continuer à pouvoir investir dans de nouveaux outils. 

Par exemple, l’un de nos projets du moment est de faire gagner du temps aux responsables associatifs, en leur permettant de connecter les solutions HelloAsso à leurs outils existants : à son site internet, à son outil d’envois d’email, à son CRM… Nous essayons que la plateforme soit le plus simple et ouverte possible et que les associations puissent très facilement intégrer nos outils dans ceux dont elles disposent par ailleurs. 

Faire vivre la vie associative toujours en innovant

  • Cela signifie-t-il des contacts avec des prestataires des autres pour essayer de travailler comme cela ?

Tout à fait. Nous avons une intégration avec le CRM OHME qui a été lancé par One Heart, des connecteurs avec Salesforce, Wordpress, E-monsite, Site W… Aujourd’hui, notre API permet à différents acteurs de pouvoir intégrer directement les outils HelloAsso. Cela représente un vrai plus pour les associations, car ce maillage de différents outils numériques leur permet de gagner beaucoup de temps. 

Nous tissons par ailleurs des partenariats axés sur la valorisation des acteurs associatifs pour les aider à se faire connaître au-delà de la plateforme. Nous avons aujourd’hui 130 000 associations et un autant de projets formidables qui se passent sur notre plateforme. Ainsi, en tissant des partenariats avec les collectivités et les médias, nous pouvons faire en sorte que ces projets soient plus exposés et donc plus soutenus.  Cela c’est aussi un vrai bénéfice pour les associations parce que ce sont souvent des approches compliquées et elles n’ont pas les ressources, ou les compétences pour savoir comment améliorer leur visibilité. 

Il y a aujourd’hui une attention très forte portée au local, et je pense un souhait pour beaucoup de s’investir, s’engager. À l’échelle d’une ville, d’un quartier, beaucoup de projets portés par les associations gagnent à être connus, le soutien de nouvelles personnes à leurs côtés peut donc être décisif. 

  • Cela représente un projet en soi, c’est très lourd de mettre en place tout cela…

La vision que nous portons, c’est 100 % des Françaises et des Français engagés dans une association.  Je pense que cela va nous occuper un moment… 

  • Cela va devenir la branche « Connect » de HelloAsso ?

En quelque sorte, nous expérimentons des dispositifs et partenariats pour amorcer cette dynamique. Nous avons fait une opération avec Hacktiv et des collectivités à la rentrée : la Rentrée des Assos, où nous avons référencé tous les événements menés par les associations à cette période charnière de reprise dans ce contexte peu propice aux forums des associations.  Nous avons fédéré autour de cette opération une quarantaine de collectivités partenaires qui ont pu ensuite faire la promotion de tous ces évènements auprès des citoyens de leur ville. On voit que ce sont des dynamiques qui commencent déjà se mettre en place et on souhaite pouvoir les intensifier pour donner plus de visibilité aux associations. La vision que nous portons, c’est 100 % des Françaises et des Français engagés dans une association ! Nous cherchons donc à faciliter l’identification des associations, et le passage à l’action. Et je pense que la solution pour que le secteur associatif continue d’exister d’une part et de se développer d’autre part, tient à la mobilisation du plus grand nombre, des personnes, comme vous et moi. Et pour fédérer beaucoup de personnes autour d’un projet, le numérique est un formidable allié.

  • Très bien, vous auriez d’autres point à ajouter ?

Sur la philanthropie, j’ai la sensation que là où nous sommes intervenus ces dernières années c’est vraiment de démocratiser la collecte de fonds. Je l’ai évoqué plus tôt, mais c’est important de se rappeler que le numérique a transformé les pratiques. Si l’on regarde quelques années en arrière, les collectes de dons supposaient d’envoyer des courriers, cela nécessitait donc des moyens, de faire de la publicité et de pouvoir mener des campagnes de communication. C’était donc réservé à quelques grandes structures associatives ou ONG qui avaient la notoriété et la surface financière nécessaires. Aujourd‘hui avec internet, communiquer est devenu accessible, envoyer un mail c’est gratuit, avec les réseaux sociaux également, et tout cela a mené à une démocratisation de la collecte de fonds où même de petites structures et de petits acteurs ont aujourd’hui la capacité à mobiliser leurs communautés et de collecter des dons. Cela représente un grand changement qui s’accompagne en parallèle d’une démocratisation aussi, du fait même de donner, à travers des dispositifs comme le micro-don, etc. On compte aujourd’hui plus de 5,5 millions de foyers qui sont donateurs, les formes de dons et d’engagements sont de plus en plus accessibles, le digital a contribué à faciliter le passage à l’action, des jeunes notamment. De fait, la solidarité est de plus en plus répandue, ce qui est porteur d’espoir pour les années qui viennent, car la mobilisation du plus grand nombre sera nécessaire. 

 

Propos recueillis par Francis Charhon.

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