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Par Le RAMEAU - Publié le 28 février 2020 - 14:00 - Mise à jour le 28 février 2020 - 14:42
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L'ODD 17 la diversité des approches

En novembre dernier, le rapport de recherche « ODD 17, un levier de changement systémique » a fait la corrélation entre les 3 leviers d’activation de l’intérêt général, et ceux de la conduite du changement de toute transformation profonde au sein d’une organisation qu’elle soit publique ou privée, grande ou petite. Les 3 leviers sont ceux de la VISION, de la GESTION et de l’ACTION. Le premier est fondé sur la capacité de mobilisation au travers d’un projet partagé, le second sur les modalités de mise en œuvre qui structurent le passage à l’acte, et le troisième sur la réalité pragmatique de l’action engagée. Selon les acteurs, les moments et les objectifs, le barycentre entre ces trois leviers évolue.

De même, ce rapport a expliqué l’émergence du mouvement d’alliances innovantes par la convergence historique des fragilités des 4 grands profils d’acteurs de l’écosystème : les pouvoirs publics, les entreprises, les associations et les académiques. Rares ont été les moments dans l’histoire où ils ont été fragilisés au même moment. Les difficultés actuelles rencontrées par chacun d’eux imposent la « fin des arrogances » (voir livre collectif : « Bien commun : vers la fin des arrogances »). Plus encore, elles obligent à s’ouvrir vers des univers sur lesquels il était encore improbable de penser pouvoir coopérer 20 ans en arrière. C’est le fondement du mouvement de co-construction.

Les fondements de la co-construction

Les fondement de la co-construction

Comme toujours, c’est donc la nécessité qui pousse au changement radical. Si les Objectifs de Développement Durable en 2015 ont établi l’ODD 17 comme celui du changement de méthode, ce n’est pas seulement parce qu’il fallait un « fourre-tout institutionnel » pour répondre aux besoins des pays les plus fragiles, c’est sans doute aussi parce qu’il y avait l’intuition d’un changement de philosophie politique. Mais, si l’alchimie est déjà à l’œuvre, et qu’elle concerne tous les acteurs, elle ne peut être uniforme. Voyons donc comment chacun des acteurs se saisie de cette inexorable nécessité de faire alliance.

Côté entreprise : un nouvel équilibre entre responsabilité et engagement

Commençons par l'entreprise car elle est pragmatique ! C’est ce qui la caractérise. Elle incarne l'ACTION. C’est à la fois cette agilité qui fait placer en elle beaucoup d’espoir sur la possibilité d’essayer de nouvelles formes d’actions… mais c’est aussi ce qui lui est reproché car ce n’est qu’un « outil » de production de biens et services. Sa fonction première est de répondre à des besoins en fournissant des réponses adaptées. Ce n'est pas de nous donner un sens collectif. Notre tendance naturelle à vouloir faire du "3 en 1" nous pousse à vouloir tout d’elles alors qu’elles ne sont que l’objet de notre action collective pour mettre en œuvre des réponses concrètes qui permettent à la fois de réduire les fragilités et de créer de nouveaux moteurs économiques durables.

L’analyse de la manière dont les entreprises se saisissent des ODD est en ce sens éclairant : selon les profils et les ADN, certaines les prennent par la VISION, par la GESTION ou par l’ACTION, et selon le point de départ choisi propose une forme de « parcours » cohérent pour tenter de donner du sens à son action. L'analyse exploratoire réalisée par Le RAMEAU, en partenariat avec le Groupe Vyv, illustre au travers d’exemples cette recherche d’une cohérence et d’une forme de convergence avec le nouveau rôle assigné à l’entreprise. Pourtant, tels que les Français l’ont parfaitement souligné dans l’étude IMPACT-Citoyens, les entreprises ne peuvent pas seules faire évoluer l’écosystème. Si elles se doivent de se remettre en question, elles ne peuvent être efficaces dans leur capacité à agir sociétalement que si elles le font en partenariat avec les collectivités territoriales et les associations. C'est un challenge pour elles.

 

Côté associations : une nouvelle force d'entraînement à inventer

Poursuivons donc par les associations : elles sont les lieux de l’engagement collectif ! S’il faut naturellement bien distinguer le fait associatif des associations qui portent des missions d’intérêt général (voir le référentiel « Modèles socio-économiques d’intérêt général »), ces dernières jouent un rôle structurant dans la cohésion sociale et territoriale. Si l’entreprise symbolise l’ACTION, les associations symbolisent la VISION. De par leur nature, elles naissent, se développent, et parfois disparaissent pour porter un sens collectif d’une mission librement choisie au service de l’intérêt général. Fondées sur l’économie de l’engagement, elles permettent d’agir là où ni les entreprises, ni les acteurs publics ne peuvent le faire. Elles ont un rôle de « ciment » créateur de LIENS qui ne se limite pas à ce qu’elles font, mais aussi à la manière inclusive dont elles le font. C’est l’adhésion qui fonde leur légitimité. Au sens propre, elles incarnent le sens collectif.

L’analyse des pratiques ODD des acteurs de l'ESS éclaire à la fois sur leurs forces et leurs faiblesses. Si les associations savent en leur sein créer l’unité nécessaire, le « raccordement » au reste de l’écosystème est parfois difficile. Si les structures d’intérêt général peuvent être des éclaireurs sans pareil, et sont les acteurs d’une R&D sociétale radicalement innovante, elles ont pourtant du mal à s’inscrire collectivement dans l’écosystème et dans une vision systémique. Se décentrer pour voir sa « juste place » dans une transformation où d’autres impératifs doivent être pris en compte heurte parfois le caractère radicalement « militant » de la dynamique engagée. Plus encore, lorsque l’on observe le spectre multifacette de l’ESS, qui recouvre des acteurs de profils radicalement différents, il est souvent difficile d’y voir un sens commun au-delà de l’impérieuse nécessité de préserver la démocratie. Ce plus petit dénominateur commun est cependant réducteur pour comprendre la richesse foisonnante d’un secteur d’intérêt général encore trop mal connu en France et trop facilement confondu – volontairement ou involontairement – à l’économie à impact, 3ème voie d’une toute autre nature.

 

Le panorama ESS & ODD, explicite les multiples ramifications et la diversité des formes d’approches des ODD par l’ESS. C'est une démonstration de l’impérative nécessité d’entrer plus avant dans la compréhension fine de l’apport incontournable et unique des structures d’intérêt général. Ces dernières sont de véritables « auxiliaires des pouvoirs publics » pour les aider à appréhender la diversité des publics et des territoires. Saurons-nous en comprendre les spécificités ?

Côté Collectivités territoriales : la nécessaire co-construction des politiques publiques

Cela nous amène à notre 3ème acteur : les collectivités territoriales, garantes de la dynamique collective ! Si les entreprises incarnent l’action et les structures d’intérêt général la vision, les collectivités territoriales incarnent parfaitement le 3ème levier : la gestion régulatrice de l’intérêt général sans laquelle il est impossible de faire « corps ». Le cadre collectif existant au niveau national, voire international, rencontre la réalité de terrain sur les territoires. C’est là très concrètement que le "1er kilomètre des besoins" de chacun d’entre nous rencontre les "derniers kilomètres" des solutions existantes. Plus que les services publics qui ne sont qu’une fonction de l’acteur public, c’est au travers de la capacité à proposer concrètement un Projet commun qui s’impose à tous, mais aussi qui implique tous, que la valeur de l’acteur public de proximité se fait valoir. C’est concrètement sur les territoires que chacun d’entre nous n’est pas seulement « usager » et consommateur de services publics, mais avant tout « citoyen » et contributeur à l’intérêt général. L’invitation des collectivités territoriales à inventer ensemble des solutions concrètes pour répondre aux défis des territoires, notamment pour les publics et les territoires en fragilité, est sa 1ère des fonctions. C’est cela « faire société », et c’est sur les territoires, en proximité, que cela prend tout son sens… et toute sa capacité d’action. Car que seraient les grands discours sans capacité à mobiliser localement les énergies pour agir ? Que seraient les lois si elles ne trouvaient échos dans la réalité du quotidien ? C’est tout le sens de l’Autorité, la vraie, celle qui repose sur la légitimité naturelle du sens de la justice et de l’acceptation des limites de chacun au service d’un intérêt général réellement fédérateur. C’est en ce sens que les ODD peuvent devenir un outil de dialogue, de mobilisation et d’actions collectives pour relever ensemble les défis commun.

Le remarquable guide « ODD et collectivités territoriales », réalisé par le Comité 21, offre un mode d’emploi concret, pragmatique et cohérent pour initier une démarche apprenante en territoire. Au moment où les équipes municipales vont être renouvelées, c’est un puissant outil pour inscrire les prochains Projets de territoires dans une dynamique à la hauteur des enjeux adressés, tant sur le plan local qu’international qu'il n'est plus possible d'opposer. Il nous faut concilier « fin du mois » et lutte contre la « fin du monde ». C’est sur les territoires que cette équation est possible, et c’est aux collectivités territoriales d’en prendre l’initiative en fonction des acteurs, des richesses, des talents, des besoins, … mais aussi des envies de leur territoire. Dans un moment de transformation aussi structurel qu’actuellement, elles doivent pouvoir compter sur chacun à la fois au niveau personnel, organisationnel et structurel. C’est tout le sens de la mutation à l’œuvre au service de l’intérêt général (voir Dossier « Intérêt général : un concept en mutation »). Saurons-nous être à leur écoute et à leur service ?

Côté académiques : un nouveau savoir à qualifier

Pour les y aider, elles peuvent s’appuyer sur un allié de poids : les acteurs académiques qui portent à la fois la recherche et l’enseignement. Ce sont les deux leviers de long terme qui viennent éclairer, étayer, et transformer les barycentres entre VISION, GESTION, ACTION. Qui mieux que les acteurs académiques peuvent capitaliser, modéliser et transmettre les connaissances essentielles de nos apprentissages collectifs?

L’analyse de l'appropriation des ODD par le secteur de la Recherche et l’Enseignement supérieur montre à la fois la récence et l’approche méthodologique mise en place. Il faut donner du temps au temps, et l’acteur académique sait plus que quiconque la valeur de ce temps que nous souhaiterions tant pouvoir influencer. Pourtant, les temps de gestation ne changent pas, et il nous faut accepter les étapes qui nous permettent collectivement de gravir les échelons de maturité nécessaire pour un changement systémique. Alors oui l’urgence est là, mais c’est comme en médecine où la pharmacovigilance est une source essentielle pour ne pas trop vite croire aux « miracles » et risquer de diffuser des traitements aux effets secondaires pires que l’effet thérapeutique qu’il est censé produire. La co-construction du bien commun au travers d’une action concertée, partagée et démultipliée sur les ODD est un enjeu d’apprentissage collectif de nouvelles façons de dialoguer, d’agir et de se (re)connaitre. C’est cela profondément l’ODD 17, et souhaitons que les acteurs académiques nous éclairent vite sur ses effets afin que nous puissions en confiance inviter chacun à devenir contributeur volontaire et engagé de cette Alchimie du bien commun. Le voudront-ils ? Telle est la question..., et sauront-ils sortir de l'analyse d'un cadre conceptuel pour en être les moteurs ? 

L’analyse des pratiques ODD des différents acteurs (Collectivités territoriales, entreprises, ESS et ESR) a aussi permis de poser les questions structurantes pour réussir une transformation systémique : Comment valoriser la capacité d’action sociétale collective ? Comment inventer les modèles socio-économiques adaptés ? Comment conduire le changement systémique ?

Une capacité d'action holistique

Les résultats des analyses exploratoires montrent que si nous ne sommes pas au bout du chemin, nous sommes déjà bien avancés... plus que nous le conscientisons collectivement. Il est donc urgent d'étayer les preuves que la co-construction du bien commun n'est pas un rêve mais une réalité déjà à l'oeuvre sur les territoires. Tels des jardiniers, si nous en voulons les fruits, il nous faut collectivement l'entretenir, y consacrer du temps et avoir la patience d'atendre le juste temps pour que les résultats soient à la hauteur de nos aspirations collectives. Au regard de ce qui est déjà planté, ils le seront ... si nous savons y "prendre soin" !   

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