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Par Deux minutes pour mieux vivre l'autisme - Publié le 4 février 2021 - 14:42 - Mise à jour le 4 février 2021 - 14:54
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Les aidants sont les vrais héros de l’autisme…

Alors que j’avais 10 ans, mes parents ont adopté deux enfants en situation de handicap. A leurs côtés, j’ai grandi sans appréhension ni préjugés, dans le respect de nos différences.  Plus tard, j’ai choisi de consacrer ma vie à l’accompagnement des enfants handicapés, en devenant orthophoniste spécialisée, puis en créant une structure d’accueil et en développant de nombreuses autres initiatives. Aujourd’hui, à 46 ans, consciente d’avoir adopté une vision relative de la normalité, je peux m’amuser de toutes les petites bizarreries qui ont ponctué mes années d’enfance et d’adolescence.  

Tu sais que tu es la grande sœur d’un frère handicapé quand…

 

  • Tu es obligé de marcher sur tous les joints du carrelage pour passer du salon à la cuisine,
  • Tu peux regarder un film à la télé sans le son,
  • Tu écoutes en boucle une chanson de Chantal Goya sans négocier un autre morceau
  • Tu ne réagis pas alors que la lumière de ton bureau s’allume et s’éteint de façon régulière toutes les trois secondes depuis déjà 1h27
  • Quand cela fait plus de 17 minutes que tu négocies calmement avec ton frère pour qu’il enfile sa deuxième chaussette,
  • Quand tu ne sors jamais de la maison sans avoir mis dans ta poche une toupie, un ballon de baudruche, et une boîte de Smarties,
  • Quand tu acceptes de ne manger que des aliments rouges, quelle que soit la saison,
  • Quand tu comptes les pas entre ta chambre et la salle de bain à chaque fois que tu vas aider ton frère à se doucher
  • Quand tu te sèches les cheveux à la cave pour être sûr que ton frère n’entende pas le bruit du sèche-cheveux
  • Quand tu mets ton réveil à 5h pour être sûre de retrouver à temps la dernière pièce du puzzle que ton frère a fait tomber de la table de jardin
  • Quand tu commences à compter les escargots sur le chemin de l’école,
  • Quand tu comptes le nombre de secondes qui il y a entre le feu rouge et le feu vert,
  • Quand tu additionnes spontanément tous les chiffres qui apparaissent sur ton réveil au moment où tu ouvres les yeux
  • Quand tu acceptes de jouer au 421 pendant quatre heures consécutives le soir du réveillon alors que tu as 20 ans
  • Quand tu mets le lave-linge en route avec un seul vêtement dedans, bleu de préférence, pour être tranquille le temps d’un cycle de lavage
  • Quand tu alignes les quartiers de clémentine sur la table pour que ton frère accepte de les manger
  • Quand tu ne dessines que des arcs-en-ciel pendant quatre ans
  • Quand tu préfères aller chez tes copains plutôt que de les inviter à la maison pour jouer ou écouter de la musique
  • Quand tu as envie de hurler à chaque fois que tu entends un de tes potes dire « il est autiste ce prof ! »
  • Quand tu réalises que tu connais plus de noms de psychiatres et de rééducateurs paramédicaux que des noms de marques de chaussures de sport de fringues sympas 
  • Quand tu t’installes systématiquement sur le dernier banc de l’église à la messe pour pouvoir sortir rapidement
  • Quand tu parles de trains depuis plus d’une heure alors que tu ne travailles pas à la SNCF
  • Quand tu apprends à ton insu les horaires de bus d’une ville dans laquelle tu ne vis pas
  • Quand tu te réjouis de toutes les places « Handicapés » peintes devant les grands magasins
  • Quand tu profites de ton frère pour ne jamais faire la queue à Disney,
  • Quand tu achètes sur Amazon une brosse à dents en forme de locomotive,
  • Quand tu réalises que tes amis n’ont pas de planning visuel sur leur frigo,
  • Quand tu vois des autistes partout, 
  • Quand tu es prête à payer 25€ de l’heure une baby-sitter pour aller dîner à la pizzeria,
  • Quand tu acceptes que le docteur te fasse une piqûre alors que tu es là pour le rappel de ton frère…

 

Je peux l’avouer aujourd’hui toutes ces situations me font sourire, avec le recul. Être frère ou sœur de personnes en situation de handicap c’est pas un vrai job, c’est juste un statut que l’on endosse à temps partiel. Quand on n’en a marre il suffit de fermer la porte de sa chambre. 

 

Mais être parent d’un enfant en situation de handicap c’est tout autre chose… Je l’ai réalisé en devenant maman à mon tour et en accompagnant depuis 25 ans les parents d’enfants handicapés. Quand on est parent d’un enfant en situation de handicap, la vie bascule et ce à temps plein. 24h/24, 7j/7, 52 semaines par an ; aucun jour de répit n’est négociable, impossible de se mettre en grève. Sans l’avoir choisi, le parent devient le grand responsable : accusé parfois d’être le responsable des troubles eux-mêmes. Une responsabilité lourde et destructrice. Une responsabilité angoissante car tellement difficile à partager avec la société dans laquelle nous vivons. Leurs meilleurs amis sont souvent la solitude, le désespoir et l’épuisement.

 

Priscilla Werba est orthophoniste spécialisée auprès des enfants autistes. Elle est à l’origine du projet ‘Deux minutes pour mieux vivre l’autisme’, qui propose 200 vidéos animées de formation pratique à destination des aidants. Inspirées de scénarios de leur vie quotidienne, ces vidéos sont en accès gratuit sur internet (www.deuxminutespour.org).

 

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