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Par Fondation d'entreprise OCIRP - Publié le 9 juin 2020 - 10:21 - Mise à jour le 9 juin 2020 - 10:33
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Les vertus du scoutisme pour soulager les souffrances de l’exil

Une bonne action en entraîne souvent une autre… C’est suivant ce principe que le Centre Primo Levi et l’association des Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France (EEUdF) se sont associés pour mener de concert un très beau projet intitulé « Karibu ». Son principe ? Permettre à des mineurs exilés victimes de torture et de violence politique dans leur pays d’origine et suivis par le Centre Primo Levi de bénéficier d’activités de scoutisme. Pour ces enfants, le temps d’un week-end ou d’un camp d’été, la rencontre avec de jeunes scouts est toujours aussi forte, l’expérience toujours aussi intense et bénéfique. Retour sur ce projet qui a valeur d’exemple soutenu en 2018 par la Fondation OCIRP et reconduit en 2019. Entretien avec Olivier Jégou, assistant social au sein du Centre Primo Levi et responsable du projet « activités de scoutisme » et avec l’équipe en charge du projet Karibu au sein de l’association des Éclaireuses et Éclaireurs Unionistes de France : Marion Salles, Clara Thomas, Basile Fourtune et Paul Wat.

Aider ces enfants à passer de la survie à la vie

  • En tant qu’assistant social, quelles sont vos missions au Centre Primo Levi et dans le projet Karibu ? 

Olivier Jégou : J’accompagne les patients qui sont suivis au centre de soin et qui ont des besoins d’ordre social, dans tous les domaines de leur vie en France. Cela couvre des besoins premiers comme se nourrir ou se loger, jusqu’à des projets de développement personnel et de soin, d’ouverture sur la société, d’aide à l’acquisition de nouveaux repères. Dans le cadre du projet Karibu, je travaille tout au long de l’année en lien avec les groupes des Éclaireurs et leur coordinateur pour préparer les séjours des mineurs qui vont y prendre part. 

  • Pourquoi avoir mis en place le projet Karibu ? 

O. J. : Au-delà de l’aide sanitaire et psychologique que nous délivrons, nous travaillons beaucoup pour l’accès à la culture, aux loisirs et au sport. Ces activités font intégralement partie des soins pour aider les personnes que nous accompagnons, et notamment les mineurs, à sortir de la précarité et des préoccupations liées à l’exil et à l’intégration dans la société française. Prendre soin de ces gens, c’est aussi tisser des liens avec la société dans laquelle ils vivent désormais. Le projet Karibu, mis en place depuis environ trois ans, maintenant, s’inscrit pleinement dans cette approche. Nous souhaitions depuis longtemps trouver des activités pour les enfants qui vivent dans des conditions très précaires et parfois durant des années dans des hôtels ou des centres d’hébergement d’urgence où rien n’est véritablement prévu pour eux. Les week-ends et les vacances scolaires sont souvent synonymes de vide et d’angoisse pour ces enfants. C’est en rencontrant les Éclaireurs Unionistes dans le milieu associatif que l’évidence est née. De leur côté, ils avaient comme projet d’intégrer des enfants réfugiés dans leurs groupes de scouts. Nous étions donc naturellement faits pour œuvrer ensemble. 

Le projet Karibu

23 enfants ont été accueillis entre mars et novembre 2018 dans différentes unités des EEUdF. 12 âgés de 8 à 12 ans. 11 âgés de 12 à 16 ans. 14 d’entre eux étant orphelins vivent seuls avec leur père ou leur mère.
  • Comment les mineurs qui intègrent des camps scouts vivent-ils cette expérience ? 

O. J. : Au fil des années, ce projet est devenu un outil fondamental des soins apportés aux enfants et que nous travaillons de manière pluridisciplinaire avec les psychologues du centre, notamment sur la question de la « séparation » qui est centrale. Le dispositif prévoit un week-end par mois tout au long de l’année et la possibilité de partir deux ou trois semaines durant l’été. Or, être séparés de leurs proches n’est pas chose facile pour ces enfants qui ont connu la violence, la perte d’êtres chers et l’arrachement à leur lieu de vie. Ils sont très soudés avec leurs proches venus en France avec eux. Pour passer de la survie à la vie, notre travail est de dénouer ce qui a été figé par la violence et de retisser de nouveaux liens plus souples. Nous portons une attention renforcée aux possibles effets de cette séparation, même brève, qui peut réactiver des angoisses chez les enfants comme chez les adultes. Une fois ce travail réalisé, il est assez extraordinaire de voir certains jeunes prendre goût à ces activités et s’y épanouir. 

  • Justement, quels bienfaits avez-vous pu observer à travers ces moments de partage ? 

O. J. : Nous avons quelques jeunes devenus majeurs qui passent leur BAFA (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) pour devenir animateurs à leur tour au sein des EEUdF. J’ai beaucoup de retours positifs des enfants comme de leurs parents. Pour nombre d’entre eux, ce dispositif fait évènement dans leur vie : il y a un avant et un après. Le projet permet aussi aux enfants de sortir de la ville, d’aller en province, souvent pour la première fois, de s’ouvrir à d’autres environnements et de rencontrer des enfants qui vivent de vraies vies d’enfants. Cela génère de belles rencontres. 

  • Comment voyez-vous l’avenir de ce dispositif ? 

O. J. : Le projet a été initialement élaboré avec les EEUdF, d’obédience protestante. Notre but est que ce projet soit diffusé à l’ensemble des mouvements du scoutisme, qu’ils soient catholiques, laïcs ou encore musulmans, afin qu’il profite à un plus grand nombre d’enfants exilés. Depuis la rentrée 2018, nous travaillons, par exemple, avec un groupe laïc, les Éclaireurs et Éclaireuses de France (EEdF), en vue de les aider à accueillir plusieurs enfants.

Chacun a à apprendre de l’autre

  • Comment est né le partenariat entre l’association des EEUdF et le Centre Primo Levi ? 

L’équipe EEUdF : Tout a commencé en février 2017 quand plusieurs responsables de deux groupes parisiens ont voulu accueillir des enfants exilés et qu’ils ont été mis en contact avec le Centre Primo Levi via une association partenaire. Aujourd’hui, nous travaillons en étroite collaboration avec le Centre Primo Levi, l’un de nos partenaires les plus actifs, qui nous apporte énormément. 

  • Quelles valeurs partagez-vous, qu’est-ce qui vous réunit ? 

L’équipe EEUdF : Nous partageons cette volonté de permettre à chaque jeune d’être un enfant parmi les enfants, à travers la vie en groupe et en équipe, l’ouverture aux autres et la rencontre, la découverte de la nature et le développement de l’individu. Nous pensons que les enfants déjà adhérents du mouvement, et les nouveaux le rejoignant via le projet Karibu, peuvent mutuellement beaucoup s’apporter et qu’ils ont des intérêts communs à mener ce projet ensemble. 

  • En quoi consistent les week-ends et camps d’été ? 

L’équipe EEUdF : De septembre à juin, chaque unité, constituée par classes d’âge (8-12 ans/12- 16 ans/16-18 ans), part un week-end par mois : soit camper en forêt, soit effectuer des activités le temps d’une journée. Pendant le mois de juillet, l’unité part camper dans la nature deux à trois semaines. Au cours de ces séjours, les jeunes participent à des activités organisées par les responsables comme des jeux de plateau, de stratégie, d’approche ou des jeux de piste, grâce auxquels nous essayons de leur transmettre une valeur ou de leur parler d’un sujet en particulier : la mixité, le respect de l’environnement, l’interculturalité, l’éducation à la paix, l’éducation à la sexualité, la spiritualité… Tout le fonctionnement du scoutisme se base sur la vie en équipe, ce qui permet de travailler beaucoup, notamment, les questions du vivre ensemble et de l’autonomie des enfants. 

  • Qu’est-ce que cela apporte aux uns comme aux autres ? 

L’équipe EEUdF : Nous n’avons eu que des retours positifs de la part des enfants déjà présents dans les différentes unités. Souvent, les enfants ne prêtent même pas attention au parcours antérieur du nouvel arrivant. Il arrive que certains jeunes s’intéressent au sujet, et cela donne lieu à des échanges qui sont parfois difficiles sur le plan émotionnel, mais toujours enrichissants pour chacun. D’un côté, cela aide les enfants accueillis à nouer de nouvelles amitiés, découvrir la vie en groupe, et surtout reprendre une place d’enfant parmi les enfants. De l’autre, les enfants faisant déjà partie du groupe s’ouvrent à d’autres cultures, d’autres histoires et à des personnes qu’ils n’auraient pas l’occasion de rencontrer habituellement au sein des EEUdF. 

  • Des enfants issus d’autres associations peuvent-ils vous rejoindre ? 

L’équipe EEUdF : Oui, c’est déjà le cas. Au cours de l’année 2018/2019, le projet Karibu a élargi son réseau de partenaires et a rencontré des enfants suivis par le Centre d’Action Sociale Protestant, par France Terre d’Asile, par le Groupe SOS, par Singa, et prochainement par les deux associations strasbourgeoises que sont Antenne et Étage.

 

Article extrait de O’Cœur, le magazine d’information de la Fondation OCIRP, n°20, juin 2019.

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