Alice Barbe (SINGA) : « Les réfugiés débordent de solutions pour relever le défi de l'après »
La crise sanitaire tend à isoler davantage les personnes réfugiées. Alice Barbe, la directrice de SINGA, entreprise sociale qui crée des liens entre locaux et personnes réfugiées, prend la parole pour montrer combien leur résilience doit être source d’inspiration.
Chez SINGA, la question de l’isolement est au cœur de nos préoccupations, dans cette crise liée à l’épidémie de coronavirus. Mettez-vous à la place d’une personne réfugiée, dans un centre d'hébergement, pour qui la seule interaction sociale de la journée consiste à récupérer un panier repas sur le pas de sa porte… Difficile de s’intégrer dans ces conditions et de garder le moral.
C’est pourquoi nous avons décidé de continuer la mobilisation en ligne. Nos communautés organisent des apéros online, des cours de yoga, des ateliers cuisine... En effet, si les frontières physiques se sont fermées, celles du digital se sont ouvertes. Et c’est bien là un des effets inattendus du confinement : des membres de communautés de pays différents se rencontrent en ligne grâce à des évènements virtuels, dans un bel élan de solidarité. Certains soignants réfugiés nous font aussi part de leur frustration de ne pouvoir travailler et voudraient être mobilisés par la France.
Des réfugiés mobilisés pour relever le défi de l’après
Cet épisode difficile nous incite à pousser plus loin les frontières de la résilience. Des réfugiés nous écrivent qu’ils ont vécu des moments terribles dans leur parcours, mais qu’ils débordent de solutions pour relever le défi de l’après. SINGA accompagne nombre d'entre eux dans leur projet d’entreprise. Carbon mobile a ainsi été créé par Shiraz en Allemagne. Il souhaitait créer un téléphone portable incassable, en fibre de carbone. Son initiative contribue à réinventer de nouveaux modes de consommation, plus durables et responsables. Il faudra continuer à soutenir de tels projets, d’autant plus en cas de ralentissement économique.
Des locaux de plus en plus volontaires
Nous constatons que beaucoup de personnes veulent s’engager. Cet élan de volontarisme est sans précédent. Plus de 1000 personnes en France sont mobilisées pour organiser des activités de lien social. Les locaux nous demandent comment ils peuvent aider. Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir accueillir des réfugiés chez eux, malgré le confinement. Sachant que seulement 12 % des réfugiés entretiennent des relations avec des Français, nous avons une énorme marge d’amélioration pour que l’intégration soit une réalité.
Alors, cette crise aura-t-elle véritablement une fin ? L’après sera-t-il radicalement différent? Ces élans de solidarité sont une opportunité de transformer la société. En France, nous sommes présents dans neuf villes, avec 25 salariés et une dizaine de services civiques ou stagiaires. Nous n’avons jamais autant collaboré que maintenant. Même chose avec tous les SINGA du monde, nous n’avons jamais autant échangé. Le concept de frontières est en train de s’écrouler.
Alice Barbe