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Par Carenews INFO - Publié le 19 novembre 2019 - 09:47 - Mise à jour le 26 novembre 2019 - 15:19
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Séverine Saint-Martin : «Le plus compliqué, c’est l’exigence que l’on peut s’imposer soi-même»

À l’occasion du Mois de l’ESS, nous nous penchons cette semaine sur l’égalité femmes-hommes. Aujourd’hui, Séverine Saint-Martin, membre du bureau de la direction nationale des Scop ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese), répond à nos questions. 

Crédit photo : DR.
Crédit photo : DR.

Diplômée d’un master en GRH (gestion des ressources humaines) et d’une formation de dirigeante d'entreprise de l'économie sociale, la montpelliéraine Séverine Saint-Martin dirige la société coopérative et participative (Scop) Fondespierre, un organisme de formation et de conseil en parcours professionnel. En 2016, elle a également rejoint le bureau de la direction nationale des Scop, qui rassemble, promeut et représente les Scop à l’échelle nationale. Séverine Saint-Martin a également souhaité pousser son engagement pour l’économie coopérative et solidaire au niveau du Conseil économique, social et environnemental (Cese), dont elle est membre du groupe de la coopération. 

D’après l'observatoire de l'égalité femmes-hommes dans l'ESS, les coopératives sont le seul secteur de l’ESS comptant quasiment autant d’hommes que de femmes.
Selon les types de coopératives, une très forte ségrégation des femmes et des hommes intervient pourtant au niveau des postes de gouvernance — elles représentent entre 5 et 7 % des dirigeant·e·s de coopératives agricoles, et 50 % des président·e·s des coopératives scolaires.

À l’occasion du Mois de l’ESS et de notre semaine spéciale égalité femmes-hommes, Séverine Saint-Martin nous a livré sa vision du secteur et des pistes pour le rendre égalitaire. 

  • En tant que femme, qu’avez-vous trouvé le plus compliqué dans votre carrière ? 

Plus jeune, je pensais sincèrement que l’égalité n’était plus un sujet, qu’elle était acquise. Petit à petit, je me suis rendu compte du chemin qu’il reste à parcourir. Le plus compliqué pour moi, c’est vraisemblablement l’exigence que l’on peut s’imposer soi-même quand on est sous-représentée. On veut vraiment être prise au sérieux, donc on se met une pression supplémentaire, pas forcément consciente. 

Mais le sexisme n’a pas véritablement été un obstacle dans ma progression à des postes de représentation. J’entends bien de temps en temps une remarque sexiste, mais comme on peut en rencontrer dans toutes les sphères de sa vie. Cela peut me mettre en colère, mais je préfère répondre d’un point de vue technicien, ce qui fonctionne et met fin à la discussion. Heureusement, cela reste un sujet extrêmement périphérique en ce qui me concerne. 

  • Quelles difficultés identifiez-vous parmi les femmes accompagnées par le bureau national des Scop ?

L’accession à la direction dans les Scop s’obtient grâce à un processus de démocratie interne, par élection de l’ensemble des salariés associés. Cela explique qu’on soit un peu plus performants au niveau de l’accession des femmes à des postes de direction. Je n’ai jamais assisté à une forme de cooptation, à une non-élection d’une femme en raison de son genre. Par contre, il y a souvent davantage de candidats masculins. Il est donc nécessaire d’aller chercher des femmes. C’est pour cela qu’au sein du réseau des Scop, notre axe de travail pour l’égalité est d’aller sensibiliser les femmes du mouvement pour qu’elles puissent s’inscrire en dehors de leur engagement dans leur entreprise, au sein du territoire et du réseau national. Pour nous, la nécessité est double : encourager de plus en plus de femmes à se présenter aux postes de direction, ainsi qu’aux modes de représentation professionnelle. Je constate en tout cas une progression de la condition des femmes.

  • Comment arriver à une véritable égalité dans les instances représentatives des Scop ?

La réflexion autour des quotas, de l’inscription d’obligations dans les statuts est plutôt une bonne chose pour aller vers la parité. La question de la parité se pose souvent au moment des renouvellements de mandat. C’est alors qu’on voit qu’imposer d’élire des femmes fonctionne. Aujourd’hui, au sein de la représentation du mouvement des Scop, les trois représentants de chaque région doivent obligatoirement comporter au moins une femme. Cette obligation aide à travailler en direction d’une direction nationale mixte. Il faut aller encore plus loin. La mandature actuelle se termine en 2020, et pour la préparation de la prochaine mandature, les femmes doivent se mobiliser dans des régions. 

Il faut ouvrir les portes, attirer les femmes en leur expliquant tout l’intérêt d’être dans une position de représentation, comment elles contribuent à l’avenir d’une société et peuvent trouver un épanouissement personnel comme professionnel. Des arguments qui trouvent de plus en plus d’écho. 

Mais ce combat de l’égalité, il doit se mener en parallèle dans toutes les sphères. Avec la nouvelle génération, je constate que l’égalité au sein de la famille, de l’éducation des enfants et de la prise en charge des actions familiales est en train de grandir. J’aurais eu du mal à m’engager au bureau de la direction nationale des Scop ainsi qu’au Cese quand j’étais plus jeune, avec mes trois enfants à charge. Cela aurait pu se faire uniquement avec un véritable partage des tâches, s’il n’y avait pas eu de combat dans la sphère familiale. Certes, ce combat-là n’est pas encore complètement gagné quand on voit les chiffres actuels de la répartition des tâches ménagères dans les foyers, mais cela va dans le bon sens. Aujourd’hui, les jeunes pères ont envie d’être impliqués au quotidien avec leurs enfants. 

  • Comment rendre le secteur de l’ESS égalitaire ?

Il y a un vrai sujet de mixité dans les métiers. Il faut par exemple mettre en place des actions pour attirer des candidatures masculines dans les métiers du soin. La mixité est un sujet global, sociétal, car aujourd’hui, il n’y a pas un seul métier réservé uniquement aux hommes ou aux femmes. Cette mixité doit venir de l’éducation, mais aussi d’actions volontaristes en direction du genre minoritaire de chaque métier. Nous avons des exemples de femmes mécaniciennes ou encore d’hommes sage-femmes qu’il faut promouvoir pour montrer que tous les métiers peuvent être exercés par les deux genres. Il faut montrer qu’une vie est multiple, qu’on peut, homme et femme, occuper à la fois le rôle de parent ainsi que la fonction de dirigeant·e. Il faut, là aussi, ériger des parcours en exemple et mettre en place des actions volontaristes. 

Concernant les postes de direction, la détente doit être double : les femmes doivent prendre leur place et les hommes la laisser. Cette détente n’a pas une seule et même solution. Dans certaines structures ayant une gouvernance moins démocratique que les coopératives, il y a vraisemblablement des stéréotypes de genre et un fonctionnement en cooptation masculine à dépasser. L’ESS a aussi du travail à faire à ce niveau-là. 

Propos recueillis par Mélissa Perraudeau 

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