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Par Carenews PRO - Publié le 8 novembre 2018 - 09:37 - Mise à jour le 13 novembre 2018 - 11:28
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[Entretien] Augustin Trapenard, parrain de Bibliothèques Sans Frontières

Augustin Trapenard est depuis quelques mois le parrain de l'association Bibliothèques Sans Frontières. Quand nous l'avons sollicité pour un témoignage sur la question de l'illettrisme, il a immédiatement accepté avec enthousiasme. Un environnement familial enseignant, une vocation de professeur d’anglais puis un parcours de journaliste et chroniqueur culturel l’ont rendu sensible aux situations d’illettrisme contre lesquelles il souhaite lutter. En premier lieu en s’engageant auprès de l’ONG qui œuvre pour l’accessibilité de tous aux bibliothèques en France et dans le monde.

[Entretien] Augustin Trapenard, parrain de Bibliothèques Sans Frontières
[Entretien] Augustin Trapenard, parrain de Bibliothèques Sans Frontières

 

On pourrait croire qu'Augustin Trapenard est très loin de notre sujet : normalien et enseignant à l’ENS de Lyon, journaliste sur des radios intellos, critique littéraire, chroniqueur... Au contraire  : « C'est un sujet central pour moi. J'ai une formation d'enseignant, or la première chose que l'on apprend dans ce métier, c'est à s'adresser aux étudiants qui ne sont pas forcément les meilleurs élèves. La question de l'illettrisme m'a toujours interrogé, surtout dans un pays développé comme le nôtre.»

 

Sensibilisé par son environnement familial – il est fils d'enseignante et petit-fils d'institutrice – Augustin Trapenard revient à  ses origines auvergnates. En milieu rural, les situations d'illettrisme sont courantes. Un contraste avec sa vie actuelle dont il a conscience : « Bien sûr, par mon métier (Augustin a enseigné également à l'Université de Marne-la-Vallée et à Berkeley) et les différentes tribunes (sur France Inter ou France Culture) que je peux avoir, je m'adresse majoritairement à des étudiants de haut niveau et à des CSP+. Longtemps, j'ai eu le sentiment de m'adresser à un public déjà conquis.» Pourtant, le journaliste explique avoir eu besoin de se reconnecter à la vie réelle, un peu frustré d’être isolé dans ses studios radios. Une rencontre fondatrice entre le journaliste et Bibliothèques Sans Frontières La rencontre avec Jérémy Lachal (directeur de Bibliothèques Sans Frontières, BSF) et Patrick Weil (fondateur de l’ONG) a été une expérience fondatrice : « Ils m'ont ouvert des horizons auxquels je n'avais pas accès, en voyageant en France et à l'étranger. » Ayant déjà connaissance de l'action de BSF et de son outil emblématique, l'Ideas Box (voir plus bas), sa décision d’en devenir parrain est mûrement réfléchie ; c’est un engagement de long terme. Car Augustin voyage beaucoup pour l’association : Boulogne, Palerme et la Jordanie cet été, dans des camps de réfugiés.

 

En lui se côtoient une vocation d'enseignant, la volonté de transmettre et la conscience que la lecture et l'écriture sont un outil central dans la vie de chacun, au-delà de la passion qu'elles provoquent en lui : des pratiques qui “nous inspirent, nous protègent, nous aident à vivre, nous élèvent". Le métier de professeur relève de cela, tout comme son rôle de  "passeur" en tant que journaliste culturel. Le chroniqueur ne parle pas d’illettrisme, mais plutôt de "situation d'illettrisme" : une distinction de langage qui illustre son refus de tout fatalisme. ll ne s'agit pas, à ses yeux, d'un échec de l'école ou d'une faillite personnelle, car les tactiques de camouflages déployées lorsque l'on est déconnecté de l'apprentissage "relèvent parfois du génie". "Une situation d'illettrisme, on peut y remédier", explique cet optimiste qui n'hésite pas à dénoncer la réalité “intolérable” de ces personnes  : lorsqu'il est impossible de rédiger un email ou un CV pour trouver un travail, ou  simplement d'envoyer un texto à son meilleur ami, la vie quotidienne devient un combat. Les situations d'illettrisme, entre peur et pudeur Un livre, c'est “un objet auquel on s’attache, voire d'affection, mais aussi parfois un objet de peur” comme l’illustre cette anecdote édifiante  : "un homme emmène sa fille devant l'une de nos bibliothèques, avant de finalement hésiter. Il ne savait pas s’il pouvait rentrer, car il ne savait pas lire. On l'a bien sûr encouragé à venir. Les équipes de BSF et les bibliothécaires travaillent de concert pour désacraliser ce lieu et en faire un espace d'accueil, de sociabilité et d'amitié. Un lieu ludique, d'apprentissage, d'éducation populaire et d'ouverture à l'ailleurs. »  

 

La pudeur des personnes en situation d’illettrisme masque les souffrances. Augustin Trapenard se fait conteur pour expliquer une réalité méconnue, et évoque une histoire transmise par la directrice de l’association Mots et Merveilles, Caroll Weidich  : « Un homme appelle pour expliquer qu'il ne sait ni lire ni écrire, et que sa femme est sur le point de s'en apercevoir, car ils doivent écrire des textos pour l'anniversaire d'un ami. Il a été accueilli au sein de l'association et au bout de deux mois, il pouvait écrire ses messages.» Un euphémisme pour expliquer que l’association lui a en réalité permis d'apprendre à lire et à écrire.

 

Cette histoire est emblématique de l'imagination développée pour maquiller ce qui est vécu comme un drame quotidien. Surtout, souligne-t-il, dans un pays où le système éducatif est de qualité et où l'école est gratuite. Le contraste avec les statistiques de certains départements est édifiant  : le taux d’illettrisme y dépasse parfois les 10 % ! Pour le journaliste, il faudrait y remédier par "des actions locales fortes" ; par exemple, Mots et Merveilles.

 

Article extrait du Carenews Journal n°11, automne 2018, réalisé en partenariat avec la Fondation Groupe ADP.

 

 

 

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