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Par Carenews INFO - Publié le 16 décembre 2025 - 09:00 - Mise à jour le 16 décembre 2025 - 12:08 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Comment se justifie la réduction d’impôt liée au don ?

Jugée indispensable par les associations et les fondations qui en bénéficient, la réduction d’impôt permise par le don à une organisation d’intérêt général fait parfois l’objet de critiques et de remises en cause.

Les incitations fiscales liées au don ont augmenté à partir des années 1970. Crédit : iStock.
Les incitations fiscales liées au don ont augmenté à partir des années 1970. Crédit : iStock.

 

Nombreuses sont les associations et fondations qui le mettent en avant pour appeler aux dons. « 66 % du montant de votre don est déductible de vos impôts », peut-on lire sur le site de France nature environnement. Sur celui des Restos du cœur, une « calculette fiscale » permet d’évaluer le « coût réel d’un don » en fonction de la réduction d’impôt sur le revenu associée. « Un don de 150 euros vous coûtera 51 euros », annonce la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer.  

Si les acteurs remplissant des missions d’intérêt général – ici la protection de l’environnement, la lutte contre la pauvreté ou la recherche médicale – insistent sur la réduction d’impôt dont leurs donateurs peuvent bénéficier, c’est parce qu’ils la jugent parfois indispensable à leur modèle économique. 

C’est le cas de Médecins du monde. Cet avantage fiscal constitue un « levier important » en matière de dons, considère Brigitte Arrouays, responsable collecte grand public. S'il disparaissait, l’ONG a estimé que le montant des dons serait divisé par deux. Elle perdrait ainsi un quart de ses ressources. « C’est grâce à la générosité du public que Médecins du monde garantit son action », explique Brigitte Arrouays.  

 

Le don indispensable face à la baisse des subventions 

 

Les dons des particuliers faisant l’objet d’une réduction d’impôt représentaient 3,64 milliards d’euros au total en 2022, contre 456 millions de dons sans réduction d’impôt, selon les estimations de France générosités. Cette organisation représente 165 associations et fondations « faisant appel à la générosité », qui comprend tous types de dons, y compris les legs. Pour les entreprises, elle évalue les dons faisant l’objet d’une réduction d’impôt sur les sociétés à 2,65 milliards, et ceux effectués sans réduction d’impôt à 1,2 milliard.  

À la Fondation pour le logement des défavorisés, membre de France générosités, la quasi-totalité des ressources provient des dons des particuliers (93 %) et des entreprises (4 %). « C'est un choix fort et important pour rester indépendant des subventions publiques, garder notre liberté d’action et de parole », justifie Michel Reynaud, directeur du développement des ressources et des donateurs. 

 « La réduction d’impôt ne provoque pas l’intention de donner, mais contribue au choix du montant », estime-t-il. Un point de vue partagé par Brigitte Arrouays de Médecins du monde. La moitié des donateurs assujettis à l’impôt sur le revenu déclare que le cadre fiscal incite à donner davantage, selon un baromètre Viavoice publié par le Don en confiance cette année.  

Le dispositif fiscal apparaît d’autant plus nécessaire aux acteurs interrogés que les pouvoirs publics se désengagent. Depuis plusieurs mois, les associations alertent en effet sur les difficultés économiques qu’elles rencontrent, liées en particulier à la baisse de leurs subventions. « Nous avons de plus en plus de membres, notamment des acteurs qui ne faisaient auparavant pas nécessairement appel à la générosité, comme les organisations du médico-social qui dépendent de financements publics », constate Pauline Hery, chargée de plaidoyer pour France générosités. 

 


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Un « effet psychologique négatif » en cas d’évolution du cadre fiscal 

 

Dans ce contexte, la diffusion par les médias en juillet des conclusions d’un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a secoué les organisations d’intérêt général. Chargés de trouver des pistes d’économies dans les dépenses publiques en direction des associations, les auteurs proposent de faire évoluer le régime fiscal. Il est « particulièrement avantageux » par rapport aux autres pays, argumentent-ils. 

Parmi leurs recommandations : limiter le plafond de don ouvrant droit à une réduction d’impôt sur le revenu à 2 000 euros, contre 20 % du revenu imposable actuellement. Ils suggèrent également de supprimer le taux majoré de réduction (75 % contre 66 %) pour les dons aux associations d’aide alimentaire, celles qui fournissent gratuitement des soins médicaux, celles qui favorisent le logement de personnes en difficulté, ainsi que celles qui accompagnent des victimes de violences domestiques. Une autre proposition concerne les entreprises : passer de l’actuelle réduction d’impôt de 60 % du montant du don à une réduction du bénéfice imposable à hauteur du montant du don. 

« Une baisse de la dépense fiscale ne devrait pas se traduire par une baisse à due proportion des dons », affirment les auteurs. Ils précisent toutefois que ces mesures « pourraient avoir un effet psychologique négatif et désinciter les contribuables à donner » et que « les pertes seraient concentrées sur quelques associations fortement dépendantes de la générosité ». Comme pour la Fondation pour le logement des défavorisés, le fonctionnement d’associations comme Greenpeace ou Amnesty international, par exemple, s’appuie quasiment en intégralité sur les dons.  

 

Une économie pour l’Etat ?  

 

Lors de la diffusion du rapport, les associations et les fondations s’opposent fermement à ces recommandations. Elles auraient des conséquences « particulièrement dramatiques pour des structures déjà fortement fragilisées et confrontées à des besoins sociaux en augmentation », affirme le Collectif Alerte, réunissant des organisations de lutte contre la pauvreté. 12 associations et fondations de recherche biomédicale s’alarment également de la réduction des dons à laquelle elles donneraient lieu, chiffres à l’appui.  

La baisse du plafond de réduction d’impôt et la mesure concernant le mécénat d’entreprises auraient diminué de 1,1 à 1,5 milliard d’euros les dons, sur un total de 9,2 milliards en 2022, selon les calculs de France générosités. « Les associations, avec leur fonctionnement flexible et ancré sur le terrain, remplissent des missions essentielles pour la société et les Français, que l'État devrait compenser en cas de réduction des dons. Cela lui coûte bien moins cher que ces associations s’en occupent », appuie Pauline Hery, de France générosités. 

 


À lire également : François Bayrou rassure les associations sur les déductions fiscales liées aux dons 


 

Une absence de contrôle démocratique 

 

Que disent les travaux économiques sur l’effet du cadre fiscal sur le don ? « Les études sont très contradictoires : le don dépend d’autres facteurs, comme la conjoncture ou les émotions collectives autour d’un événement fort par exemple, comme on l’a vu avec l’incendie de Notre-Dame de Paris », précise Françoise Benhamou, économiste, coautrice de l’ouvrage Le don dans l’économie (La Découverte, 2022). « La réduction d’impôt augmente un peu le montant du don : ce n’est pas négligeable », met-elle toutefois en avant.   

Les critiques du dispositif fiscal insistent par ailleurs sur le fait qu’il bénéficie essentiellement aux ménages les plus riches. En effet, ce sont ceux qui s’acquittent d’un impôt sur le revenu, soit seulement une petite moitié (47 %) de foyers fiscaux, et le peu de foyers soumis à l’impôt sur la fortune immobilière, qu’ils peuvent réduire à hauteur de 75 % du montant de leurs dons notamment à des associations et fondations reconnues d’utilité publique. 

De même, le cadre fiscal bénéficie aux grandes entreprises. Elles donnent 39 % du montant total de dons déclarés, contre 33 % pour les petites et moyennes. D’ailleurs, les auteurs du rapport d’inspection soulignent que leurs propositions affecteraient principalement les ménages les plus aisés et, en moyenne, les « sociétés disposant des chiffres d’affaires les plus importants ». 

 

La liberté de chacun ?  

 

Le manque de contrôle démocratique du soutien public au mécénat est aussi soulevé par ses détracteurs. En effet, l'État renonce à des recettes fiscales, donc à de l’argent public. Si Françoise Benhamou explique que la déduction fiscale « est une manière pour l'État de compléter des financements, parce qu’il ne peut pas dégager trop d’argent sur son budget », elle rappelle qu’il « renonce à sa maîtrise sur la destination de cet argent, qui est décidée par un acteur privé ». 

« Le don participe au consentement à l’impôt. Il permet à chacun de disposer d’une petite part de son impôt pour soutenir des causes d’intérêt général qui lui tiennent à cœur », considère de son côté Pauline Hery, de France générosités. Elle insiste également sur l’existence d’un plafond dans les montants.  

Bonne nouvelle pour les associations et fondations d’intérêt général et d’utilité publique : dans les débats budgétaires actuels, le dispositif fiscal lié au don n’est pas remis en cause. Le projet de loi de finances du gouvernement prévoit même un doublement du plafond des dons permettant de bénéficier d’une réduction d’impôt à hauteur de 75 % de leur montant, qui passerait de 1 000 à 2 000 euros. 

 

Les bénéficiaires des dons

Pour que leurs donateurs puissent bénéficier de la réduction d’impôt, les associations et les fondations doivent être reconnues d’intérêt général. Cela signifie, selon la loi, qu’elles présentent un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, la défense de l’environnement naturel. En outre, elles ne doivent pas exercer d’activité lucrative, leur gestion doit être désintéressée et leur activité ne doit pas bénéficier à un cercle restreint.

 

Célia Szymczak 

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