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Par Carenews PRO - Publié le 29 novembre 2018 - 08:29 - Mise à jour le 30 novembre 2018 - 09:46
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[ENTRETIEN] Rodolphe Gouin, directeur de la Fondation AP-HP pour la recherche

Depuis deux ans, Rodolphe Gouin dirige la Fondation de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour la recherche. Docteur en sciences politiques, il est un professionnel du secteur, puisqu’il a créé et dirigé la Fondation Bordeaux Université, au sein de laquelle il a récolté plus de 13 millions d’euros de dons en six ans. Pour Carenews, il partage son expérience et livre son regard sur l’alliance si spécifique entre mécénat et santé, lève le voile sur ses méthodes et revient sur près de dix ans d’engagement.  

[ENTRETIEN] Rodolphe Gouin, directeur de la Fondation AP-HP pour la recherche
[ENTRETIEN] Rodolphe Gouin, directeur de la Fondation AP-HP pour la recherche

 

Avant de rejoindre la Fondation AP-HP, vous avez été chargé de la création de la Fondation Bordeaux Université. Quels enseignements avez-vous tiré de cette expérience ?

 

Sur les questions de philanthropie et mécénat, le secteur hospitalier se trouve exactement dans la même situation que celui de l’enseignement supérieur et de la recherche quand j’ai lancé la fondation à Bordeaux en 2009 : rien de structuré, mais tout le monde a envie d’y aller. Le secteur hospitalier se lance trop souvent dans la création de structures sans leur donner de réels moyens ou sans s’appuyer sur des professionnels du secteur, ce qui donne lieu à beaucoup de frustration et d’échecs. Je suis très heureux d’avoir rejoint l’AP-HP, car au moins cet établissement fait le choix de donner des moyens à une structure. Cela m’a permis de lancer des actions à Paris en sachant assez rapidement quels allaient être les bons outils pour collecter et gérer les fonds. Le fundraising peut être vu essentiellement comme une action de collecte, mais la gestion des fonds que l’on collecte est aussi importante que la collecte en elle-même. Pour la fondation de  l’AP-HP, c’était un point crucial. Nous avons tout de suite été opérationnels, car je savais quels types de structures mettre en place, quelle équipe recruter et quel serait l’environnement dans lequel j’arrivais, à savoir un secteur qui ne connait pas grand-chose à la philanthropie et au mécénat. Les hôpitaux, même publics, ont toujours reçu des dons, mais c’est une autre démarche de lancer une campagne et de monter une équipe. En ce qui concerne la relation avec les donateurs, je me suis formé (et continue tous les jours) sur le terrain. Tout ce que j’ai compris à Bordeaux de la relation avec les entreprises, notamment, j’ai pu l’appliquer à Paris.

 

Quels sont les défis spécifiques liés au mécénat dans le secteur hospitalier ?

 

Tout d’abord, ce lien avec l’un des biens les plus précieux au monde : la santé. On ne peut pas faire les choses à la légère car derrière, il y a la santé des gens. Cette gravité diffère de ce que j’ai pu faire avant dans la recherche. C’est par ailleurs un domaine extrêmement réglementé, avec des enjeux juridiques et éthiques autour du secret médical, des données, des conflits d’intérêt. Depuis une dizaine d’années, il y un souci général de transparence entre les acteurs du soin et l’industrie de la santé. Tout le monde a cela en permanence en tête ; la question éthique est omniprésente. Une université peut faire une campagne d’appel à dons auprès de toutes les familles, un musée auprès de tous les publics proches de la culture. Mais nous, on ne peut pas faire une campagne auprès de patients sur leur lit d’hôpital. Et heureusement ! En contrepartie, on a le sentiment de faire des choses importantes. Si on lève 500 000 euros sur un programme de recherche ou que l’on découvre une nouvelle voie thérapeutique, l’impact est immense. Pour terminer,  il faut savoir que sur le volet philanthropique et mécénat, dans ce secteur, le marché hyper saturé. Pour la moindre maladie, il y a déjà une ou plusieurs structures de collecte qui existent, des associations de patients, les hôpitaux, des médecins qui collectent dans leur service...

 

Pouvez-vous nous présenter en quelques mots la Fondation et ses actions ?

 

La fondation a un fondateur unique, l’AP-HP. Nous collectons exclusivement pour financer des projets de recherche pour l’AP-HP. Elle a quatre missions : financer des projets de recherche (dans tous les domaines et en priorité en recherche paramédicale, en chirurgie, sur le microbiote et les données de santé), gérer les fonds dédiés aux équipes, participer à la recherche clinique et aider l’AP-HP à fédérer une communauté de recherche. Nous enregistrons treize millions d’euros de dons en deux ans et demie et accompagnons 90 équipes de recherche. La fondation n’est pas qu’un outil de collecte, c’est aussi une « PME » de 43 salariés. Et ça ne cesse d’augmenter.

 

Vous avez récolté 13 millions d’euros pour la Fondation en 2 ans et demi. Quelle est la typologie de vos donateurs ?

 

Entre 85 et 90 % de nos dons sont des financements privés du secteur de la santé : majoritairement des entreprises (environ 3 millions) et des fondations (environ 7 millions). Mais plus nous nous développons, plus nous avons de contact avec le grand public, d’ailleurs le nombre de particuliers donateurs est en augmentation.

 

Vos méthodes pour récolter des dons ?

 

Nous partons d’un constat : la personne au centre de toutes les relations, c’est le médecin. Il est en lien avec les patients, les entreprises, les associations et fondations du secteur de la santé. C’était la stratégie que nous avons choisie avec le conseil d’administration présidé par Martin Hirsch (directeur général de l’AP-HP, ndlr). Par conséquent, il fallait d’abord gagner la confiance des médecins, pour que ceux qui ont la possibilité de solliciter puissent être les relais de nos actions. Ensuite il y a plusieurs tactiques. D’abord, la méthode des grands donateurs : les rendez-vous doivent être hyper personnalisés, il faut vraiment prendre du temps. Ensuite, Sophie Lemaire, notre responsable des relations donateurs, a lancé à son arrivée en janvier 2017 les actions pour développer la partie fundraising de masse. Nous essayons d’être présents visuellement dans les hôpitaux. Ceux qui sont les plus concernés, ce sont les patients, donc il faut être visible sans déranger.

 

Vous avez rejoint cette année le conseil d’administration de l’IDAF (Institut et Dirigeants d’Associations et Fondations), vous étiez avant à l’AFF. Que retenez-vous de ces échanges ?

 

Beaucoup d’inspiration. Cela m’amène à rencontrer des gens d’autres pays, d’autres secteurs, à envisager de prendre telle ou telle direction. Pour l’AFF, ça a été déterminant, car ça m’apporte plein d’idées pour les méthodes de collecte. Aujourd’hui, je ne me sens plus vraiment comme un fundraiser, car en tant que dirigeant de fondation, le volet finance et RH me prend au moins autant de temps. Je me sens plus proche d’un patron de PME ou un entrepreneur social.

 

À  l’époque, vous nous expliquiez avoir principalement surfé sur Internet pour vous former au mécénat. Une décennie plus tard, quel est votre regard sur l’évolution du secteur ?  

 

Pour les structures ou les causes qui fonctionnent grâce au don, la professionnalisation a eu lieu. Je constate une technicité de plus en plus importante liée notamment aux outils numériques. Et en tant que fundraiser, on ne peut pas avoir de stratégie opérationnelle sans avoir une connaissance de ces outils. Mais l’un des défis aujourd’hui est le maintien du sens dans cet univers de plus en plus technologique. L’autre grand défi, c’est l’impact. Comme tout le monde, les donateurs nous demandent de mesurer l’impact, ils veulent que 100 % de l’argent aille sur le projet. Sauf qu’en recherche médicale,, parfois le temps est tellement long… ça n’a pas de sens de mesurer cet impact à court terme. Il y a à mon avis une confusion majeure entre l’impact de l’action et le retour sur investissement du premier euro. Mais il y a aussi des vertus pour les fundraisers : cela nous a obligés à nous professionnaliser, à mesurer et mieux expliquer ce que l’on faisait de bien.

 

 

 

 

 

 

 

 

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