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Par Carenews PRO - Publié le 24 septembre 2013 - 11:37 - Mise à jour le 11 février 2015 - 13:20
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[Fiche pratique] Insécurité alimentaire dans le Sahel

Aujourd'hui, Carenews vous entraîne dans l'une des zones les plus pauvres du monde, le Sahel, afin de vous expliquer les tenants et les aboutissants de l'insécurité alimentaire - et l'action de ceux qui luttent contre la faim.

[Fiche pratique] Insécurité alimentaire dans le Sahel
[Fiche pratique] Insécurité alimentaire dans le Sahel

Debout face à l’immense étendue déserte d’où émane un air chaud et vibrant, Abdoulaye scrute d’un œil vif le ciel d’un bleu si clair qu’il en est presque blanc. Pas un nuage ne vient contrarier cette journée monotone de l’éternel été tchadien.

« Mon champ était là-bas, derrière cette barrière d’arbustes épineux, nous dit Abdoulaye. Aujourd’hui, il n’en reste plus rien. Du sable, rien que du sable… » Dans la zone sahélienne de Moussoro, à quelques centaines de kilomètres au nord de N’Djamena, la capitale, il n’a pas plu depuis longtemps. « Avant, il pleuvait souvent, en saison d’hivernage (l’hiver sahélien, de Novembre à janvier). Mais depuis des années, plus rien, pas une goutte d’eau. Dieu nous a oubliés. » Abdoulaye est un guerrier. Sa famille, originaire d’une tribu du désert, s’est installée ici il y a deux cents ans, a pris des terres et s’est lancée dans l’agriculture. Bien que les conditions aient toujours été extrêmement difficiles, la famille parvenait à s’en sortir, par acharnement et don de soi. Des journées entières à labourer une terre aride, dure comme la pierre, et à scruter le ciel en attendant le mince filet de pluie qui donnerait l’étincelle de vie aux champs  de manioc ou de mil. Mais aujourd’hui, plus rien, plus d’eau donc plus de vie. La plupart des membres de la famille d’Abdoulaye ont disparus, partis, ou morts. Abdoulaye, sa femme et ses deux enfants survivants ont choisi de rester là, dans ce désert, car, dit-il, « Ce sable, c’est tout ce que l’on possède. Et c’est déjà quelque-chose. »

C’est l’heure de la prière, le chant d’un muezzin se devine au sommet d’un minaret lointain. Abdoulaye se tourne vers la Mecque, sur cette ligne qui sépare le grain de l’ivraie, le Sahel des terres du Sud, grasses et vertes, sur la route des pluies qui traversent l’Afrique de manière saisonnière. En priant, peut-être pense-t-il à sa lutte, à son combat acharné contre le désert du Sahara, l’homme face à l’inexorable force de la nature qui repousse inlassablement toute forme de vie.

Mais, dans son combat, Abdoulaye n’est pas seul. Il a derrière lui le monde entier réuni sous l’égide de ce que l’on appelle la communauté internationale de l’aide humanitaire. Abdoulaye a reçu des vivres, ses enfants des produits spéciaux pour lutter contre la malnutrition, et son village a bénéficié de programmes de développement par différentes agences de l’ONU et autres.

Car Abdoulaye est dans ce que l’on appelle une situation d’insécurité alimentaire.

Afin d’évaluer la situation de sécurité alimentaire, les organismes d’évaluation prennent en compte quatre facteurs :

1.    La disponibilité (production intérieure, capacité d'importation, de stockage et aide alimentaire),

2.    L'accès (dépend du pouvoir d'achat et de l'infrastructure disponible),

3.    La stabilité (des infrastructures mais aussi stabilité climatique et politique)

4.    La qualité et sécurité sanitaire (salubrité / hygiène, non toxicité, accès à l'eau potable).

Souvent, l’insécurité alimentaire va de pair avec la malnutrition. Une situation d’insécurité alimentaire prolongée entraîne une hausse des taux de malnutrition, en particulier chez les enfants ainsi que les femmes enceintes et allaitantes. Les séquelles de la malnutrition sont graves (retard de croissance, maladies) et bien souvent irréversible.

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), « La menace conjuguée de la sécheresse, de la hausse des prix des denrées alimentaires, des déplacements de population et de la pauvreté chronique ont affaibli les moyens d’existence des agriculteurs. Aujourd’hui, 10,3 millions de personnes, y compris ceux qui n’ont pas pu bénéficier d’un soutien adéquat ou suffisant pour leurs moyens d’existence, souffrent de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle et sont encore très vulnérables aux chocs extérieurs. »

Afin de lutter contre l’insécurité alimentaire, l’action combinée de la FAO et du Programme Alimentaire Mondial (PAM) permet d’engager les populations vulnérables à la fois dans des actions d’assistance alimentaire d’urgence (le PAM, dont l’objectif premier est de sauver des vies et qui nourrit plus de 90 millions de personnes dans le monde), et un soutien durable dans le développement afin de construire leurs capacités de résilience et créer in fine une indépendance alimentaire. Dans leur action, ces deux agences-phare sont épaulées par tout un réseau d’ONG telles Action Contre la Faim, le Comité International de la Croix-Rouge ou encore des ONG spécialisées dans certaines zones géographiques comme SOS Sahel, l’un des partenaires de Carenews.

Les actions entreprises sont, du côté du PAM, des distributions générales de vivres, des activités de prévention et de traitement de la malnutrition, des programmes d’assistance aux cantines scolaires mais aussi des activités de vivres contre travail, où les populations reçoivent des denrées alimentaires en échange de travail effectué au profit de la sécurité alimentaire de la communauté.

Le soutien de la FAO permet quant à lui la construction de systèmes alimentaires durables comme des pêcheries, réseaux d’irrigation, travail sur les semences, enfin tout ce que peut souhaiter un agriculteur dans sa quête de l’autosuffisance alimentaire.

Abdoulaye compte parmi les millions de bénéficiaires de ces aides. Il attend beaucoup des organisations internationales afin de mieux maîtriser cette situation délicate, mais, dit-il, « Je doute que cette solution puisse nous permettre de tenir à long-terme. Quoi que l’on fasse, le désert avance, et aucune action humaine ne peut permettre d’arrêter cela. Ce qu’il faut, c’est que l’on nous donne des terres plus fertiles, au Sud. »

Peut-être, dans un avenir proche, Abdoulaye comptera-t-il parmi les rangs sans cesse grossissants des réfugiés climatiques. Mais pour l’instant, ce qui le préoccupe, c’est la prochaine récolte.

« Seule la sueur peut transformer un désert en jardin » Conclue-t-il avant de se remettre au travail. 

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