« Etre aidant » s’arrête-t-il à la porte des établissements EHPAD, MAS… ?
Une triade indissociable Résident/Personnel /Proche aidant Les proches jouent un rôle important dans le maintien du lien affectif et social de la personne âgée en établissement, et donc sur sa qualité de vie. Une relation de qualité entre proches et personnels joue un rôle important sur l’ambiance et le contexte de travail de ces derniers… et la répercussion de la qualité de vie au travail sur la qualité de vie des résidents n’est pas à démontrer. Ces éléments positifs s’alimentent entre eux dans un cercle vertueux pour produire du mieux-être au bénéfice de chacun. Donner aux professionnels les clefs d’une meilleure compréhension des proches-aidants est donc porteur d’une dynamique très positive pour cette triade indissociable : « Résident–Personnel–Proche aidant » Cette dynamique peut même produire des effets positifs en amont de l’entrée en établissement : des professionnels sachant décoder la complexité du «ressenti» des proches-aidants peuvent, dès les premiers contacts, gagner leur confiance et établir avec eux une forme d’alliance appelée à se renforcer au fil du temps.
Les mêmes quelque temps plus tard… C’est ainsi que l’on pourrait illustrer la distinction entre « aidants d’un proche dépendant à domicile », et « proches d’une personne âgée en établissement ».
Les aidants font désormais l’objet d’une reconnaissance par la société, les entreprises, les pouvoirs publics. Des actions de soutien de plus en plus nombreuses leur sont destinées. La loi du 28/12/15 sur l’Adaptation de la société au vieillissement reconnaît à certains d’entre eux un droit au répit. L’on s’accorde à dire, à juste titre, qu’ils sont le pilier du système de maintien à domicile. Mais lorsque le maintien à domicile atteint ses limites, et que la personne dépendante est confiée à un établissement, qu’en est-il de cet «aidant» (époux, enfant…) et de ses liens avec la personne dont il n’a plus désormais la «charge» ? Il devient, pour l’établissement d’accueil, «la famille» du résident.
-Un soulagement pour l’aidant l’entrée de son proche en établissement ?
-Une diminution de sa fatigue ?
-Du temps personnel retrouvé ?
-La fin d’une responsabilité devenue écrasante ?
Oui sans doute… Oui mais… Car cette réalité s’accompagne parfois de sentiments et d’émotions complexes, contradictoires, paradoxaux pour «l’ex-aidant»…
♦ Aidant d’un proche à domicile, et proche d’une personne en établissement… une transition pas toujours facile
Chacun vit cette transition domicile-établissement de façon subjective, plus ou moins bien, plus ou moins mal… Mais l’on peut dire qu’il y a presque toujours, parmi les termes qui suivent, au moins un dans lequel chaque aidant qui s’est préalablement beaucoup investi auprès de son proche, pourrait se reconnaître au moment et/ou après le départ du proche du domicile : Perte de sens – Perte de l’espoir – Perte d’identité – Chagrin – Solitude – Deuil de la vie d’avant … Et si de plus l’entrée de la personne âgée dans l’établissement s’est faite en urgence, on peut bien souvent ajouter les termes suivants : Culpabilité – Peur d’être jugé – Sentiment d’abandonner son proche…
Qu’advient-il de la relation qui s’est construite pendant parfois très longtemps, autour de cette interdépendance entre l’aidant et l’aidé (parfois même au-delà des limites raisonnables du maintien à domicile) ? Elle est subitement mise à mal, s’effondre, s’écroule… et n’a pas d’autre cadre pour tenter de se re-construire que celui de l’établissement, qui est désormais le domicile de la personne dépendante. C’est en comprenant ce que «être Aidant» recouvre, implique et signifie, que les personnels des établissements peuvent décrypter certains comportements des proches de la personne âgée. Des souffrances qui ne s’expriment pas, des sentiments de culpabilité qui ne s’avouent pas, des questions qui ne trouvent pas de réponse, des craintes qui ne sont pas apaisées… Se traduisent souvent par un surinvestissement ou un besoin de contrôle de la part de l’«ex-aidant». Et ces comportement, difficiles à vivre pour le personnel de l’établissement, peuvent vite se cristalliser en conflits : de territoire, de compétence, de légitimité. Parfois, ces difficultés relationnelles n’arrivent que bien après l’entrée de la personne en perte d’autonomie. Si dans les premiers temps il n’y avait pas de problèmes, ceux-ci surviennent sans motif apparent, ce qui peut sembler encore plus incompréhensible pour les personnels… Avec une pointe d’humour grinçant, on pourrait dire que ces ex-aidants finissent par excéder! Cela n’a rien à voir avec les efforts de l’établissement pour associer les familles : groupes de parole, événements participatifs, bénévolat… tout cela participe du lien entre les familles et l’EHPAD ou en MAS. Le Conseil de la Vie Sociale permet aussi bien sûr d’associer les proches à la vie de l’établissement … Mais il est possible d’aller beaucoup plus loin !
♦ De la reconnaissance à la collaboration
Mon propos n’est pas de minimiser l’importance et la qualité de ces initiatives, mais de suggérer d’approfondir la réflexion et de se demander : Comment faire des proches-aidants de véritables partenaires des professionnels de l’établissement ? Il s’agit là d’un saut qualitatif, qui ne demande pas nécessairement de déployer de grands moyens, mais qui demande à changer d’angle de vue. Dès lors que l’on prend conscience :
-que le rôle d’aidant, qui s’est construit dans le temps, ne cesse pas à la porte de l’établissement
-que le rôle d’aidant a de multiples connexions qu’il faut décrypter
-que le lien aidant-aidé met en jeu une troisième entité : la relation d’aide, porteuse de sa propre complexité…
Un autre regard, plus compréhensif, plus juste, et plus empathique peut être porté sur ces proches-aidants.
♦ L’enjeu de la formation à l’accompagnement des proches-aidants
Pour les directions et les personnels il y a un donc un véritable enjeu à être formés à l’accompagnement des proches-aidants :
-connaître les typologies d’aidants afin de décoder les comportements
-connaître les notions auxquelles un aidant est sensible ou insensible
-reconnaître la souffrance de l’aidant, ses causes et ses effets
-reconnaître et encourager les compétences que l’aidant a acquises tout au long de son expérience
-aider l’aidant à poser ses limites, sans en éprouver de culpabilité…
Permettre aux personnels d’acquérir ces savoirs peut bien évidemment contribuer à éviter de nombreuses souffrances, liées aux incompréhensions, autant pour les proches et les personnes accueillies, que pour les salariés dans leur travail. Mais cela va beaucoup plus loin : des professionnels formés à l’accompagnement des proches-aidants sont en mesure de susciter un vrai dialogue avec ces derniers et, j’en suis convaincu par l’expérience, de faire naître au sein de leurs établissements des initiatives innovantes.
Pascal Jannot Président fondateur de La Maison des Aidants® Vice président de « Je t’Aide »