Femmes en précarité
Au Filon, nous accueillons chaque jour des femmes en situation de grande précarité. Certaines dorment à la rue, d’autres chez des tiers, dans des hôtels sociaux ou vivent des ruptures profondes dans leur parcours de vie.

Derrière ces trajectoires souvent silencieuses se cachent des réalités complexes, faites d’isolement, de violences, de vulnérabilités physiques et psychiques.
À travers cet article, nous souhaitons donner à voir une précarité féminine souvent méconnue, et rappeler la nécessité de penser l’accompagnement social avec une approche réellement adaptée aux parcours des femmes.
Une précarité plurielle
La précarité vécue par les femmes ne se résume pas à l’aspect économique. Elle s’ancre souvent dans une combinaison de facteurs : logement instable, isolement, ruptures familiales, absence de ressources... Elle est aussi marquée par une grande précarité hygiénique et alimentaire, qui rend difficile le fait de prendre soin de soi, de se nourrir correctement, d’avoir accès à ses droits ou à des soins adaptés. C’est une précarité qui touche tous les pans de la vie quotidienne.
Un sans-abrisme peu visible
Les femmes en grande précarité sont moins visibles dans l’espace public. Par peur des violences, elles évitent la rue. Beaucoup dorment chez des tiers, dans des hôtels sociaux, ou restent dans des foyers d’hébergement. Ce mode de survie les rend invisibles aux dispositifs classiques de l’aide sociale, alors même que leur précarité est souvent tout aussi extrême. Cette invisibilité renforce leur isolement et retarde l’accès à une aide adaptée.
Violence : cause et conséquence de la précarité
La violence est omniprésente dans les parcours des femmes précaires. Elle est souvent à l’origine de la rupture : violences conjugales, sexuelles, familiales. Mais elle est aussi une conséquence directe des conditions de vie précaires. Être sans logement, dépendre d’autres pour un toit, se retrouver dans des espaces mixtes et instables, c’est s’exposer à nouveau à la violence. Beaucoup de femmes que nous accueillons ont subi plusieurs formes de violences, dans la durée, sans pouvoir se protéger ni se reconstruire.
Des impacts physiques et psychiques profonds
Vivre dans la précarité extrême a des conséquences majeures sur la santé physique et mentale. Les femmes arrivent souvent épuisées, amaigries, avec des douleurs chroniques ou des pathologies non soignées. Le stress constant, l’insécurité, les violences vécues laissent aussi de lourdes séquelles psychiques : troubles du sommeil, dépression, anxiété, crises d’angoisse, isolement social. Dans cet état, il est difficile de reprendre pied sans un lieu d’écoute, de soin et de stabilité. C’est pour cela que nous travaillons, au Filon, avec des partenaires comme l’Équipe Mobile Psychiatrie Précarité (EMPP), qui proposent aux femmes un accompagnement psychologique gratuit, confidentiel et adapté, dans un cadre rassurant, sans obligation ni jugement.
Le parcours migratoire, un facteur aggravant face à la précarité
Pour beaucoup de femmes, la précarité est aggravée par une situation administrative fragile. Certaines ont fui leur pays à cause de la guerre, de violences familiales, de mariages forcés ou d’oppression. Le parcours migratoire est souvent marqué par des violences, de la dépendance et du silence. À l’arrivée, les démarches administratives sont longues, complexes, et l’accès aux droits difficile : barrière de la langue, méconnaissance des droits, peur des institutions, rupture avec les proches... Sans papiers, les femmes n’ont accès ni à l’emploi, ni au logement social, ni à certaines aides. La dépendance à un conjoint ou à un employeur peut les enfermer dans des situations de violence ou d’exploitation, sans possibilité de fuite.
Des lieux d’accueils essentiels
Dans ce contexte, des lieux d’accueil comme Le Filon, et en particulier les espaces non mixtes, sont essentiels. Ils offrent aux femmes un cadre sécurisé et bienveillant, où elles peuvent se poser, reprendre souffle, parler sans crainte, et avancer à leur rythme. C’est un espace pour reprendre soin de soi, rompre l’isolement, être écoutée et accompagnée dans ses démarches, loin des regards et des injonctions. Pour répondre au mieux à la pluralité des besoins des femmes que nous accueillons, nous nous appuyons sur un réseau de partenaires engagés, qui nous permettent de proposer des aides concrètes, adaptées et respectueuses des parcours de chacune. Car avant de pouvoir accéder à ses droits, il faut retrouver un peu de sécurité, un peu de souffle, et surtout, savoir qu’on n’est pas seule.