Le Projet Imagine lutte contre toutes les haines
Retour sur le colloque « La démocratie sous tension : l’Europe face à l’antisémitisme et au racisme ».
C'est en tant que Présidente et fondatrice d'une ONG qui œuvre en faveur d’une société pacifiée et humaniste, que Frédérique Bedos était invitée, la semaine dernière, à participer au colloque franco-allemand intitulé « La démocratie sous tension : l’Europe face à l’antisémitisme et au racisme ».
Organisée conjointement par la Fondation Genshagen et la Plateforme internationale sur le racisme et l'antisémitisme (PIRA) de l'École pratique des hautes études (EPHE, Paris), avec la coopération du Centre Marc Bloch, la rencontre se déroulait à Berlin. Elle réunissait une trentaine d’experts, de chercheurs, de sociologues, de scientifiques, ainsi que des acteurs de la politique européenne, des syndicalistes et des responsables associatifs, représentant la France et l’Allemagne.
Des échanges plus que nécessaires au regard de la dégradation du climat social observée ces dernières années dans les deux pays et au-delà, et surtout de la démultiplication des agressions à caractère raciste et antisémite depuis les terribles massacres du 7 octobre 2023 et la guerre implacable menée en retour.
Pour une culture vivante !
par Frédérique Bedos
« La normalisation rampante d’une vision racialisée de la société se confirme aussi dans les urnes. À peine trois générations après la fin de la seconde Guerre Mondiale et l’appel au « Plus jamais ça ! », en Allemagne, le parti nationaliste AFD fait son entrée au Bundestag, et en Autriche, c’est le Parti de la liberté (FPÖ) qui crée la surprise. Est-ce à dire que la sensibilisation à l’épaisseur historique de ces questions et les atouts de la culture mémorielle sont désormais dépassés, insuffisants ? Et dans ce cas, vers quelles nouvelles approches faut-il se tourner ? En France aussi, les digues semblent céder une à une. Ainsi les chiffres officiels du ministère de l’Intérieur, rendus public au premier trimestre de cette année, attestent une hausse de 300 % des actes antisémites par rapport à l’an dernier. Cette dynamique antisémite s’accompagne en miroir d’un racisme anti-arabes et anti-musulmans qui se libère… et parce que les logiques de la fragmentation identitaire sont complexes et contagieuses, le racisme anti-noirs et anti-asiatiques n’est pas en reste. Il est à noter que les femmes sont les cibles privilégiées de ces agressions : ce sont elles qui, par exemple, portent le voile et sont donc plus facilement repérées par les anti-musulmans ; par ailleurs, elles sont, aux yeux des agresseurs de tous bords, moins susceptibles de pouvoir se défendre ou riposter. Cette situation en France laisse d’autant plus perplexe que le poste de délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) est, depuis la dissolution, toujours vacant.
Depuis son origine, Le Projet Imagine défend l’idée que la lutte contre les discours démagogiques et haineux commence à l’école. Cette conviction doit être soutenue de manière accrue car, sur le terrain, on observe un rajeunissement spectaculaire des auteurs et victimes d’insultes ou agressions racistes. Ce phénomène touche désormais les élèves dès le primaire. Les enfants de confession juive ou musulmane sont en ce moment particulièrement visés, et la souffrance et l’isolement sont palpables, pour les uns comme pour les autres. Le comportement des enfants est à l’image de ce que ces derniers entendent et voient autour d’eux. Or, il semble bien que les tabous sautent les uns après les autres. On voit resurgir des croyances rétrogrades basées sur la pureté du sang et la fixité de la culture que l’on identifie à l’homogène. Ces thèses, qui relèvent d’une forme d’archéo-racisme, vont de pair avec les théories néo-nationalistes. Face à la menace de totalisation du corps social, il est urgent de transmettre une culture qui exalte les valeurs d’amitié et d'hospitalité, d’une culture qui ne se replie pas sur soi. En un mot, une culture VIVANTE ! "
Frédérique Bedos
En marge des discussions entre experts, sur la suggestion du sociologue français Michel Wieviorka, Frédérique Bedos et le champion du monde de Football Lilian Thuram, chantre de l’éducation contre le racisme via sa Fondation, ont pu échanger avec des lycéens de Berlin.