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Par Le RAMEAU - Publié le 10 avril 2020 - 11:52 - Mise à jour le 20 avril 2020 - 09:52
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De l'alchimie du Bien commun à celle du Lien commun

Au cœur de la crise que nous vivons actuellement, il est plus que jamais nécessaire de faire le « pari de la confiance ». Après avoir partagé les enseignements de ses travaux de recherche empirique sur l’alchimie du Bien commun, Le RAMEAU fait part de ses convictions sur l’alchimie du Lien commun : celle qui transforme l’Amour en Joie.

Après une décennie de recherche empirique sur la co-construction et les alliances innovantes, Le RAMEAU a publié en 2016 ses premières conclusions sur l’alchimie du Bien commun. Au travers du livre collectif « Bien commun : vers la fin des arrogances ! » (Editions DALLOZ, décembre 2016), il en donne les enjeux, et au travers du livre « l’Alchimie du bien commun » (Editions Le RAMEAU, octobre 2018), il en livre le chemin, éclairé par une série d’exemples inspirants d’« Artisans du bien commun », de « Projets Cèdre du Liban » et de « Territoires de confiance ».

 

L’alchimie du Bien commun en synthèse

Dans le cheminement de recherche empirique, les découvertes progressives sont en fait une (Re)découverte du « bon sens », à la fois en termes de valeurs et de direction. Quels ingrédients utiliser tout d’abord ? Telles les 3 couleurs primaires en peinture, trois dimensions donnent une vision systémique pour agir : les femmes et des hommes de bonne volonté (… et de bonne persistance !), les Projets inspirés par le bien commun qui se préoccupent des besoins des plus fragiles d’entre nous, et les territoires féconds à la capacité de « jouer collectif » et d’« agir ensemble ». Des personnes, des Projets incarnés dans des organisations apprenantes, et des territoires ; voilà l’écosystème à prendre en compte pour pouvoir relever les défis collectifs.

Après les ingrédients, viennent les leviers de la catalyse pour créer la dynamique. Là encore, trois principes actifs sont indispensables : une vision partagée pour fonder un Projet commun, une gestion régulatrice pour arbitrer les tensions, et une action collective transformatrice (… trop souvent sous-estimée !) pour transformer l’énergie et l’envie en action (pour aller plus loin, voir le dossier JURIS Associations de mars 2019 « Intérêt général : un concept en mutation »).

Ensuite, il faut connaitre le chemin, et là il n’y a pas de « recette miracle » ni de « processus magique », simplement un cheminement apprenant guidé par une boussole collective et des balises. La première s’incarne dans les Objectifs de Développement Durable (voir le référentiel « l’évaluation partenariale en pratique », novembre 2019) et les secondes sont rappelées dans le processus d’innovation sociétale (voir le guide « l’investissement sociétal en actions ! », octobre 2018).  

Comme souvent avec le « bon sens », c’est simple mais efficace ! Trop souvent sous les radars, il nous faut collectivement (Re)Connaître et valoriser ces dynamiques à l’œuvre qui s’incarnent sur les territoires. Mais pour en apprécier la pertinence profonde, sans doute faut-il aussi faire la pédagogie du Lien commun.

 

Les fondements du Lien commun

L’alchimie du Bien commun qui transforme les besoins des plus fragiles en solutions pertinentes pour tous ne peut réellement s’apprécier qu’en comprenant plus profondément encore l’alchimie du Lien commun : celle qui transforme l’Amour de l’autre en Joie.

Est-ce par seule solidarité qu’il convient de se préoccuper des plus fragiles ? N’est-ce là qu’une valeur morale de la responsabilité de ceux qui ont plus à partager, ou est-ce une dimension ontologique plus profonde encore ? Le Lien commun, c’est de faire de la fragilité individuelle de chacun d’entre nous une force collective. Alors pourquoi ? N’est-ce pas parce que nous sommes fragiles que nous avons besoin des autres ? N’est-ce pas parce que nous avons besoin des autres que nous pouvons inventer ensemble ce qu’aucun ne pouvait concevoir seul ? N’est-ce pas parce que nous concevons ensemble que nous « faisons société » ? N’est ce pas parce que nous « faisons société » que l’Humanité forme un Lien commun depuis ses origines ?

Il est de tradition de dire que si nous savons 3 fois de suite répondre à la question « pourquoi » d’un enfant, c’est alors que la théorie est fondée. Alors celle du Lien commun le serait-elle ? Pour cela, elle doit dépasser la théorie pour s’incarner en pratique. Reprenons donc le cheminement utilisé pour éclairer l’alchimie du Bien commun afin d’identifier celle du Lien commun : quels en sont les ingrédients ? quels en sont les leviers ? quels en sont le(s) chemin(s) ?

Les ingrédients d’abord. Ils sont au nombre de 3 : l’autre, moi et le lien qui nous unit. Sans ce dernier, pas de relations possibles. Le plus profond est sans doute celui de la Confiance. Comment la créer ? En prenant soin des autres. « Prendre soin » en anglais se dit CARE, alors cheminons de la racine au fruit, du E au C. A la racine, il y a l’Ecoute, condition indispensable pour comprendre l’autre ; puis vient le Respect, celui de voir dans ses différences avec moi non plus une limite, mais au contraire une richesse. Du Respect naît l’Altérité, la force de ne plus voir l’autre comme l’objet de mon propre désir mais pour lui-même. Il s’agit alors de passer du « contrat-échange » au « contrat-alliance ». C’est ce passage du « face à face » au « côté à côté », ce simple changement de posture qui change tout : du reflet de l’autre, il est alors possible de passer au Projet commun, même – ou plutôt grâce – à la force de nos différences. C’est là la source même de la Confiance, celle qui se donne dès le premier instant, et se consolide au fur et à mesure du cheminement apprenant qu’ensemble l’un et l’autre poursuivent. Parfois l’un est plus fort, c’est alors à lui de veiller à la fragilité de l’autre, parfois c’est l’inverse et c’est alors la réciproque qui se joue. Une véritable relation de confiance est toujours asymétrique, mais cela ne l’empêche pas de pouvoir être équilibrée, durable et à très forte valeur ajoutée. Lorsque c’est au niveau d’un territoire ou d’une nation que cette alliance se joue, c’est alors la capacité de passer de l’expérience individuelle à la co-construction du Lien commun.

Mais quels en sont les leviers ? Pour réussir le passage de l’Amour à la Joie, il faut passer par 3 épreuves : celle du dépassement de l’arrogance, celle de l’acceptation de la souffrance, et celle de la lutte contre la désespérance. L’arrogance d’abord : s’ouvrir à l’autre, c’est accepter de se dé-centrer. C’est le « pas de côté » pour essayer de voir les choses selon ses yeux, et non plus seulement selon les miens. C’est accepté d’être dé-rangé dans mes propres convictions. C’est voir « l’esprit » au-delà de la « lettre » qui m’est propre.  Quelle épreuve ! Combien de fois sommes nous tombés dans le piège de l’arrogance, convaincus que seule notre conviction pouvait être pertinente, et que notre certitude avait valeur de vérité ?

Après le dépassement de l’arrogance, vient l’acceptation de la souffrance. La compassion – « souffrir avec » - est au cœur de la transformation de nos égoïsmes individuels en ouverture sur les fragilités du monde. Il ne s’agit pas de les accepter, bien au contraire, mais de comprendre qu’elles font partie de toute vie. Alors le refus de la souffrance peut se transcender en une vertu de la confiance : celle qu’« il vaut mieux allumer une petite lanterne que maudire l’obscurité », comme me l’écrivit Jean d’ORMESSON.

Mais, l’épreuve de la souffrance peut mener au risque de la désespérance. « L’enfer c’est d’avoir perdu l’espoir ». La seule arme possible est donc l’Espérance. Contre vents et marées, contre toutes les forces qui s’opposent à l’Amour de l’autre, c’est bien la force du « pari de la confiance » qui est la seule voie possible. Autrement, pourquoi se battre ?

Alors quel est donc le chemin qui permet de dépasser ces 3 épreuves et de s’engager dans l’aventure de l’Amour de l’autre en confiance ? Moins encore que celui du Bien commun, il n’existe de chemin tout tracé pour le Lien commun. Pourtant, certains exemples sont inspirants pour nous éclairer, et pour que chacun de nous puisse faire ses propres choix et (ré)inventer son propre chemin.

Quelles que soient ses convictions personnelles, celui de Jésus-Christ est pour le moins un exemple non seulement de Bien, mais aussi de Lien. Pour les chrétiens, la Semaine sainte est un chemin d’épreuves, dont le sommet est le Vendredi saint. Celui du doute, de l’incompréhension, voire de la colère. Quels en sont donc les enseignements ?

 Les enseignements d’un exemple inspirant en ce jour de doute

Dans la crise que nous traversons, nombreux sont ceux qui se questionnent, voire se révoltent. C’est en ce sens que la (re)lecture de l’apprentissage de la Semaine sainte est utile à partager : l’Amour mène à la Passion, la Passion mène à la Croix, la Croix mène à la Foi, la Foi mène à la Joie. Il ne s’agit pas là de faire le moindre prosélytisme pour la religion, et encore moins la promotion de l’une d’entre elles. Il s’agit tout simplement de partager comment les chrétiens peuvent accepter ce Mystère d’un cheminement aussi surprenant, alors qu’il semble a priori inaudible.

L’Amour mène à la Passion. Quel paradoxe que ce dernier mot qui semble positif… et se transforme tout d’un coup en drame. La première épreuve est donc de dépasser le stade de la croyance selon laquelle l’Amour de l’autre serait facile. La preuve par l’exemple : c’est parce qu’il avait « pris soin » d’un paralytique que le Christ est condamné… pour l’avoir fait un jour interdit par la Règle. Lorsque la lettre est plus forte que l’Esprit… Les faux témoignages viendront tenter de justifier l’injustifiable.

La Passion mène à la Croix. Quel paradoxe que le dépassement de soi pour répondre aux besoins des autres. N’est-ce pas là le sacrifice que font bon nombre d’« Artisans du bien commun » ? La preuve par l’exemple : non seulement le Christ accepte ce chemin pourtant totalement incompréhensible humainement, mais il a encore la force de dire « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font ».

La Croix mène à la Foi. Quel paradoxe que l’Espérance devant le vide ! La preuve par l’exemple, c’est pourtant bien le témoignage de Saint Jean « il vit et il crut ». Il vit quoi ? Le tombeau vide… Ce n’est pas une grande apparition, un phénomène naturel qui fait basculer « le disciple que Jésus aimait », c’est tout simplement le changement de Regard sur les faits qu’il a lui-même vécus. Quelle leçon…

La Foi mène à la Joie. Quel paradoxe que ce matin de Pâques ; alors que c’est l’absence qui caractérise le tombeau vide, c’est la Joie d’une autre relation naissante qui s’empare de ceux qui ont fait le « pari de la confiance » : celui de voir l’Autre comme ils ne l’avaient encore jamais vu.

Oui, cette Semaine sainte est une véritable épreuve pour les chrétiens ; surtout cette année où ils ne peuvent vivre collectivement ce chemin au sens propre incroyable… et qui pourtant fonde leur Espérance.

Que cet exemple nous apporte aujourd’hui – au cœur de la crise de société que nous vivons – quelques clés de lecture pour « prendre soin » des plus fragiles d’entre nous, que ce soit physiquement, psychologiquement ou plus encore par la crise de foi en un monde qui parfois fait plus preuve de déshumanité que de Lien commun. En cette période, prenons soin de nous !

    

Charles-Benoît HEIDSIECK, Président – Fondateur du RAMEAU

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