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Par Le RAMEAU - Publié le 6 juillet 2021 - 15:58 - Mise à jour le 6 juillet 2021 - 16:03
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Ensemble, décryptons l’ODD 17 !

Après 9 mois de travail en commun, le Comité 21, Cités-Unies France, Convergences, la Fonda, le Ministère des Affaires Etrangères, le PNUD, le CIRRMA et Le RAMEAU ont dévoilé hier la note de décryptage de l’ODD 17. Le Forum politique de Haut-Niveau des Nations Unies qui s’ouvre aujourd’hui a donc un nouvel outil pour faire la pédagogie de ce 17ème Objectif de Développement Durable. Il est le cœur même de notre capacité collective à réussir l’Agenda 2030 des ODD.

L’ODD 17 est-il un couronnement de 30 ans de cheminement pour faire (re)connaître la valeur d’un partenariat mondial, évoqué dès la Conférence de Rio de 1992 ? Est-il un OVNI (un Objet Visionnaire Non Identifié) pour proposer une méthode adaptée aux mutations actuelles ? Est-il un fourre-tout institutionnel rédigé en dernière minute pour que les Pays du Sud acceptent de signer les ODD ? Est-il l’épine dorsale pour réussir les 16 autres ODD dans une capacité systémique à mettre en cohérence l’ensemble des programmes d’actions ? … L’ODD 17 est sans aucun doute un peu tout cela en même temps ! S’y attaquer est donc un réel défi… que 8 organisations publiques et privées se sont données en septembre 2020. 9 mois plus tard, le challenge est relevé grâce à la complémentarité des positionnements de chacun. Comme tout chemin de co-construction, la réalisation de la note n’a pas été un « long fleuve tranquille ». Bien au contraire, elle a été un parcours de questionnements féconds, de doutes constructifs, de débats passionnés, et de dépassements pour chacun. Ce résultat n’aurait pas été possible sans à la fois la confiance entre les 8 organisations, l’acceptation de tous de se décentrer de ses propres objectifs et de chacun de faire le nécessaire « pas de côté » qu’exige toute « alliance ». C’est donc très humblement, après l’avoir vécu en co-construisant cette note de décryptage, que le Comité 21, Cités-Unies France, Convergences, la Fonda, le Ministère des Affaires Etrangères, le PNUD, le CIRRMA et Le RAMEAU ont partagé hier les fruits de leur travail lors d’un webinaire dédié au lancement de leur note sur l’ODD 17.

En introduction, Bettina LAVILLE, qui a piloté le travail de main de maître avec Sarah Schönfeld, nous a magistralement fait la démonstration que l’ODD 17 est une nouvelle philosophie de l’Action. Nouvelle ? Pas tant que cela en réalité puisqu’elle vient incarner le concept philosophique de « compossible » de Gottfried Wilhelm Leibniz. Pour faire simple : « Selon Leibniz, une chose individuelle complète (par exemple une personne) se caractérise par toutes ses propriétés, et celles-ci déterminent ses relations avec d’autres individus. L’existence d’un individu peut contredire l’existence d’un autre. Un monde possible est composé d’individus qui sont compossibles, c’est-à-dire des individus qui peuvent exister ensemble »[1]. Il est donc facile de comprendre les raisons pour lesquelles dès la Conférence de Rio de 1992, la notion de partenariat émerge dans le dialogue international sur le Développement Durable, et plus encore celles pour lesquelles les Pays du Sud ont exigé la rédaction du 17ème ODD pour rendre possible tous les autres. Une simple observation de terrain suffit à confirmer que la force d’une chaîne dépend avant tout du « maillon le plus faible ». Ce n’est donc pas d’abord par solidarité qu’il est nécessaire d’engager un Partenariat mondial, mais simplement pour rendre « compossible » – autrement dit possible ensemble – ce qu’aucun ne peut prétendre pouvoir faire face aux défis de ce début de XXIème siècle.

Les co-auteurs ont chacun « traduit » de manière opérationnelle les 19 cibles (ie- indicateurs de réussite) du 17ème Objectif, le plus politique et transversal de tous. Ces cibles peuvent se structurer autour de sept dimensions complémentaires :

  • Financements publics & investissements : il était symboliquement fort que ce soit un Territoire qui rappelle la pérennisation de toute Action : le modèle socio-économique sur lequel elle repose. Il s’agit en effet de « l’équilibre de la maison » [2]. Le Comité 21 du Grand Ouest en a parfaitement résumé les conditions : savoir lever l’impôt, lutter contre la corruption & la fuite des capitaux, passer d’une logique de dépense à celle d’investissement… Avec 1,1% des actifs bancaires mondiaux, il serait possible de financer le programme de Développement Durable. Ce n’est donc pas d’abord une question de financement, mais bien de (ré)invention d’un modèle socio-économique mondial équilibré. C’est ce que décrivent les cibles 1 à 5 de l’ODD 17.
  • Sciences, Technologies & Innovation : là encore autre symbole ; c’est le Réseau Convergences, né en 2008 avec le déploiement mondial du micro-crédit, qui a commenté les cibles 6 (coopérations scientifiques & technologiques), 7 (transfert ciblé de technologie), et 8 (capacité scientifique au travers de la création de la Banque de Technologies pour renforcer la capacité d’innovation des Pays les moins avancées). Le micro-crédit est en effet un bel exemple de la capacité des Pays du Sud à savoir inventer des innovations sociétales majeurs en associant enjeux sociaux et outils technologiques. Partager les technologies, c’est donc le meilleur moyen de se mobiliser mondialement pour inventer ce qu’aucun seul ne saurait développer. Contrairement à une idée trop souvent répandue, les acteurs de terrain – notamment associatifs - savent très bien qu’innovations sociétales et innovations technologiques riment ensemble[3]. L’exemple du déploiement du digital et de la lutte contre la fracture numérique en sont un parfait exemple. En 2010, 28% des personnes dans le monde utilisaient internet ; ils sont 51% en 2018, mais concentrés pour 83% dans les pays de l’OCDE. CQFD !
  • Renforcement des capacités : qui mieux que la Fonda pouvait commenter les conditions du « Faire ensemble 2030 », incarnées dans la cible 9 ? Cette dernière invite à développer les compétences, méthodes, outils et processus nécessaires aux « communautés » pour assurer leur « Pouvoir d’agir ». Partager, mettre en commun, transmettre… autant d’impératifs lorsque l’on rappelle que si certaines « communautés » ont le privilège de pouvoir penser leur développement, d’autres n’en sont qu’au stade de leur survie. Une chose est certaine, au fondement même des ODD, tous vont devoir s’adapter pour (ré)inventer les modèles de demain. Les liens Nord/Sud, Sud/Sud, Nord/Nord sont les conditions nécessaires de cette inventivité collective. Pour cela, il nous faut une « grammaire » commune que nous offrent les ODD, mais aussi apprendre à « faire alliance », et nous doter des moyens de pouvoir transférer les savoirs de manière cohérente avec les besoins. Le « capacity building » (… que nous ne savons pas traduire !), l’infrastructure de cette capacité à co-construire le bien commun, doit se penser aux différentes échelles territoriales, et s’articuler entre elles. Comme l’illustre parfaitement le CFSI dans la note de décryptage, chacun peut être acteur du changement de l’Agenda 2030 des ODD. Nous avons la nécessité collective de documenter les approches pour capitaliser les méthodes et outils éprouvés par la pratique[4].
  • Commerce : là encore, le choix du porte-parole du groupe était important. C’est le CIRRMA qui en a accepté la charge pour incarner la territorialisation des ODD. Les cibles 10 à 12 s’analysent en effet au regard du commerce mondial et des flux économiques. Force est de constater que si les espaces de négociation existent, ils n’ont pas permis d’assurer « l’équilibre de la Maison » commune dans de bonnes conditions. 3 leviers essentiels de l’Agenda 2030 : les mesures correctives, la promotion des initiatives existantes et l’investigation de ces espaces de négociation afin qu’ils deviennent plus pertinents, efficaces et efficients au regard de nos défis mondiaux de transformation. Le rééquilibrage est une urgence absolue… et nécessite paradoxalement de réintroduire la notion de temps long pour être en capacité – au-delà de la seule déclaration des cibles – de définir des trajectoires à la fois ambitieuses et réalistes[5].
  • Politiques publiques : le témoignage de Valérie DUMONTET, Présidente du Groupe ODD de Cités-Unies France, tout juste réélue à la Vice-présidence du Conseil départemental de l’Aude, était comme toujours éloquent. Il s’inscrivait dans le prolongement de la 12ème Rencontre de Cités-Unies France. Que ce soit la nécessaire cohérence des politiques publiques (cible 14) ou la toute aussi nécessaire marge de manœuvre de chacun des pays pour tenir compte de ses spécificités, c’est bien au travers de l’Action publique que doit se structurer le Projet ambitieux de Développement Durable au plan mondial. Pour cela, il ne s’agit pas d’opposer Planète et Territoires, mais au contraire de (dé)montrer qu’il s’agit des deux faces de la même pièce. Nous devons trouver et promouvoir un continuum entre l’Action publique de Territoire, au plus près des besoins et des acteurs, et une ambition mondiale portée par tous et garantie par les Etats. C’est bien le sens de ce 1er programme mondial systémique qui engage tous les Pays des Nations Unies. C’est bien aussi à partir des Territoires que s’invente cette capacité d’Agir ensemble[6].
  • Partenariats : les cibles 16 et 17 ont été parfaitement illustrées par le PNUD et par le Ministère des Affaires Etrangères. La promotion d’un Partenariat mondial au service de tous, en commençant par les plus fragiles, et la mobilisation de chacun au travers de politiques publiques de coopération, de partenariats publics-privés et d’initiatives collectives de la société civile, sont les leviers qui permettront de réussir ensemble l’Agenda 2030. Sans alliances, pas de résultat ! La question n’est donc plus de savoir si les alliances d’intérêt général sont nécessaires à la survie même de l’Humanité, mais comment faire concrètement pour les mettre en œuvre, au plus près des besoins, des acteurs et des Territoires[7].
  • Données & évaluation : il revenait au RAMEAU de conclure sur les deux dernières cibles, 18 & 19… qui sont aussi les deux dernières des 169 cibles que comptent au total les 17 Objectifs de Développement Durable. Sont-elles les dernières ou les premières ? De l’œuf ou la poule qui commence le cycle de la Vie en perpétuel renouvellement ? Une chose est certaine, sans données pour éclairer le mouvement à l’œuvre, comment comprendre nos défis communs ?  Dans le tunnel de mutations que nous vivons sur tous les plans, la lumière viendra des données… et des exemples inspirants. Eclairer une réalité systémique au travers d’un regard croisé des différents profils d’acteurs de l’écosystème est notamment ce qu’essaie d’établir l’Observatoire des partenariats en France depuis 2008[8]. Seul un travail sur la durée mettra en synergies les différentes données… Plus encore, comment évaluer les effets systémiques de nos actions ? Après 15 ans de recherche empirique, et même si certains principes fondamentaux peuvent aujourd’hui être partagés[9], force est de constater que personne ne peut prétendre savoir encore comment évaluer cette dynamique nécessaire pour affronter ensemble les conditions mêmes de survie de l’Humanité. C’est ce que, dans leur grande Sagesse, les Pays du Sud ont réussi à faire comprendre aux Pays du Nord en 2015. Merci à eux d’être sortis de l’arrogance qui caractérise trop souvent nos Sociétés pour nous appeler à plus d’humilité. Toute personne qui fait l’effort de lire cette 169ème cible des ODD comprendra qu’elle est le fondement même de toutes les autres… mais qu’il nous faudra au moins une décennie pour l’accomplir pleinement. Alors, si c’est un travail au long court, n’hésitons plus et mettons-nous collectivement à la tâche dès aujourd’hui !

A ces 7 dimensions de l’ODD 17, il est essentiel d’ajouter 3 « principes fondateurs » à la fois non-dits et omniprésents dans les textes : pour être en mesure de fixer un C.A.P. cohérent pour chacun de nous, il est crucial d’en garantir méthodologiquement la Cohérence, l’Application et la Pluralité. En synthèse :

-          La Cohérence entre la Vision, l’Action et le modèle de Gestion est au cœur du concept d’intérêt général, dont le barycentre en constante évolution[10],

-          L’Application s’incarne dans l’articulation systémique tous domaines, tous acteurs et tous territoires[11], dont la diversité des facettes doit être mise en harmonie tel un Rubik’s Cube,

-          La Pluralité des solutions doit être reconnue pour pouvoir que nous soyons collectivement plus pertinents. Il faut sortir du mythe d’une recherche incessante d’un modèle qui serait plus performant. Nous devons (enfin) tenir compte de la réalité de terrain, nécessairement plus riche qu’un « enfermement » dans l’unicité d’une réponse, qu’elle qu’en soit sa valeur intrinsèque.

Cohérence, application concrète et pluralité : n’est-ce pas là le triptyque qui fait le Sens de toute Vie, et plus encore celle de l’Humanité car sans lui, pourquoi aurions-nous besoin des Autres ?

Quatre siècles après sa mort, le philosophe et mathématicien Gottfried Wilhelm Leibniz qui nous a offert le concept de Compossible – possible ensemble – trouve (enfin) la traduction concrète de son intuition. Les Objectifs de Développement Durable sont le premier programme mondial d’Objectifs qui cadrent notre Lien commun. Jamais auparavant dans l’histoire de l’Humanité tous les Pays ne s’étaient entendus sur nos défis communs, et moins encore sur l’enjeu de les relever ensemble. Le 17ème Objectif nous propose les clés de mise en œuvre concrète des ODD. 7 dimensions associées à 3 « principes fondateurs » pour un effet démultiplicateur. 4 siècles après Leibniz, c’est un autre Mathématicien, Cédric VILLANI, qui nous en fait la pédagogie. Il n’est possible de résoudre l’équation insolvable de la co-construction du bien commun que lorsque le 7, symbole de la Sagesse, s’associe au 3, symbole de l’équilibre. C’est alors que le 21 symbolise la capacité démultiplicatrice de l’Agir ensemble[12].  

Vous doutez encore que Philosophie, Mathématique et Actions de terrain soient compatibles ? C’est parce que vous n’avez pas encore lu la note de décryptage… et si pour vous en convaincre vous en voulez des exemples concrets, vécus tous les jours partout en France, alors venez assister à la 7ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire du 12 juillet prochain !

 

 


[1] Définition Wikipédia

[2] Voir référentiel « Modèles socio-économiques d’intérêt général » (Editions JURIS Associations, septembre 2019) qui rappelle que la définition première de l’économie, c’est « l’équilibre de la maison ».

[3] Voir livre blanc « l’innovation associative » (GPMA – Le RAMEAU, décembre 2017)

[4] C’est dans ce sens que sera lancée le 12 juillet la plateforme « l’ODD 17 en pratiques » qui capitalise les données, exemples, outils et compétences déjà disponibles en France pour accélérer les alliances d’intérêt général. Cette plateforme est le fruit de la mission ministérielle qui a mobilisé plus d’une centaine de réseaux durant 18 mois pour ce « back office » commun.

[5] Voir note prospective « l’Entreprise Responsable » remis au Gouvernement à l’occasion des Assises de l’entrepreneuriat (Le RAMEAU, février 2013)

[6] Voir Vademecum « Elaborer son Projet de Territoire » (ANPP, avril 2021)

[8] Voir Programme IMPACT, et notamment les pratiques des citoyens, des élus locaux, des entreprises, des associations, des fondations et des acteurs académiques qui seront notamment partagées lors de la 7ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire, le 12 juillet prochain.

[9] Voir référentiel « L’évaluation partenariale en pratique » (Le RAMEAU, novembre 2019)

[10] Voir dossier de synthèse « Intérêt général : un concept en mutation » (JURIS Associations, mars 2019)

[11] Voir livre « l’Alchimie du bien commun » (Fondation pour la Co-construction du bien commun, octobre 2018)

[12] Voir livre collectif « Bien commun : vers la fin des arrogances ! » (Editions DALLOZ, collection JURIS Associations, décembre 2016)

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