Ensemble, inventons de nouveaux équilibres socio-économiques !
Après deux ans de partage d’exemples inspirants sur la diversité des équilibres socio-économiques d’intérêt général, un rapport intermédiaire rend compte des avancées et des défis encore devant nous pour faire émerger de nouveaux modèles socio-économiques. Il est symboliquement diffusé aujourd’hui, veille de la 6e Journée internationale de l’éducation. Ce rapport nous invite en effet à « apprendre à faire alliance » pour réussir les transitions… Ensemble !
Après la publication le 21 décembre du cahier de recherche « ODD 17 : Economie(s) & Territoire(s) » par l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts et Le RAMEAU, le premier webinaire mensuel 2024 du cycle « Vers de nouveaux équilibres socio-économiques » a fait le 18 janvier dernier un bilan des avancées 2023 et une annonce des objectifs 2024 des travaux sur les spécificités des modèles d’intérêt général. La qualification des périls planétaires et l’urgence de mieux valoriser la territorialisation des transitions ont été concrètement illustrées par des exemples inspirants (à voir en replay).
Pour permettre à chacun de se situer, le rapport intermédiaire « Vers de nouveaux modèles socio-économiques » donne des clés de lecture indispensables pour appréhender un moment charnière où chacun se doit de (re)questionner son modèle. Fort des exemples partagés mensuellement depuis deux ans, et des méthodes et outils partagés sur la plateforme « Trajectoires socio-économiques », lancée en octobre dernier avec la Ministre Prisca THEVENOT, ce rapport est un précieux regard transversal qui éclaire des enjeux à la diversité des pratiques, afin de permettre à chacun de trouver son propre chemin de questionnements.
Pour en comprendre l’utilité, écoutons le Président-Fondateur du RAMEAU, Charles-Benoît HEIDSIECK. Dans son édito, il rappelle la nécessité d’une « lettre ouverte aux Acteurs, Actions et Alliances d’intérêt général » autour de l’invitation : « Ensemble, inventons de nouveaux équilibres socio-économiques ! ». Cette invitation est une introduction au rapport d’études exploratoire du programme de recherche empirique « Jeunes & Territoires 2050 » qui sera dévoilé demain à Lyon, lors du Festival de l’apprendre organisé par la Maison de l’apprendre, à l’occasion de la 6e Journée de l’éducation.
Le Président-Fondateur du RAMEAU partage sa vision
« Notre maison brûle, et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et nous refusons de l’admettre. L’humanité souffre ». Lors du Sommet sur la Terre de Johannesburg, en septembre 2002, le Président de la République Française, Jacques CHIRAC, prononça un discours devenu célèbre sur l’état du monde et l’urgence climatique. Le 16 janvier 2024, le Président de la République Française, Emmanuel MACRON, invitait les Français à croire en notre capacité collective à inventer ensemble « une France plus juste et plus forte ». Après six ans et demi de mandat, le Chef de l’État a clairement posé le cap qu’il fixe à son Premier ministre, Gabriel ATTAL, a partagé avec les Français « le sens profond » de son action de « réarmement de la France », et a rappelé qu’il reste trois ans et demi pour en inventer les systèmes de gestion adaptés à cette vision.
Pour un laboratoire de recherche empirique, il sera très pertinent d’en évaluer les résultats à échéance, et d’ici-là d’observer comment le Chef du Gouvernement va décider de décliner cette vision en « feuille de route » qui sera annoncée le 30 janvier prochain, devant le Parlement, lors de son discours de politique générale. Quoi qu’il en soit sur le temps « court » de la politique, les 21 ans qui séparent les deux discours présidentiels nous rappellent le temps « long » des transformations systémiques. S’il ne faut pas négliger l’importance de (ré)assurer sur le temps court et l’importance de la valeur performative des mots - surtout lorsqu’ils viennent du plus haut niveau de l’Etat en France[1] - ce temps de la conduite du changement nous rappelle la valeur du temps long, et l’importance de coordonner les trois leviers d’activation de l’intérêt général : la vision partagée du « faire société », la gestion régulatrice du « vivre ensemble », mais aussi la valeur de l’action transformatrice. Fixer un cap et un cadre est indispensable, mais c’est bien dans la capacité individuelle et collective d’agir que se trouve l’essence même d’une dynamique de changement.
C’est dans ce sens qu’il est indispensable d’articuler la co-construction du bien commun à la gestion de l’intérêt général. Si le pilotage institutionnel est garant de l’intérêt général, au cœur d’un Etat de droit et de toute démocratie, il revient à chacun de pouvoir identifier sa propre contribution qui doit être (re)connue à sa juste valeur. Plus la transformation est complexe, plus la contribution de tous est indispensable. C’est bien le sens que les 193 Nations d’alors ont donné au 17e Objectif de Développement Durable (ODD) de l’Agenda 2030 des Nations-Unies : comment allons nous inventer ensemble ce qu’aucun ne peut faire seul ? En 2015, ce « signal faible » de la « fin des arrogances[2] » s’est depuis largement amplifié, notamment en 2020 lors de la crise sanitaire mondiale qui a rappelé à tous la fragilité de notre Humanité.
Comment agir face à nos défis communs ?
Dès lors une question se pose : comment Agir ensemble dans le cadre légitime que les institutions internationales et nationales nous proposent ? Si l’ODD 17 invite tous les acteurs, dans tous les domaines, sur tous les territoires à se mobiliser pour réduire les fragilités et faire émerger de nouveaux moteurs de développement socio-économiques durables, comment assurer collectivement la cohérence des actions et la cohésion des acteurs ?
C’est dans ce questionnement que la notion de « modèles socio-économiques » prend tout son sens. L’Economie, au sens propre du terme, c’est « l’équilibre de la maison ». Nous sommes bien loin des images d’Epinal de notre imaginaire collectif et de la forme de métavers organisationnel dans laquelle s’enferment parfois certains experts. En fait, la question du modèle socio-économique est simple : dans un monde en métamorphose, avons-nous l’équilibre suffisant pour assurer à tous, y compris au vivant, les conditions nécessaires non seulement à sa survie, mais aussi à son épanouissement serein ?
Dans cette approche à la fois organique et systémique du modèle socio-économique, la première urgence est de savoir si chacun est en mesure de pouvoir évaluer objectivement sa situation afin de pouvoir se projeter dans sa relation aux autres. Que ce soit une personne dans le cadre de son projet de vie, une organisation dans le cadre du projet répondant à sa finalité, d’un Territoire dans le cadre de son Projet à long terme ou d’une Nation dans le cadre de son positionnement géopolitique, l’évaluation objective de sa situation au regard de son écosystème est une condition sine qua non pour pouvoir se (ré)inventer.
Dans un contexte de risques aussi multiples que ceux que nous a rappelé l’Observatoire des périls planétaires lors du premier webinaire mensuel 2024 du cycle « Vers de nouveaux équilibres socio-économiques », il est d’autant plus important de valoriser notre capacité à territorialiser les transitions comme nous l’a exposé l’Observatoire des partenariats lors du même événement (à voir en replay). Dans toute démarche de changement, il est en effet indispensable d’articuler 3 moteurs d’action : une objectivation de la nécessité de changer pour rappeler l’urgence d’agir, une illustration de ceux qui s’y sont déjà « risqués » pour rassurer sur la capacité à réussir la transformation, et une vision partagée pour ne pas se sentir seul dans le mouvement à amorcer. Force est de constater que nous avons une tendance actuelle à insister lourdement sur le premier levier, et que nous peinons à valoriser le second, ce qui ne facilite pas l’adhésion sur le troisième.
Les défis sont compris, et les enjeux du « jouer collectif » sont aujourd’hui partagés par tous comme le prouve l’étude d’impact 2018-2022 de l’Observatoire des partenariats[3]. Cette dernière en a qualifié, mesuré et illustré les effets de levier sur la confiance, l’innovation et la performance. Cependant, le combat est loin d’être gagné car il nous reste collectivement à en inventer le mode opératoire. C’est en ce sens que le « Territoire(s) » est un lieu déterminant pour la (ré)invention de nouveaux modèles socio-économiques. C’est ce qu’a rappelé le colloque « Jeunes & Territoires 2050[4] » du 5 octobre dernier au Conseil Economique, Social et Environnemental, organisé sous la co-présidence en introduction du Président de la 3e Assemblée, Thierry BEAUDET, et en conclusion de la Ministre de la Jeunesse, Prisca THEVENOT. C’est à cette occasion que Le RAMEAU a publié son ouvrage « Commun(s) » : discours de la méthode[5]. Cette synthèse des résultats de 17 ans d’expérimentations est structurante pour comprendre la raison pour laquelle notre laboratoire de recherche empirique est aujourd’hui objectivement convaincu que nous pouvons faire le « pari de la confiance ».
Une méthode pour agir selon trois temporalités
Une fois le constat objectif posé, il est important de disposer d’une méthode pour Agir. La démarche « Intérêt général 2050[6] » a fait émerger une « matrice des trajectoires » qui nous invite à travailler en parallèle sur trois temporalités. Chacune d’elle correspond à l’un des trois impacts « Commun(s) » : 28 ans pour (ré)créer la confiance autour d’un imaginaire (ré)inventé pour un XXIe siècle plus fraternel, équitable et durable, 7 ans pour (ré)inventer des solutions pertinentes à la hauteur de nos défis communs et 18 mois pour nous (ré)assurer sur un « équilibre de la maison » cohérent avec notre situation objective.
Afin d’éclairer chacune de ces trois temporalités, trois publications ont été successivement partagées. Sur la confiance, la Fondation pour la Co-construction a publié sa note « Ensemble, inventons 2050 ![7] » le 28 novembre dernier à l’occasion du Giving Tuesday. Sur l’innovation, l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts et Le RAMEAU ont publié le cahier de recherche « ODD 17 : Economie(s) et Territoire(s)[8] » le 21 décembre dernier à l’occasion du 10e webinaire du cycle « Vers de nouveaux équilibres socio-économiques[9] » dédié au numérique responsable (à voir en replay). Sur la performance individuelle et collective, ce rapport intermédiaire vient partager les premiers enseignements du cheminement 2022-2024 à deux tiers de son parcours.
Ce rapport intermédiaire « Vers de nouveaux modèles socio-économiques » propose une méthode simple et efficace issue des acteurs de terrain « pionniers » dans la recherche de nouveaux équilibres, mobilisant tous les engagements de leur territoire. Au travers des retours d’expériences partagées durant les 21 webinaires de 2022 et 2023, il incarne la valeur de la diversité des modèles et des alliances d’intérêt général. Si le XXe siècle a été marqué par la recherche DU modèle le plus performant pour chacun, le XXIe siècle ne sera équitable et durable que s’il apprend à articuler la complémentarité DES modèles pour être plus pertinent pour tous. C’est bien le cap et le cadre que les 193 Nations se sont collectivement fixés en 2015 au travers de l’Agenda 2030. Clairvoyantes sur le temps nécessaire à cette métamorphose, elles se sont données 15 ans pour réussir ce challenge, et dans leur sagesse ont fixé comme principe d’inventer ensemble ce qu’aucun ne saurait faire seul… en tenant compte de la maturité de chacun. A mi-chemin de l’échéance, qui serions-nous pour remettre en cause cet Engagement mondial envers les générations futures ? Qui aurait aujourd’hui la légitimité pour remettre en cause cet Objectif en dehors des 197 Nations que composent aujourd’hui l’Humanité ? Plus encore, qui peut avoir l’arrogance de se substituer à la Volonté collective de l’ensemble des peuples ? Si nous croyons un tant soit peu aux notions de Droit et de Démocratie, personne ne peut se soustraire à la légitimité de cet Engagement… et ne peut se cacher sur ses propres responsabilités !
Alors oui, nous sommes objectivement « condamnés » au pari de la confiance en notre capacité à faire de notre fragilité commune une force collective pour inventer ensemble une Humanité dont les générations futures pourront être fières. Toute désespérance aujourd’hui conduirait à l’inexorable double peine pour les plus fragiles d’entre nous, et à accepter de condamner les générations futures à l’incapacité d’avoir une vie féconde. Qui peut sereinement prendre ce risque ?
À mi-chemin de l’Agenda 2030, il n’est pas surprenant que les doutes soient profonds et les peurs réelles. Non seulement l’actualité en donne des raisons objectives, mais plus encore dans tout chemin de changement, c’est au milieu du gué que le doute est le plus fort. L’actualité et le rythme de notre métamorphose se conjuguent pour créer une situation difficile pour tous. Personne n’échappe aujourd’hui à cette inquiétude. C’est justement le moment pertinent pour se questionner individuellement et collectivement sur « l’équilibre de la maison », ainsi que sur la valeur spécifique des modèles socio-économiques d’intérêt général. Ces derniers ont été les grands oubliés des trente dernières années. Sans doute le « juste temps » est-il venu de les réhabiliter.
Un chemin collectif inspirant
En ce sens, je tiens à remercier chaleureusement la confiance de Gabriel ATTAL, alors Secrétaire d’État de l’Engagement, lorsqu’en septembre 2019 il a tenu à affirmer à l’occasion du lancement du référentiel « modèles socio-économiques d’intérêt général[10] » l’importance d’apprendre à articuler les modèles d’utilité sociale avec ceux d’intérêt général, et surtout de ne pas confondre.
Un mois plus tard, à l’occasion du Forum des Associations et des Fondations 2019, il lançait une mission ministérielle sur l’accélération des alliances stratégiques afin d’éclairer le 3e pilier de tout modèle socio-économique. Grâce à la mobilisation de plus d’une centaine de réseaux publics et privés, nationaux et territoriaux, la Députée Cathy RACON-BOUZON et moi-même, à qui le Ministre avait confié le co-pilotage de la mission, avons pu en être les portes paroles et proposer le 7 mai 2020, en plein cœur de la crise sanitaire, une « feuille de route » ministérielle de 21 mesures. Grâce à ses successeurs, à l’engagement sans faille de la Direction de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie Associative (DJEPVA), et à l’action déterminée des réseaux impliqués, les 21 mesures ont pu être mises en œuvre[11].
C’est avec fierté que j’ai pu en rendre compte à la Ministre Prisca THEVENOT, alors Secrétaire d’Etat à la Jeunesse, le 18 octobre dernier, lorsque nous avons lancé ensemble la plateforme « Trajectoires socio-économiques[12] » à l’occasion du Forum National des Associations et des Fondations 2023. En quatre ans, nous avons su collectivement inventer un chemin où chacun a pu prendre sa « juste place » pour mettre en « Commun(s) » les connaissances et les méthodes qui permettent aux acteurs, actions et alliances d’intérêt général de consolider leur modèle socio-économique, et de pouvoir se projeter dans des trajectoires vers de nouveaux équilibres de leur action, mais aussi de notre « Maison commune ».
C’est pour rendre hommage à ce chemin collectif que la Ministre a souhaité signer la Charte d’engagement réciproque du faire alliance[13], mise en œuvre par le Fonds ODD 17[14] pour soutenir l’ingénierie territoriale et les alliances d’intérêt général. Cette reconnaissance institutionnelle de la capacité à inventer ensemble de nouveaux outils de financement et d’investissement dans les démarches innovantes d’intérêt général est une bonne nouvelle pour tous les acteurs de terrain et les Territoires qui prennent le risque d’expérimenter de nouveaux modèles.
Fort de toutes ces avancées et des nouvelles impulsions politiques, il restera à transposer la proposition de loi d’expérimentation du droit d’intérêt général déposée à l’Assemblée Nationale en février 2021[15]. Mais là encore, le temps est un allié. Le cadre juridique viendra sans aucun doute au « juste temps » !
Dès aujourd’hui, nous avons les moyens d’Agir ensemble pour inventer de nouveaux équilibres socio-économiques. Gageons que ce rapport intermédiaire sera utile à ceux qui se questionnent légitimement sur le « comment faire », et soyons individuellement et collectivement à l’affût du « quoi faire » que chacun de nous peut librement définir pour que la somme de nos engagements devienne le ferment et le Lien commun de nos transitions. Alors, avec cette méthode, « une France plus juste et plus forte », non seulement je peux y croire, mais je pense qu’il est de la responsabilité collective de la France, de par son histoire, d’être un « éclaireur 2030 » pour les autres Nations !
Il est encore temps de vous souhaiter une bonne année 2024, et surtout… une bonne lecture !
Charles-Benoit HEIDSIECK »
Vous voulez vous faire votre propre opinion ? Alors téléchargez le rapport « Vers de nouveaux modèles socio-économiques » …
[1] Livre « Chaos – Essai sur les imaginaires des peuples » (Les Editions du Cerf, Stéphane ROZES, novembre 2022)
[2] Livre collectif « Bien commun : vers la fin des arrogances ! » (Editions Dalloz, Charles-Benoît HEIDSIECK, décembre 2016)
[3] Voir tous les résultats sur Les impacts de l’ODD 17 – ODD17.org
[4] Voir les Actes du colloque « Jeunes & Territoires 2050 : l’engagement en Actions ! »
[5] Livre « Commun(s) » : discours de la méthode » (Fondation pour la Co-construction du bien commun, octobre 2023)
[6] Note « Cheminement de la démarche intérêt général 2050 » (Fondation pour la Co-construction du bien commun, septembre 2023)
[7] Note « Ensemble, inventons 2050 » (Fondation pour la Co-construction du bien commun, novembre 2023)
[8] Cahier de recherche « ODD 17 : Economie(s) & Territoire(s) » (Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts, Déc. 2023)
[10] Référentiel « Modèles socio-économiques d’intérêt général » (Editions Dalloz, Le RAMEAU, septembre 2019)
[11] Voir détails des résultats en annexe