Numérique et Territoires : Accélérateurs de transition !
En ce début juin, la Gazette mensuelle de l’ODD 17 en pratiques est sous le signe de la place du numérique dans les transitions. A la fois « poison et remède », les solutions digitales deviennent transformatrices si elles sont associées au « 1er kilomètre » des besoins, des ressources et des envies d’engagement. Nous devons être en ce sens particulièrement vigilants à ce que cette alliance soit au service de l’intérêt général ; ce dernier étant de plus en plus attaqué. Rétrospective passionnant d’un mois riche d’enseignements !

Depuis janvier, l’Observatoire des partenariats nous invite chaque mois à découvrir la capitalisation partagée sur l’un de « nos défis en Commun(s) ». Le mois de mai était consacré au défi d’un numérique éthique et inclusif. Ce fut l’occasion de nombreuses mises en valeur des moyens d’utiliser le numérique pour accélérer les transitions, mais aussi d’en analyser les impacts et les effets induits parfois à l’encontre de ce pour quoi les solutions digitales ont été créées. Récit d’un mois pas comme les autres…
Le cycle « L’ODD 17 en pratiques » sur le numérique
Trois temps forts ont marqué le mois de mai sur le rôle des outils numériques au service des transitions. L’un a mis en avant les enjeux d’un numérique des « Lumières », le deuxième a retracé un chemin apprenant, et le troisième a valorisé sa mise en pratique au cœur des Territoires pour accélérer les transitions.
Le premier temps fort fut l’interview de Francis JUTAND, Professeur émérite à l'Institut Mines - Télécom. Numérique éthique, communs de données, IA des lumières.... Cet entretien mensuel a été l'occasion de (re)découvrir la chaire « Économie des Communs de Données » de l’Institut Mines-Télécom, ainsi que le rapport « L'IA des Lumières » qui propose une vision audacieuse pour une Intelligence Artificielle éthique, souveraine et durable, en réaffirmant les valeurs d'humanisme et de progrès des Lumières (à écouter en replay).
Le deuxième temps fort fut la série de podcasts MIND THE GAP « Territoires & Communs » de la Chaire MIND de MBS – Montpellier Business School. En 3 épisodes, les liens entre la territorialisation des transitions et les impacts des alliances innovantes y sont décryptés au travers d’un regard croisé entre Magalie MARAIS, Docteure en sciences de gestion & Directrice de la Chaire MIND, Elodie JULLIEN, Directrice de la recherche au sein du RAMEAU, et Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-Fondateur du laboratoire de recherche empirique (épisodes des 7 mai, 14 mai et 29 mai à écouter en replay).
Le troisième temps fort a ancré et incarné les deux premiers au travers d’exemples inspirants. Le 48ème webinairede la plateforme Trajectoires socio-économiques était dédié à l’impact du numérique sur l’innovation territoriale. Animé par le Réseau des catalyseurs territoriaux, ce webinaire fut l’occasion d’entendre les témoignages de Paris Est Marne & Bois, de Cap Digital, de l’ANPP-Territoires de projet, du Pays de Morlaix, ainsi que de l’Alliance Sens & Economie avec le programme Microville Numérique. En démontrant concrètement l’usage du numérique au cœur des Territoires, ce fut aussi l’occasion d’inviter le 1er juillet prochain à la 11ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire sur le thème « Créons de la valeur en commun(s), en direct des territoires ». Cet événement sera sous format 100% numérique (cf. programme). C’est à cette occasion que sera publié le 13ème dossier annuel de JURIS Associations sur les modèles socio-économiques qui créent de la valeur en « Commun(s) » (cf. 12 numéros précédents).
L’alliance du numérique et des Territoires
Dès 2017, l’enjeu de ne pas opposer la puissance du numérique avec l’agilité de l’action de terrain a été mis en avant lors de la publication du livre blanc « L’innovation associative ». La capacité à articuler innovations sociales et innovations technologiques au service des Hommes et des Territoires y était à la fois qualifiées, mesurées et illustrées. Cette publication a été l’un des fondements du lancement de l’étude d’impact du faire alliance en France, réalisée entre 2018 et 2022 par l’Observatoire des partenariats. Ce fut aussi l’occasion de capitaliser les travaux réalisés depuis 2006 sur les liens entre le développement du numérique et la capacité d’innovation sociétale au travers de la mise en ligne du centre de ressources numériques « Numérique & Innovation sociétale ». Après le temps de la recherche (2006-2013), puis celui de l’action pour en modéliser les résultats (2014-2017), le temps de la projection s’inscrivait dans une trajectoire 2018-2020 (cf. Récit du cheminement des travaux).
Dans sa note stratégique « Numérique & Territoires : une alliance en émergence », Le RAMEAU explicite pourquoi l’articulation entre la puissance des solutions numériques et l’agitlité de l’action locale sont devenues progressivement les deux faces de la même pièce au service de la réussite de la territorialisation des transitions.
De la connaissance empirique aux compétences stratégiques
Après deux décennies de recherche empirique, et une décennie pour en partager les enseignements sous une diversité de formats – les MEDOC[1] du RAMEAU –, le laboratoire de recherche empirique a mis en partage les savoir-faire acquis dans le cadre de ses recherche-actions. Avec plus de 500 « dialogues de gouvernance » avec une diversité d’organisations publiques et privées, et plus de 80 « dialogues en confiance » avec des écosystèmes territoriaux, les expérimentations de coopérations innovantes menées depuis 2006 ont permis de modéliser 7 modules pour accélérer l’innovation sociétale. Ces résultats ont aussi permis d’élaborer la méthode « Impacts & Trajectoires », ainsi qu’un mode opératoire pour articuler les modules de savoir-faire entre eux en fonction de la trajectoire prioritaire choisie de performance, d’innovation et/ou de confiance.
De novembre 2024 à mai 2025, au rythme d’un module par mois, Le RAMEAU a ainsi transmis son savoir et savoir-faire sur les 7 leviers d’accélération des transitions grâce à la plateforme « Piloter l’innovation sociétale : valoriser et développer vos compétences ».
Des faits, des chiffres… plus de blablas ni de fausses promesses !
Paradoxalement, le jour même où Le RAMEAU mettait en ligne le dernier module de transfert de savoir-faire, son Conseil d’administration a été dans l’obligation de procéder au licenciement économique de toute l’équipe salariée. Malgré un modèle socio-économique d’intérêt général robuste depuis 19 ans, y compris l’an dernier avec un résultat de 1,63% dans un contexte difficile, les opérateurs financiers ont refusé son plan d’investissement. Il aurait permis de déployer ses solutions innovantes, et notamment de passer de 81 territoires à 200 en capacité de bénéficier du programme « Réussir ensemble la territorialisation des transitions ». Après avoir réussi à mobiliser et investir 11,1 M€ en dix ans, cherchez l’erreur !!!
Au moment où nous fêtons le premier anniversaire du vote à l’unanimité de l’Avis du Conseil économique, social et environnemental sur l’urgence de (ré)investir dans les solutions innovantes portées par le secteur associatif, Le RAMEAU est lui aussi victime de l’incapacité des opérateurs financiers à analyser les modèles socio-économiques innovants, plus encore lorsqu’il s’agit d’intérêt général. L’irresponsabilité de certains réseaux, soit disant spécialisés dans l’ESS, est inquiétante. Après les dépôts de bilan de BBZ ou de ProBonoLab, notre laboratoire de recherche empirique d’intérêt général l’a évité de justesse grâce à la générosité d’un grand donateur. Est-ce normal ?
Pour permettre à chacun à se faire une opinion, Le RAMEAU a formalisé le Récit de son cheminement « Des racines et des ailes », le panorama des résultats de ses travaux « Inventaire de 20 ans de recherche empirique », ainsi que réaffirmé sa trajectoire 2024-2026.
Face à la fragilisation du pilotage de l’intérêt général, le laboratoire de recherche empirique appelle à la sagesse et au bon sens. Au lieu de s’attaquer injustement aux espaces de dialogues stratégiques pour notre avenir, tels que le CESE ou le HCVA qui ont prouvé leur efficacité, et plus encore d’affaiblir les instances représentatives des acteurs de l’ESS, au premier rang desquels ESS France et Le Mouvement associatif qui sont à l’écoute de la diversité des modèles, il est urgent de demander des comptes aux opérateurs financiers qui captent les financements publics et privés à leur seul profit, loin de toute démarche de coopération et de co-construction des modèles de demain.
Les beaux discours sur les valeurs et les fausses études d’impact fondées sur aucune base scientifique sérieuse ne sont plus acceptables à un moment où la raréfaction des ressources et l’accroissement des fragilités exigent de chacun des efforts d’inventivités et de frugalités. Nous devons prendre les choses en main pour (ré)inventer les modèles de pilotage de l’intérêt général avec celles et ceux qui y contribuent activement. Cessons les approches budgétaires « hors sol » qui ne tiennent pas compte de la valeur et de la frugalité réelles des actions engagées. C’est ainsi que nous éviterons de gaspiller « un pognon de digne » pour des dispositifs qui ne sont plus efficaces, si tant est qu’ils l’aient été un jour…
Comment faire concrètement ? C’est là où l’alliance – voire l’alliage – entre les Territoires et le numérique peut devenir un puissant moteur du changement. Non pas pour s’opposer au cap et au cadre communs dont nous avons plus que jamais besoin pour réussir les transitions, mais bien au contraire pour le mettre en œuvre avec l’agilité d’action dont font preuve les acteurs publics et privés engagés au plus près du « 1er kilomètre » des besoins, des ressources et des envies d’engagement.
Plus que jamais, il faut valoriser les acteurs, actions et alliances d’intérêt général qui prennent le risque d’innover au service de l’intérêt général. Il y a 10 ans était signé l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable (ODD), et publié le rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance ». Sachons en faire le bilan objectif.
Plus personne ne peut prétendre ne pas savoir les orientations à prendre vers une transition fondée sur des trajectoires durables et inclusives. Nous serons individuellement et collectivement responsables devant les générations futures des choix que nous aurons fait. Luttons donc contre toutes les formes d’arrogance ; et choisissons l’humilité de ne pas encore connaitre le chemin, mais de résolument prendre le risque de faire le « Pari de la confiance » de l’inventer ensemble.
Il y a dix ans, Claude ALPHANDERY l’avait anticipé : « La co-construction territoriale est le maquis d’aujourd’hui[2] ». Face à l’irresponsabilité et l’incompétence de ceux qui attaquent les femmes et les hommes qui prennent le risque d’Agir en « Commun(s) », plus que jamais nous devons être aux côtés des « Résistants de l’intérêt général ». Ils sont prêts, et vous ?
Pour en savoir plus sur la manière concrète de créer de la valeur en « Commun(s) », bonne lecture de la newsletter « Le défi d’un numérique éthique et inclusif ».
Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-Fondateur du RAMEAU
[1] Clarification sémantique : MEDOC est l’anagramme de Méthodes, Exemples, Données, Outils et Compétences. Ce sont des traitements de chocs pour nos défis en Commun(s). Les MEDOC éprouvés par la pratique des pionniers permettent aujourd’hui de lutter efficacement contre nos fragilités collectives. Ils sont issus d’un processus de recherche empirique développé par Le RAMEAU fortement inspiré du chemin du médicament.
[2] Livre collectif « Bien commun : vers la fin des arrogance ! » (Edition Dalloz, décembre 2016)