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Par Observatoire B2V des Mémoires - Publié le 28 juin 2022 - 17:01 - Mise à jour le 28 juin 2022 - 17:02
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Epilepsie et troubles de la mémoire chez l’adulte

L’épilepsie est un trouble neurologique caractérisé par une prédisposition cérébrale anormale à la répétition des crises. Relativement méconnue, elle touche pourtant environ 1% de la population, soit près de 650 000 personnes en France. Parmi elles, beaucoup présentent des problèmes de mémoire. Le Docteur Benjamin Cretin, neurologue au centre Mémoire de Ressources et de Recherche (CM2R) des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, nous explique les liens entre épilepsie et troubles de la mémoire chez l’adulte.

Mémoire et épilepsie
Mémoire et épilepsie

 

Qu’est-ce que l’épilepsie ?

L’épilepsie est définie par une prédisposition anormale du cerveau à la répétition des « crises ». Elle affecte la qualité de vie des personnes atteintes, en retentissant sur leur psychisme, leur vie sociale et leurs facultés cognitives.  La crise survient lorsqu’un ensemble de neurones est transitoirement synchronisé et hyperactivé (sorte d’« orage électrique »). Ses manifestations dépendent des zones du cerveau concernées.  Des endroits clés du cerveau qui régulent les émotions (régions limbiques) sont souvent affectés, ce qui peut exposer à des changements d’humeur, une tendance à l’anxiété et à la dépression. De plus, l’éventualité de survenue d’une crise, avec perte de conscience, convulsion, risque d’étouffement, de perte urinaire en public etc. est insécurisante et difficile à vivre en société. Ceci peut d’autant plus contribuer à l’anxiété. S’agissant de difficultés cognitives, elles peuvent concerner le langage, le calcul, la mémoire… Chez l’enfant, les crises sont souvent « généralisées », impliquant l’ensemble du cerveau, et peuvent être déclenchées par des stimulations lumineuses par exemple. La maladie disparait parfois à l’âge adulte avec la maturation du cerveau. L’épilepsie chez l’adulte est très différente. Touchant majoritairement des zones localisées du cerveau – en particulier limbiques comme indiqué plus haut - elle est difficile à diagnostiquer car elle donne des symptômes variables qui passent souvent inaperçus pendant plusieurs années d’évolution. La plus fréquente chez l’adulte est en effet l’épilepsie du lobe temporal, qui affecte la partie du cerveau qui coordonne les émotions, l’odorat, le stockage des nouveaux souvenirs et la récupération des anciens.

Les crises d’épilepsie ont-elles un impact sur la mémoire ?

Oui très souvent, il existe même une forme d'épilepsie du lobe temporal où le principal signe de crise est une période d'oubli de 15 à 30 minutes. C'est ce qu'on appelle l' « amnésie épileptique transitoire ». Elle se déclare en moyenne vers 50-70 ans. Elle ressemble beaucoup, mais en plus bref, à un ictus amnésique, qui est également une perte de mémoire soudaine, sans gravité, et qui survient également chez les plus de 50 ans. 

Est-ce que l’épilepsie a un impact à plus long terme sur la mémoire ? 

En effet, la plupart des patients atteints d’épilepsie du lobe temporal présente un certain degré de troubles chroniques de la mémoire, avec l’effacement d'informations apprises récemment, qui les oblige à réapprendre régulièrement, mais aussi la perte de certains souvenir lointains, y compris d’épisodes importants de leurs vies. On note bien souvent une augmentation des problèmes d’orientation dans l’espace. Cependant, ces troubles ne sont pas mis en évidence par les tests classiques de mémoire. Ils ne sont donc pas toujours reconnus, et trop souvent minimisés ou attribués à des causes psychologiques ou à l’âge. 

Comment savoir si des troubles de mémoire sont dus à une épilepsie ?

Chez un adulte de tout âge, mais en particulier de plus de 50 ans, qui se plaint de troubles de mémoire chroniques difficiles à caractériser (c’est-à-dire dont les tests cognitifs ont été normaux ou rassurants), il est important de suspecter l’éventualité d’une épilepsie. D’autant plus s’il existe un ou des facteurs de risque d’épilepsie : traumatisme crânien, séquelles d’accident vasculaire cérébral (AVC), intervention neurochirurgicale, tumeur cérébrale, convulsions fébriles dans l’enfance, malaises épileptiques dans l’enfance et/ou l’adolescence, migraine... En cas de doute, un électroencéphalogramme peut être réalisé, mais il n’est pas toujours très contributif et ne permet donc pas systématiquement de poser un diagnostic d’épilepsie. C’est surtout l’interrogatoire minutieux du patient qui compte, qui peut révéler l’existence de symptômes inexpliqués, comme des petites « absences », des sensations de déjà-vu fréquentes, des hallucinations olfactives… Ceci a une forte valeur diagnostique. 

Est-ce qu’avoir des troubles de mémoire liés à une épilepsie augmente le risque de déclarer une maladie d’Alzheimer ?

On sait à présent que des crises d’épilepsie apparaissant chez une personne âgée peuvent être le premier symptôme d’une maladie d’Alzheimer dont le diagnostic sera fait ultérieurement. De fait, il semble aujourd’hui plausible que la maladie d’Alzheimer soit la cause de certaines épilepsies du lobe temporal se révélant après 50 ans (dans environ 15% des cas). En effet, la maladie d’Alzheimer touche essentiellement les régions temporales à ses débuts. Les crises pourraient-elles à leur tour accélérer la progression de la maladie d’Alzheimer, entretenant un cercle vicieux ? Cela n’a pas été démontré chez l’homme, alors que c’est le cas chez le petit animal (modèles de souris surtout), et il existe en conséquence une controverse féconde qui stimule la recherche. Au-delà des mécanismes impliqués, l’enjeu présent le plus crucial est de comprendre les particularités cliniques et thérapeutiques de l’épilepsie chez les sujets âgés, notamment afin de trouver des traitements adaptés pour cette large et fragile population de patients.

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