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Par Union pour l'Enfance - Publié le 31 mars 2015 - 07:34 - Mise à jour le 31 mars 2015 - 08:36
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La fessée

Thierry ROMBOUT, Directeur Général de l'UFSE, réagit à la condamnation de la France par le Conseil de l'Europe pour ne pas avoir prévu dans ses textes «d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels».

La fessée
La fessée

De quoi s'agit-il ?

"L’absence d'interdiction explicite et effective de tous les châtiments corporels envers les enfants."

Larousse définit la fessée comme une série de coups sur les fesses. Il y a peut-être une distinction à faire entre châtiments corporels et fessée. Il y a également à éviter tous les amalgames sémantiques relatifs aux termes fessée, châtiment corporel et maltraitance. En mêlant tout on s'éloigne de ce qui est bien ou non.

A l’origine, la Charte européenne des droits sociaux – dont la France est signataire – prévoit que les Etats parties doivent « protéger les enfants et les adolescents contre la négligence, la violence ou l’ exploitation ». La décision du Conseil de l’Europe du 4 mars dernier épingle quant à elle la France pour ne pas avoir prévu dans ses textes « d’interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels ».

Or, il résulte de cette prise de position quatre arguments majeurs :

  • On oublie que les coups constituent déjà un délit pénal sur tout être humain
  • Seules les violences sont visées
  • On créé des amalgames en associant fessée et maltraitance ; éducation et discipline ; etc.
  • On interprète le devoir de protection comme un devoir d’interdiction contraignante

 

L’absence de prise en compte des négligences

Nous pouvons à l'UFSE, et plus largement à l'Union pour l'Enfance, en parler aisément car les enfants que nous accueillons sont victimes d'abus. Ils sont maltraités et leur maltraitance est souvent double:

  • maltraitance active avec passage à l'acte du parent par des sévices qui visent à faire mal, à diminuer, à faire perdre la respectabilité de sujet à l'enfant, à vouloir lui faire perdre toute dignité, à en user comme d'un jouet et à en jouir.
  • maltraitance passive : elle est beaucoup plus sournoise car l'acte en lui-même ne peut être considéré comme mauvais en soi mais c'est un faisceau d'actes qui, les uns avec les autres, traduisent cette même intention de réduire l'enfant sujet de droit en tant qu'enfant à un objet de jouissance et de satisfaction de passions perverses de leur auteur.

Aussi, interdire la fessée n’intègre pas cette double dimension de la maltraitance et est donc  réducteur.

 

Amalgames et interprétations

Pour juger de l'aspect éthique des choses, il y a trois éléments à considérer à savoir :

  • l'acte lui-même ;
  • l'intention de son auteur ;
  • et les circonstances ainsi que l'environnement dans lequel l'auteur et l'acte sont placés.

En s'éloignant de la considération de ces trois éléments simultanément, on se prive d'un vrai jugement. La violence est évidemment un acte toujours condamnable. Elle est l'arme des faibles. Si je ne sais plus agir par le dialogue, par la compréhension, alors je contrains physiquement. Elle n'est pas digne de l'homme en tant qu’animal raisonnable comme le définit Aristote, c’est-à-dire personne pouvant user de son intelligence pour agir. Quand je frappe, je suis submergé par mes passions et je ne les contrôle plus.

Mais ne considérer que le premier élément à savoir l’acte en lui-même peut s’avérer réducteur si ce dernier n’est pas interprété à la lumière de l’intention de son auteur ainsi que des circonstances et de l’environnement qui s’y rattachent (par exemple en situation de légitime défense quand une personne cherche à se libérer de l’emprise de son agresseur). On comprend donc bien que les notions de d’intention et de contexte nuancent ici tout positionnement strict.

 

Répression/prévention

La nature et la loi désignent le parent comme le tuteur de sa croissance. Tuteur intelligent, il répondra moralement et juridiquement de cette responsabilité. Il a donc un pouvoir, une autorité de fonction pour assumer cette lourde responsabilité et permettre à son enfant de devenir un homme ou une femme responsable dans la société. La société a un devoir d'assistance auprès des parents à cette fin.

Or, et de plus en plus, la société présente des injonctions contradictoires vis-à-vis des parents comme nous permet de le constater un saut dans le temps. Avant 1889 en effet, la toute-puissance paternelle était à l’œuvre en France et permettait même aux pères d’envoyer leur enfant en prison un mois durant en guise de punition ! En 1889, la loi défendue par l’UFSE sur l’abrogation de la puissance paternelle dite loi Roussel est promulguée, marquant ainsi un véritable tournant dans la prise en charge des enfants victimes de maltraitance. Avant cette date, aucune ingérence de l’Etat dans la sphère privée n’était tolérée.

Aujourd’hui, notre société respecte des principes pouvant, dans une certaine mesure, être perçus comme des injonctions contradictoires.

A la fois la société renforce la responsabilité des parents par la sanction en cas d’échec en matière d’éducation (par exemple par la suppression des allocations en cas d’absentéisme) mais, en parallèle, les nombreuses campagnes sur suspicions d’abus, les dénonciations, le signalement (loi de 2002), etc. créent un climat de délation et de méfiance autour de la capacité du parent à être un bon éducateur.

La Loi du 5 mars 2007 réaffirme quant à elle le droit des parents à exercer leur parentalité (en développant les visites médiatisées, et privilégiant notamment la prévention) mais, dans le même temps, on demande à l’Etat de faire de l’ingérence dans la sphère privée en interdisant la fessée.

 

En définitive, la solution réside donc moins dans l’interdiction et la sanction souvent sujettes à interprétation et à l’approche réductrice ; mais plutôt dans la sensibilisation des parents et à la prévention d’actes violents comme défendu par la Secrétaire d’Etat chargée de la Famille en proposant aux parents outils éducatifs et relais pour les aider dans leur rôle d’éducateur.

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