Laure-Marine Jeannel : « Le climat est un déterminant de santé majeur »
Créée à l’initiative de plusieurs ONG, la Journée mondiale du climat a lieu le 8 décembre chaque année. Elle nous rappelle la nécessité d’agir pour limiter les effets du changement climatique. Laure-Marine Jeannel, directrice de la RSE et de la qualité de VYV3, nous expose les avancées et les perspectives de la stratégie Climat menée par le groupe mutualiste, en forte accélération depuis 2023.
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Pourquoi la question du climat est-elle essentielle pour un acteur de santé tel que VYV3 ?
VYV3 recouvre l’offre de soins et d’accompagnement du Groupe VYV. Nous représentons 1 800 établissements, de la crèche au funéraire, et employons 36 000 collaborateurs et collaboratrices. Nous sommes donc très bien placés pour savoir que l’environnement est un déterminant de santé. Nous voyons chaque jour que le dérèglement climatique entraîne une dégradation des conditions de santé. C’est particulièrement vrai pour les populations vulnérables, telles que les personnes âgées et/ou handicapées, qui constituent une part importante des publics que nous accueillons et suivons, dans nos établissements sanitaires et sociaux mais aussi à domicile.
Elles se trouvent en première ligne face aux effets du changement climatique. J’ajoute que selon des estimations publiées par le Shift Project en décembre 2021, le secteur de la santé représente près de 8 % des émissions de gaz à effet de serre en France, soit presque 50 millions de tonnes de CO2. En tant qu’acteur de santé, VYV3 a donc la responsabilité de réduire son empreinte écologique.
Ce n’est pas un hasard si la raison d’être de VYV3 (« Se mobiliser chaque jour, au cœur des territoires, pour prendre soin de chacun ») se décline en trois axes : prendre soin de nos collaborateurs, prendre soin de nos patient·e·s et client·e·s, et prendre soin de la planète.
« Les personnes vulnérables se trouvent en première ligne face aux effets du changement climatique. »
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Vous avez réalisé en 2023 votre premier bilan carbone. Pourquoi cette démarche et quels grands enseignements en tirez-vous ?
Le bilan carbone est le point de départ de notre stratégie Climat. Nous avions besoin d’une photographie pour nous engager dans une trajectoire de décarbonation. Nous sommes fiers d’être, au sein de notre secteur d’activité, l’acteur qui a réalisé le bilan carbone le plus complet. Il porte sur l’ensemble de nos émissions (Scope 1, 2 et 3). Surtout, nous avons défini un échantillon important de 360 établissements représentatifs. L’analyse nous a permis d’extrapoler les résultats à l’ensemble de nos sites. Nous avions déjà opté pour la méthodologie structurante de l’ADEME, “ACT (Accelerate Climat Transition) Pas-à-Pas” visant à bâtir une véritable stratégie de décarbonation alignée avec les objectifs climatiques mondiaux. Or, le bilan carbone constitue la première étape incontournable d’ACT Pas-à-Pas.
Voilà pour les raisons de cette démarche. J’en viens aux enseignements. Ce premier bilan carbone nous a permis d’identifier nos plus gros postes d’émissions de gaz à effet de serre (voir encadré). Sur cette base, nous avons fixé des priorités pour maximiser notre impact. Nous avons aussi décidé de faire converger bénéfices environnementaux et bénéfices en termes de santé. On parle de « co-bénéfices » dès lors que des mesures visant à réduire les émissions de CO2 ont aussi un impact favorable pour la santé humaine ainsi que pour la soutenabilité de notre système de santé, d’ailleurs. Je pense par exemple à la réduction de la place de la viande rouge dans les menus de nos établissements sanitaires et sociaux ou aux mesures encourageant les mobilités douces.
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Depuis 2023, vous avez initié plusieurs étapes visant à embarquer les équipes. Est-ce à dire que cette stratégie Climat est l’affaire de tous et toutes ?
Sur la base de notre bilan carbone, nous avons défini une trajectoire ciblant une réduction globale de nos émissions par rapport à 2022 de 20 % en 2030 et de 33 % en 2040. Le travail collectif mené dans le cadre de la méthodologie ACT nous a aussi conduits à bâtir une vision prospective visant à rendre nos actions plus durables et résilientes, toujours en lien avec notre raison d’être et au service de la santé.
Dans ce cadre, nous avons structuré notre stratégie climat autour de quatre piliers stratégiques qui balisent le chemin à parcourir. Un chemin qui va bien au-delà du carbone, en incluant des mesures d’adaptation en plus des mesures d’atténuation :
- Pilier 1 : réduire l’impact environnemental de nos activités. Il porte directement sur la réduction de nos émissions de CO2.
Les trois autres piliers visent à faire évoluer nos activités et nos processus, avec, à la clé, un impact, direct ou indirect, sur le bilan carbone.
- Pilier 2 : adapter nos offres, nos environnements de travail et nos conditions d’accueil pour protéger la santé face aux risques écologiques.
- Pilier 3 : développer les coopérations dans un écosystème engagé pour la transition écologique en santé.
- Pilier 4 : sensibiliser et former pour favoriser la transformation durable au service de la préservation de l’environnement, facteur déterminant de santé.
« Sur la base du bilan carbone, nous avons défini une trajectoire ciblant une réduction globale de nos émissions par rapport à 2022 de 20 % en 2030 et de 33 % en 2040. »
Tous nos métiers se sont appuyés sur ce cadre global pour bâtir leurs propres stratégies climat. Je suis très attachée à cette dynamique collective, à l’origine de la reconnaissance de l’efficience de notre démarche. Le travail mené durant un an et demi est pris en compte par notre Direction générale dans la préparation de notre nouveau plan stratégique. De même, la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP), dont VYV3 fait partie, a proposé à l’ensemble de ses membres de s’engager, comme nous, dans une méthodologie ACT Pas-à-Pas. C’est une grande satisfaction pour toute l’équipe, en particulier pour les correspondants Développement durable en régions, qui se sont beaucoup investis dans la démarche.
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Vous publierez en fin d’année un deuxième bilan carbone visant à mesurer le chemin parcouru en deux ans. Pouvez-vous annoncer de premiers résultats en avant-première ?
Tout à fait. Nous avons beaucoup travaillé sur le poste « Énergie et Bâti » et nous enregistrons une réduction de nos émissions autour de 15 % depuis 2022. C’est un très bon résultat même si les travaux engagés en lien avec le Décret tertiaire1 nous ont aidés. Toujours sur ce poste, nous avons de belles avancées en régions avec, pour Pays de la Loire, 16 % d’économies d’énergies et pour Terres d’Oc, une réduction des émissions liées à l’électricité de 55 %.
« Sur le plan environnemental, la maille la plus proche du terrain est souvent la plus propice pour engager des changements à la fois rapides et concrets. »
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Pour conclure, 2026 approche à grands pas. Quelles sont vos trois priorités pour la nouvelle année ?
La première est de continuer à sensibiliser nos publics aux liens étroits entre santé et environnement au travers d’actions globales. Nous avons déployé à deux reprises l’initiative « Ma petite planète », proposant trois semaines de défis écologiques, en associant les résidents de certains de nos établissements.
La deuxième est que chaque site décide, sur la base de son bilan carbone, d’actions concrètes à mener à son échelle. Sur le plan environnemental, la maille la plus proche du terrain est la plus propice pour engager des changements rapides et concrets.
Enfin, nous allons accompagner tous nos métiers dans le développement de l’écoconception des soins et des services, visant par exemple à réduire les déchets ou encore l’utilisation de gaz anesthésiants. C’est très valorisant pour les équipes car chacun peut voir le résultat de ses actions.
- 55 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des achats, dont 47 % hors alimentation : médicaments, dispositifs médicaux…
- 23 % proviennent de la mobilité, principalement des déplacements domicile-travail ;
- 18 % du bâti et de l’énergie, en particulier des véhicules, machines et outils ;
- 3 % des déchets.