« Réduire le financement public des structures de l’ESS est un calcul de court-terme » : entretien avec Pascal Michard, président d’Aéma Groupe
Face à la baisse des financements publics accordés aux acteurs de l’ESS, notamment associatifs, les grandes entreprises de l’ESS – banques coopératives ou mutuelles – doivent se mobiliser pour repenser les modèles de financement et accompagner les structures sur le sujet. C’est la conviction d’Aéma, groupe mutualiste d’assurances aux quatre marques emblématiques – Aésio Mutuelle, Macif, Abeille Assurances et OFI Invest. Le point de vue de Pascal Michard, président d’Aéma Groupe.
- Les structures de l’ESS, en particulier les associations, accèdent de plus en plus difficilement aux financements publics, qui se réduisent dans de nombreux domaines. Comment, en tant qu’acteur de l’ESS, réagissez-vous à ces évolutions ?
L’économie sociale et solidaire est un ensemble hétérogène, et son financement est un sujet de longue date. Les associations, notamment, dépendent souvent des fonds publics – subventions, délégation de service ou marchés publics -, qu’ils viennent de l’État ou des collectivités locales.
L’ESS c’est la société civile au service de l’intérêt général ; elle prend en charge des sujets qui ne le sont pas par ailleurs. »
Financer les structures de l’ESS de manière générale, notamment associatives, est un choix politique car ces structures, partenaires des politiques publiques sont essentielles pour faire vivre la communauté et contribuer à la cohésion sociale. L’ESS c’est la société civile au service de l’intérêt général ; elle prend en charge des sujets qui ne le sont pas par ailleurs. La contraindre en réduisant ses financements publics, c’est non seulement empêcher ses structures de fonctionner mais surtout, à terme, empêcher la société tout entière de fonctionner.
- Qu’est-ce qui justifie selon vous que l’ESS reçoive des financements publics ?
Dès lors que l’ESS contribue à l’intérêt général et à la résilience de notre modèle social, soit par délégation de service public, soit par son action à l’échelle locale, cela justifie qu’elle reçoive des financements publics. Ces dernières années, le budget de l’État et des collectivités a été de plus en plus contraint, mais c’est un choix politique, dans ce contexte, d’arbitrer en défaveur de l’ESS, de réduire le financement des associations, celui du secteur de la santé ou celui de l’éducation par exemple. Avant toute décision budgétaire, il est nécessaire de réfléchir à nos priorités de société. Réduire le soutien à l’ESS, soit par non-subventionnement, soit en empêchant ou ne favorisant pas l’accès de ces structures aux marchés publics, est un calcul de court-terme. Car cela risque de coûter bien plus cher de réparer ce que les associations ne font plus, plutôt que de financer ce qu’elles font.
Il faut penser le financement en même temps que notre capacité d’accompagnement. »
- Face à cela, quel doit être le rôle des financeurs privés ?
Les financeurs privés ne peuvent pas se substituer et compenser ce que l’État et les collectivités locales ne feraient plus. Il faut néanmoins que les acteurs privés réfléchissent aux modèles à mettre en place complémentairement pour soutenir le financement des structures de l’ESS. La question n’est pas seulement d’avoir accès aux financements mais aussi d’avoir les capacités d’aller les solliciter en développant les compétences adéquates, y compris en allant chercher les fonds européens, par exemple. Le travail sur les moyens, les outils et l’accompagnement des structures de l’ESS dans ce domaine est essentiel. Dans la pratique, nous constatons que les montées en puissance ou le changement d’échelle en termes de pilotage demandent aussi des montées en compétences internes. Financer sans accompagner par une expertise et des conseils risque d’être souvent voué à l’échec. Il faut penser le financement en même temps que notre capacité d’accompagnement du monde de l’ESS. Nous devons imaginer une ingénierie financière pour l’ESS, pour être capables d’aider ses structures à chercher des ressources en mobilisant nos expertises et nos savoir-faire.
Aéma Groupe est, aujourd’hui comme hier, un financeur majeur de l’ESS via ses marques, Aésio, Macif, Abeille Assurances et OFI Invest. »
- En tant qu’assureur mutualiste, quel est votre rôle dans le financement des structures de l’ESS ?
Aéma Groupe est, aujourd’hui comme hier, un financeur majeur de l’ESS via ses marques, Aésio, Macif, Abeille Assurances et OFI Invest, qui, de longue date, sont impliquées à travers un certain nombre d’outils et de structures. Notre soutien total à l’ESS et l’économie dite « à impact » est d’environ 180 millions d’euros par an.
Aéma Groupe est un groupe mutualiste. Cela nous met également en position de donneur d’ordre, car nous faisons appel, dès que cela est possible, aux entreprises de l’ESS pour les services ou prestations que nous proposons dans notre écosystème assurantiel ou d’entreprise.
- Quels sont les principaux différents dispositifs de financement que vous proposez ?
La Fondation Macif soutient les publics vulnérables face au changement climatique à hauteur de 3,4 millions d’euros annuels. 134 projets ont ainsi été soutenus en 2024. La Fondation Aésio Mutuelle agit dans le domaine de la santé mentale, avec une dotation d’1 million d’euros par an. Elle a soutenu 5 projets en 2024 pour les accompagner sur plusieurs années. Et puis nous avons la « Fabrique Abeille Assurances » qui a accompagné plus de 250 entrepreneurs à impact depuis 2015 via un grand concours annuel de solutions innovantes face une problématique environnementale et/ou sociétale. L’an dernier, Abeille Assurance a également créé sa fondation d’entreprise contre la précarité étudiante.
Côté investissement, la Macif dispose du fonds « Impact ESS » avec à la fois des objectifs de performance financière et des objectifs d’impacts positifs mesurables. Après 4 ans d’existence, Macif Impact ESS comptabilise 11 structures à fort impact en portefeuille, soit près de 5 millions d’euros d’investissement total sur une dotation globale de 20 millions d’euros. Citons également le fonds « Terre et Vivant », mis en place par la Macif en collaboration avec notre filiale SWEN Capital Partners (OFI Invest) à hauteur de 50 millions d’euros, axé sur la régénération du vivant et la biodiversité.
Grâce à la complémentarité des dispositifs mis en place, Aéma Groupe dispose donc de plusieurs leviers de financement pour soutenir des projets utiles à la société et aux territoires.