Budget 2026 : des associations dénoncent des « amendements bâillons » menaçant leur « liberté d’action » et leur « survie financière »
Des associations de protection de l’environnement et la Ligue des droits de l’Homme se mobilisent contre des amendements déposés par divers groupes politiques à l’Assemblée nationale dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 2026.
Elles dénoncent des « attaques répétées à chaque débat budgétaire ». Dans un communiqué commun, rendu public le 24 octobre, Canopée, France nature environnement, Greenpeace France, L214, La ligue des droits de l’Homme et Les amis de la Terre France appellent les parlementaires à rejeter des « vagues d’amendements » qui menacent leur « liberté d’action » et leur « survie financière ».
Ces amendements suggèrent en particulier, par divers moyens, de limiter la défiscalisation dont bénéficient les donateurs de certaines associations.
Un amendement visant toute association « condamnée »
D’abord, un amendement proposé par des députés Rassemblement national (RN) propose de « retirer la défiscalisation des dons à toute association condamnée », quel que soit le motif de la condamnation. Cela « reviendrait à bâillonner fiscalement les associations » pour les signataires du communiqué, qui y voient une « escalade sans précédent ».
« Les associations qui contribuent au non-respect des lois, notamment celles facilitant directement ou indirectement l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’étrangers, ne doivent pas pouvoir bénéficier des subventions publiques ni des réductions d’impôt associées aux dons qui leur sont versés », justifient les députés dans l’exposé de l’amendement.
Les associations « humanitaires et d’aide aux personnes migrantes » attaquées
D’autres amendements déposés par des députés RN visent à exclure complètement du dispositif de défiscalisation des dons les associations « qui contribuent au non-respect des lois, notamment celles facilitant directement ou indirectement l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’étrangers » ; celles dont les membres ont été condamnés parce qu’ils ont participé « directement ou indirectement à l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers d'étrangers en France » ou ont été « reconnus coupables d’actes visant à aider des personnes présentes illégalement en France et faisant l’objet de mesures administratives d’éloignement à se maintenir sur le territoire ».
Un autre amendement, toujours issu du groupe RN, a pour objectif de supprimer l’exonération de la TVA dont bénéficient les associations « dont l’objet ou l’activité est d’aider à l’entrée ou au maintien sur le territoire national d’étrangers en situation irrégulière » et celles « reconnues responsables de dégradations, d’occupations illicites ou de rassemblements interdits ».
Ces amendements « s’attaquent aux associations humanitaires et d’aide aux personnes migrantes », fustigent les ONG.
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Des associations défendant la cause animale ciblées
Quatre autres amendements dans le viseur des associations ciblent selon elles « directement les organisations environnementales et de protection animale qui documentent les conséquences de l’industrialisation de l’agriculture ». Tous visent à élargir la liste des infractions pouvant entraîner la perte de la défiscalisation liée aux dons. Parmi celles-ci : la diffamation et la provocation par voie de presse, l’introduction dans le domicile d’autrui, la destruction ou la menace de destruction de biens, par exemple.
Selon les exposés de deux amendements, portés par des députés du groupe Droite républicaine, « les actes de malveillance, d’intrusion et de harcèlement commis par certaines associations activistes à l’encontre des agriculteurs, éleveurs, abatteurs et professionnels de la viande se multiplient depuis plusieurs années ». L’amendement vise d'après eux à « protéger le monde agricole », « sanctionner les comportements illégaux » et « réaffirmer la légitimité du travail des éleveurs, des ouvriers de l’agroalimentaire et des boucher-charcutiers ».
Le troisième amendement, proposé par des députés du groupe d’Éric Ciotti – l’Union des droites pour la République – et du Rassemblement national, dénonce des « actions menées par des associations » envers « les acteurs économiques, qu’ils soient agriculteurs, commerçants ou industriels » qui « peuvent perturber durablement l’activité économique et sociale ». Le dernier amendement visant à élargir la liste des infractions susceptibles de limiter la déduction fiscale liée au don est proposé par des députés Horizons, Ensemble pour la République et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot).
Un amendement sur les installations nucléaires
L’association L214, qui publie régulièrement des enquêtes sur les conditions d’élevage, de transport et d’abattage des animaux, s’estime « directement ciblée » par ces amendements. « Nos enquêtes ont révélé les souffrances inacceptables que subissent les animaux dans les élevages et les abattoirs. Ces images ont contribué à faire évoluer la législation et posent dans le débat public l’urgence de revoir notre modèle agricole et alimentaire », estime Brigitte Gothière, cofondatrice et directrice de L214.
« Le discours sur le prétendu “agribashing” (...) nourrit des initiatives législatives qui visent, en réalité, à intimider et faire taire celles et ceux qui documentent les conséquences environnementales de l’industrialisation de l’agriculture et les atteintes infligées aux animaux », déplorent les ONG dans leur communiqué. Il est porté par « certains responsables politiques », sans « s’attaquer aux raisons structurelles de la souffrance et de la paupérisation du monde paysan », poursuivent-elles.
Par ailleurs, un amendement de Jean-Philippe Tanguy concerne spécifiquement les associations menant des « actions visant les installations nucléaires ». Celles « dont les adhérents sont reconnus coupables d’actes d’intrusion sur des installations nucléaires et/ou de violence vis-à-vis des professionnels » ne pourraient plus bénéficier de la réduction d’impôt liée au don, si l’amendement du député Rassemblement national était adopté.
Un enjeu démocratique
« Si le fondement juridique diffère, la logique [de tous ces amendements] reste la même : asphyxier les contre-pouvoirs citoyens en sanctionnant fiscalement la solidarité et l’action collective », commentent les associations. À leurs yeux, ils « s’inscrivent dans une logique plus large » puisque « les associations écologistes, de défense animale ou humanitaires subissent des attaques politiques, juridiques et médiatiques » depuis « plusieurs années ».
« En décidant quelles associations seraient “acceptables” ou non, les parlementaires s’arrogent le droit de trier les ONG selon leur convenance politique. C’est inacceptable dans une démocratie : les associations défendent l’intérêt général, là où l’État échoue trop souvent à agir », déclare Apolline Cagnat, responsable juridique de Greenpeace France, citée dans le communiqué.
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Célia Szymczak 