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Par Aux captifs, la libération - Publié le 27 mai 2022 - 13:38 - Mise à jour le 13 décembre 2022 - 11:42
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Histoire de Captifs : à la rencontre de Naïma

Témoignage de Véronique Leveque, directrice du Centre d’Hébergement et de Stabilisation (CHS) Valgiros à propos de Naïma, résidente de cette colocation solidaire.

A droite, Naïma, heureuse au sein de la colocation solidaire des Captifs.
A droite, Naïma, heureuse au sein de la colocation solidaire des Captifs.

 

« Je vous présente Naïma. Nous avons accueilli Naïma à Valgiros fin novembre 2021, non sans appréhension. Naïma est, dans le jargon du secteur social, une femme grande précaire, une grande cassée de la rue, en situation d’errance depuis de nombreuses années. La première rencontre des Captifs avec Naïma a eu lieu en 2008 lors des tournées-rue (maraudes), tournées-rue assurées par des bénévoles. Naïma était alors fixée sur une plaque de rue, à la gare du Nord, c’était son territoire dans lequel elle vivait sans aucun accompagnement social, en rupture de droits, sans papiers d’identité, avec ses consommations d’alcool importantes ; à la merci du monde de la rue mais avec une certaine socialisation néanmoins.

Puis l’équipe Maquéro va prendre l’initiative d’aller vers Naïma. Cette équipe interdisciplinaire, composée d’un travailleur social, d’une infirmière et d’un psychologue va à la rencontre des personnes en situation de grande exclusion, rencontrant des problématiques complexes multiformes (addictions, troubles psychiques, pathologies mentales…) et n’exprimant aucune demande d’aide particulière. Pendant 4 mois, l’équipe Maquero ira à mains nues vers Naïma deux fois par semaine, la tournée-rue continuera aussi 1 fois par semaine, dans la régularité et la fidélité.

Naïma adhère à ces premiers liens et identifie bien les intervenants. Des premières démarches administratives sont entreprises. Ce premier pas vers le droit commun va permettre à l’équipe de mesurer les difficultés de Naïma, ses freins, son handicap, ses pathologies psy, son syndrome d’auto-exclusion, son addiction à l’alcool.  Ce furent des moments privilégiés avec Naïma qui feront émerger chez elle une première demande pour un hébergement et un souhait de se réinscrire dans son histoire.

Vont s’en suivre, pendant de longs mois, des allers retours entre des hôtels peu adaptés à son handicap, à sa façon de vivre et sa plaque de rue (8 mises à l’abri au total), l’équipe maintient le lien chaque semaine. Le dernier hôtel, dans le 17ème , a permis une rupture nette avec la gare du Nord et son environnement. Naïma exprime alors son souhait « d’un lieu de vie avec des personnes normales ». L’orientation vers Valgiros émerge.

Une première visite est organisée, Naïma est souriante mais reste méfiante ; elle observe, scrute, questionne… Patrick, accueilli lui aussi à Valgiros depuis un an, et ancien compagnon de rue de Naïma, lui fait visiter les lieux. Elle repart, en me remerciant très poliment.

Puis Naïma est arrivée le 26 novembre 2021, accompagnée de l’équipe Maquéro et de quelques sacs. Aujourd’hui, Naïma est toujours avec nous, c’est un premier défi relevé ! Elle est aimée, d’une grande générosité, entourée. Son handicap physique lui permet de maintenir l’attention autour d’elle. La cohabitation avec ses colocs se passe bien malgré son caractère bien trempé, son vocabulaire fleuri, ses coups de colère et sa tristesse qu’elle nous montre bien souvent. Nous gardons tous en mémoire ses torrents de larmes lors de la messe de Noël célébrée à Valgiros. L’équipe Maquéro garde le lien avec elle en venant la voir régulièrement.

Elle est loin maintenant de sa plaque de rue même si elle me menace régulièrement d’y retourner si je ne lui fiche pas la paix avec sa douche.

Naïma a bénéficié et bénéficie d’un accompagnement sur mesure, sur le long terme, dans le respect de son autonomie, en respectant son pouvoir d’agir, dans la fidélité et dans le lien. Elle vient de préparer, de cuisiner, avec l’aide de plusieurs personnes autour d’elle, le déjeuner table ouverte que nous organisons chaque mardi, ce qui était encore impensable il y a quelques mois.

Quels défis pour elle ? Naïma doit se maintenir dans ce dynamisme, et nous devons continuer à l’entourer et lui permettre de révéler toutes ces capacités. Nous ne sommes pas dans un projet de vie à proprement dit mais dans de touts petits pas, nous avançons, nous reculons en gardant cette compassion que nous avons pour elle.

Nous sommes tous, déjà, très attachée à elle, mais nous ne sommes pas sa famille, ni ses amis, nous lui voulons du bien mais un jour il faudra nous quitter. ».

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