Souad Boutegrabet, la codeuse qui casse les codes

• Vous avez fondé Des_Codeuses début 2018. Quel était alors votre objectif ?

Souad Boutegrabet : Tout part de mon parcours ! Après avoir travaillé dix ans dans une banque, j’ai voulu faire de ma passion pour la programmation informatique un métier. Comme ce n’était pas possible en interne, j’ai démissionné en 2014, impatiente de prendre mon envol vers la Tech. Or, ma reconversion dans ce milieu très masculin s’est heurtée au scepticisme de mes interlocuteurs. Je me suis aperçue que le fait d’être une femme n’y était pas étranger : changer, oser, prendre des risques est bien mieux perçu chez un homme !

En lisant les ouvrages d’Isabelle Collet*, j’ai pris conscience que les préjugés sur les femmes sont omniprésents dans la Tech. Cela a été un déclic pour moi et j’ai décidé de m’engager pour changer les choses.

Comme je viens d’un milieu populaire, ma mère nous ayant élevées seule, mes quatre sœurs et moi, je me suis focalisée sur la formation des femmes des quartiers prioritaires de la ville. C’est pour elles que j’ai créé Des_Codeuses !

• L’association a plus de 4 ans. Quel est votre regard sur le chemin parcouru ? 

Depuis nos premiers ateliers d’initiation à la programmation lancés à Belleville début 2018, Des_Codeuses a bien grandi ! Grâce au soutien de la Mairie de Paris et à notre récompense lors des Trophées de l’économie sociale et solidaire en 2019, nous avons pu, en plus des formats courts, lancer une formation complète de niveau Bac +3 pour devenir développeuse web. Ce parcours de 12 mois — 6 mois de formation et 6 mois de stage — allie compétences techniques et empowerment collectif. Surtout, il tient compte de toutes les embûches que j’ai pu rencontrer, en tant que femme, lors de ma reconversion.

Face à l’afflux des candidatures, nous avons mis en place un processus de sélection. Cela nous a donné l’opportunité de solliciter des salariés d’entreprises, en tant que membres du jury, en tant que mentors, pour intervenir dans nos formations, apporter leurs conseils à nos élèves et leur « mettre le pied à l’étrier » en les accueillant en stage. Notre première promotion de 16 femmes est sortie en 2019. 

Ma plus grande fierté est de transformer les trajectoires sociales des femmes de milieux modestes grâce à la Tech. Nous faisons le lien entre ces talents et les entreprises qui recrutent. 90 % des femmes que nous formons accèdent ainsi à un emploi après leur formation et 98 % des recruteurs sont satisfaits.

• Quels sont vos projets pour Des_Codeuses ?

Essaimer encore et toujours ! Nous avons ouvert des antennes à Saint-Ouen et à Trappes. Nous en ouvrons une nouvelle en septembre à Wasquehal, près de Lille, avec le soutien d’AXA France. Après nous nous installerons dans les quartiers Nord de Marseille, avant la fin de l’année.

• Quelles sont vos relations avec les équipes d’AXA France ?

Depuis notre rencontre aux Diversidays en 2019, nous ne nous sommes plus quittées ! La Direction Transformation et Technologies a choisi de suivre et soutenir Des_Codeuses de mai 2021 à mai 2022. Les collaborateurs sont intervenus pour animer 10 ateliers techniques autour de langages de programmation et de pratiques,  ainsi que des simulations d’entretiens ou encore du coaching. Nos élèves ont été invitées à participer à des rituels Agile en immersion et trois Des_Codeuses ont été accueillies en stage. Le mécénat d’AXA France nous a également attribué un soutien financier pour ouvrir notre antenne dans les Hauts-de-France. Grâce à ce soutien, 32 femmes seront formées. Enfin, lorsque nous avons été victimes d’un cambriolage le 15 avril sur l’un de nos sites, AXA France nous a ouvert la possibilité de bénéficier de dons d’ordinateurs. Nous avons tissé une relation solide et durable.

• En conclusion, que pouvons-nous vous souhaiter pour l’avenir ?

Que l’aventure continue ! Il y a 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville en France, soit 5 millions de personnes. Des_Codeuses a toute sa place pour changer les choses.