À l’Académie du climat, les coopératives veulent repenser l’économie
Tenue le 12 septembre à Paris, l’Onde de Coop est un festival organisé par l’alliance de coopératives les Licoornes. Au cœur de cette quatrième édition, le rôle des imaginaires pour mettre l’économie au service de l’intérêt général.
C’est sous les plafonds boisés de l’Académie du climat, installée dans les anciens locaux de l’ancienne mairie du 4e arrondissement de Paris, que l’Onde de Coop, un festival de coopératives engagées pour la transition écologique et sociale, a tenu sa quatrième édition jeudi 12 septembre, centrée autour du thème des imaginaires.
L’évènement, organisé par l’alliance de coopératives les Licoornes, rassemblait ce jeudi 650 inscrits. L’occasion pour les acteurs du secteur coopératif de se rencontrer et de discuter des enjeux auxquels ils font face dans leurs projets économiques à destination de l’intérêt général.
« Nous voulons prouver que des initiatives solidaires et responsables existent dans tous les secteurs de la société », lance en introduction de la journée Maud Sarda, coprésidente des Licoornes et co- directrice générale de Label Emmaüs.
La boutique en ligne de seconde main du mouvement du même nom fait partie des douze coopératives multi-sociétaires qui forment l’alliance des Licoornes. Parmi elles, se trouve également la banque de finance solidaire la Nef qui a annoncé deux jours auparavant son indépendance vis-à-vis du Crédit coopératif. Cette autre banque de l’économie sociale et solidaire garantissait sa liquidité et sa solvabilité depuis sa création en 1988.
« Cela prouve que nous pouvons radicalement changer l’économie, y compris le secteur bancaire » se réjouit Adrien Montagut, cofondateur de Commown, une coopérative de produits électroniques sobres, et également coprésident des Licoornes avec Maud Sarda.
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Recréer un imaginaire coopératif en zone rurale
Le modèle des entreprises coopératives, « ancien mais plus d’actualité que jamais » selon Maud Sarda, fête en 2024 ses 140 ans. Parmi elles, les sociétés coopératives de production (Scop) et les sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) représentent aujourd’hui plus de 3 800 structures en France, soit 0,1 % des entreprises du pays.
Néanmoins, toutes ne poursuivent pas la même philosophie, ne manque pas de rappeler Raphaël Boutin-Kuhlmann, co-directeur général de la coopérative immobilière rurale et solidaire Villages vivants, lors d’une table ronde d’ouverture sur la place des coopératives dans les imaginaires en France.
Villages vivants rassemble des citoyens, des entreprises et des collectivités qui achètent, rénovent et louent des locaux à des entreprises de l’économie sociale et solidaire dans les territoires ruraux. Le but pour la coopérative, qui forme et accompagne également des porteurs de projets et des collectivités, est de maintenir des services du quotidien et des liens sociaux dans les petites villes et les villages de France et de soutenir l’innovation sociale dans les territoires ruraux. « Nous avons fait le choix de la forme coopérative parce qu’elle nous semblait être par essence ce qui correspondait le plus à notre imaginaire », résume Raphaël Boutin-Kuhlmann considérant « qu’à plusieurs, on garantit mieux l’intérêt général ».
Sur les 28 lieux déjà acquis par Villages vivants pour l’ouverture de commerces en zone rurale, les deux-tiers sont animés par des coopératives. « Ce sont des commerces plus résilients : la CG Scop a ainsi montré qu’au bout de 5 ans, 85 % des commerces sous forme coopérative perdurent, contre 65 % de l’ensemble des commerces », souligne Raphaël Boutin-Kuhlmann. « L’ouverture de ces commerces coopératifs permet de réactiver un imaginaire autour du modèle coopératif en zone rurale, en rupture avec le contre-modèle des coopératives agricoles, qui se sont fourvoyées parce qu’elles ont oublié leur imaginaire », ajoute-t-il.
S'adapter aux territoires ruraux et populaires
À ses côtés lors de la table ronde, Anne Charpy est quant à elle directrice de VoisinMalin, une association qui emploie un réseau d’habitants pour recréer de la dynamique dans les quartiers populaires. « Dans ces quartiers, l’imaginaire est modelé par des marques étrangères, venues des États-Unis, de la Corée ou du Moyen-Orient. C’est une culture de la débrouille, dans laquelle l’imaginaire coopératif est peu présent. Néanmoins les valeurs portées par les coopératives, comme la solidarité, la générosité, l’attention à l’autre, y sont très fortes. Le modèle coopératif ne va pas s’y réimplanter par les biens de consommation, mais par les services comme les mutuelles. Il faut reconstruire une place du village à la place du centre commercial aujourd’hui », analyse-t-elle.
Pour Raphaël Boutin-Kuhlmann, afin de transformer l’entrepreneuriat coopératif en un nouvel imaginaire présent sur les territoires, il s’agit aussi de se réapproprier le discours politique sur les territoires ruraux, « volé par les conservateurs et l’extrême droite ».
« Certains projets coopératifs arrivent sur les territoires ruraux avec de bonnes intentions un peu trop affichées, ce qui braque la population locale », note-t-il également. Mais une fois passé le cap de l’adaptation, « ces territoires sont historiquement accueillants », assure-t-il.
Marketing de la sobriété, crise du paysage médiatique, éducation populaire, imaginaire politique et économique… toute la journée les tables rondes et les ateliers se poursuivent pour trouver des moyens de transformer l’économie et de la placer au service de l’intérêt général.
Elisabeth Crépin-Leblond