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Par Carenews INFO - Publié le 28 août 2025 - 15:29 - Mise à jour le 28 août 2025 - 15:42 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Au moins 2 159 enfants à la rue : les associations dénoncent un manque de « volonté politique »

La Fédération des acteurs de la solidarité et l’Unicef publient chaque année un baromètre pour évaluer le nombre d’enfants à la rue, en comptabilisant les appels au 115 restés sans solution. Sous-estimé, il augmente chaque année. Les associations demandent davantage de moyens.

Des acteurs associatifs étaient réunis le 28 août pour présenter le baromètre. Crédit : Carenews
Des acteurs associatifs étaient réunis le 28 août pour présenter le baromètre. Crédit : Carenews

 

« La situation est loin de s’améliorer », dénonce Adeline Hazan, présidente d’Unicef France. « Elle ne fait que s’aggraver », souligne-t-elle. Chaque année depuis sept ans, l’association publie avec la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) un Baromètre des enfants à la rue. L’édition de cette année a été dévoilée le 28 août. 

Les auteurs du baromètre calculent le nombre d’enfants ayant sollicité en une nuit d’août le 115, le numéro qu’appellent les personnes ayant besoin d’un hébergement, et qui sont restés sans solutions. Dans la nuit du 18 au 19 août 2025, cela a été le cas de 2 159 enfants. Un chiffre probablement sous-estimé, d’abord en raison du taux de personnes qui n’appellent pas le 115 alors qu’elles le pourraient : il s’élève à 50 % environ, jusqu’à 78 % en Île-de-France, selon Nathalie Latour, la directrice générale de la FAS. Certaines personnes appellent aussi le 115 et ne reçoivent pas de réponse. Ce chiffrage ne prend pas non plus en compte les mineurs non accompagnés sans abri et les familles vivant en squat et bidonville.  

En ajoutant le nombre d’enfants passant leur nuit à l’hôtel ou en hébergement d’urgence, les estimations des associations montent à près de 46 000.  

 

Les chiffres risquent d’empirer 

 

Le nombre d’enfants sans solution de logement a augmenté de 30 % par rapport à 2022. Spécifiquement, le nombre de ceux de moins de trois ans sans solution (503) a également augmenté de 37 % par rapport à 2022. Les acteurs de terrains constatent la « présence de plus en plus marquée de très jeunes enfants ou de femmes enceintes et sortant de maternité », indique Nathalie Latour. Le nombre de femmes seules restées sans solution après avoir appelé le 115 a augmenté de 113 % par rapport à 2022.  

« Tous les territoires sont touchés », ajoute Nathalie Latour. Elle annonce aussi craindre une « dégradation » de la situation au regard des chiffres publiés par l’Insee en juillet sur la précarité. En 2023, le taux de pauvreté a atteint son niveau le plus élevé depuis que la série a commencé à être réalisée, en 1996. Un tiers des familles monoparentales vit sous le seuil de pauvreté. 

Les associations dénoncent le non-respect des « principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil » inscrits dans la loi. Nathalie Latour insiste par ailleurs sur la « très grande violence pour les personnes qui accompagnent [les personnes en demande d'hébergement], qui ne comprennent plus quel est le sens de leur travail ». « On en est à sélectionner les enfants et les femmes dans les centres d’hébergement », raconte Adeline Hazan, qui explique comment les travailleurs sociaux doivent choisir à qui fournir une solution, entre des femmes selon l’avancée de leur grossesse ou des enfants selon leur âge.  

 

On en est à sélectionner les enfants et les femmes dans les centres d’hébergement »

Adeline Hazan, présidente d'Unicef France

 

Des « refus bornés » sur les places d’hébergement d’urgence 

 

« Petit à petit, on détricote le système de protection et de droit d’accès à l’hébergement », dénonce Nathalie Latour, pour expliquer cette situation. Elle cite une revue de dépenses d’inspections générales, selon laquelle le nombre de places en hébergement d’urgence est stable depuis 2021, alors que la demande a augmenté de 49 %

À ce jour, il existe 203 000 places en hébergement d’urgence. Il manque 250 millions d’euros dans le budget 2025 pour les maintenir, selon les associations. Lorsque qu’elles demandent aux pouvoirs publics une augmentation du nombre de places, elles font « face à des refus, assez bornés » alors que « les besoins sont là », déplore Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement (anciennement Fondation Abbé Pierre), membre de la FAS.  

Il insiste aussi sur la situation des personnes sans droit au séjour en France. 10 000 places pourraient être gagnées en les régularisant, d’après lui. Il fustige « un refus assez idéologique de trouver des solutions pour ces personnes ». Il pointe une « politique trop ferme, trop stricte sur la régularisation et la possibilité de demander un renouvellement de son titre de séjour ». 

 

Des coupes budgétaires pour 2026 ? 

 

De façon plus structurelle, « cette crise (...) est le résultat d’un manque de logement », poursuit Manuel Domergue. La construction de logements neufs est insuffisante, estime-t-il. Et la production de logements sociaux fait l’objet de « coupes budgétaires très fortes depuis 2017 ». 2,8 millions de ménages sont en attente d’un logement social. Sur ce sujet, « l’État ne fait pas assez », dénonce Manuel Domergue.  

« Mais il en fait trop sur l’expulsion locative », continue-t-il. Il observe une « augmentation faramineuse » du nombre d’expulsions, passé de 19 000 en 2023 à 24 000 en 2024. « Les gens n’arrivent plus à payer en bas de l’échelle, ce n’est pas par mauvaise volonté, c’est parce que les prix ont trop augmenté », constate-t-il.  

Malgré ce contexte, « la situation de l’hébergement d’urgence, la situation du logement social et la situation de l’enfance ne sont pas du tout en haut de la pile de l’agenda du gouvernement », assure Adeline Hazan, qui parle d’un « défaut » de « volonté politique ». Dans les orientations budgétaires annoncées par le gouvernement en juillet pour 2026, les plafonds de dépenses pour la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances, une ligne budgétaire qui inclut des actions pour le logement, seront amputées de 1,7 milliard d’euros. « C’est la coupe la plus importante avec l’aide au développement », insiste Adeline Hazan. 

 


À lire aussi : Budget 2026 : les acteurs de la solidarité alertent sur les conséquences budgétaires des mesures envisagées 


 

Des propositions à court et moyen terme 

 

Pourtant, les impacts du sans-abrisme sur les enfants qui en sont victimes « auront un coût pour la société », souligne Nathalie Latour. Leur quotidien a évidemment des effets sur le suivi de leur scolarité, leur santé mentale et physique. À terme, cela facilite leur « décrochage », mais aussi leur « pauvreté » et leur « exclusion », soutient Juliette Murtin, enseignante représentante du collectif Jamais sans toit. Certaines municipalités refusent même de scolariser les enfants sans domicile, ce qui est « illégal », fustige Samira Dadache, administratrice de la fédération de parents d’élèves FCPE. 

Les associations demandent donc au gouvernement des moyens, pour des actions de court et moyen termes. Il faut par exemple maintenir les places existantes, créer 10 000 places d’hébergement d’urgence dès 2026, mais aussi renforcer l’accompagnement éducatif des enfants sans domicile et éviter autant que possible les nuitées à l’hôtel. À plus long terme, les acteurs de la solidarité appellent à mettre en œuvre une programmation pluriannuelle de l’hébergement et du logement, notamment à relancer la production de logements sociaux et très sociaux. Ils exigent aussi un plan spécifique pour les territoires ultra-marins, où « la situation du logement est encore bien pire », pointe Adeline Hazan. « Les enfants à la rue doivent être les priorités de n’importe quel gouvernement et de n’importe quelle majorité », résume Manuel Domergue. 

 

Célia Szymczak 

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