Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 18 avril 2024 - 09:46 - Mise à jour le 18 avril 2024 - 09:52 - Ecrit par : Célia Szymczak
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Conférence internationale pour le Soudan : « c’est un bon résultat, mais il faut le transformer en action concrète »

Après un an de guerre, une très grave crise humanitaire touche la population soudanaise. Une conférence internationale organisée à Paris le 15 avril visait à réunir des financements pour y faire face. Deux milliards d’euros ont été promis.

 

La guerre au Soudan a débuté il y a un an. Crédits : iStock.
La guerre au Soudan a débuté il y a un an. Crédits : iStock.

 

« Remettre à l’agenda international cette crise qui était oubliée » et « financer l’aide humanitaire », ce sont deux des objectifs de la conférence internationale pour le Soudan et les pays voisins, selon le ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, en introduction. Co-présidée par la France, l’Allemagne et l’Union européenne, elle se tenait le lundi 15 avril à Paris, un an après le début du conflit au Soudan. Elle réunissait des représentants d'États, d’organisations internationales, des bailleurs de fonds et des ONG. 

Le plan de réponse à la crise des Nations unies n’était financé qu’à 5 % au début de la conférence. A l’issue de la journée, 2 milliards d’euros ont été rassemblés pour le Soudan. Le montant reste insuffisant : les Nations unies estiment à 3,8 milliards d’euros les besoins pour cette année. « C’est un bon résultat, qui ouvre une porte d’espoir, mais il faut le transformer en action concrète », signale Alexandre Morel, co-directeur général de Care France, ONG présente à la conférence. « Nous sommes satisfaits qu’il y ait eu un certain nombre d’engagements financiers, mais nous resterons attentifs au fait qu’ils soient supplémentaires par rapport à ce qui a déjà été promis », ajoute Jennifer Olivier, responsable des programmes humanitaires pour Plan International France, également présente à la conférence.   

Une urgence alimentaire 

27 millions de Soudanais, soit la moitié de la population, ont besoin d’aide humanitaire. Parmi eux, 15 millions d’enfants. Seuls 20 à 30 % des centres de santé sont opérationnels dans le pays, selon Médecins sans frontières. Les humanitaires témoignent de pillages et de pénuries de matériel de santé. Les structures soutenues par l’ONG ont pourtant accueilli plus de 22 800 blessés. 

De plus, un Soudanais sur trois est confronté à une insécurité alimentaire aiguë. « S’il n’y avait pas d’argent en juin pour la saison des récoltes, ça allait générer la plus grosse famine de tous les temps », explique Alexandre Morel. Il faut donc que les fonds soient disponibles rapidement. Et que les paysans puissent avoir accès à leurs champs. « Les personnes doivent dépendre de leur production et pas des marchés, sur lesquels les prix augmentent très fortement », constate le co-directeur de Care France. 

Il ne faut pas perdre de vue la poursuite des projets de développement »

Jennifer Olivier, responsable des programmes humanitaires, Plan International France

« Il est essentiel de maintenir les activités éducatives en situation de crise, cela a un impact sur le long terme », ajoute Jennifer Olivier. « Plus les enfants passent de temps hors école, plus c’est compliqué de rattraper le cursus scolaire ». Depuis le début de la crise, 19 millions d’enfants ne sont plus scolarisés. L’ONG déploie des « espaces mobiles », destinés à accueillir les enfants, d’abord pour les protéger, puis pour leur proposer un accompagnement psychosocial et des activités ludiques ou éducatives. Elle a également lancé un projet visant à « fournir des salles de classes aux personnes déplacées ». Plus généralement, « il ne faut pas perdre de vue la poursuite des projets de développement », précise Jennifer Olivier. « Dans beaucoup de contextes, ils restent en situation de crise et mettent énormément de temps à être redémarrés par la suite. »

 

Action contre les violences basées sur le genre

Autre menace pour la population soudanaise, en particulier les femmes et les enfants : les violences basées sur le genre. Les femmes sont confrontées à des faits de violences et de harcèlement, réduisent leurs apports alimentaires davantage que les hommes et elles peuvent trouver leurs moyens de subsistance par de la prostitution et des mariage précoces. « Les violences dans le cadre familial augmentent de manière significative, notamment dans les camps de réfugiés », déplore Alexandre Morel. Enfin, les violences sexistes et sexuelles sont utilisées comme armes de guerre. Avant la guerre, 3 millions de personnes avaient besoin de services pour les violences basées sur le genre. Ce chiffre s’élève désormais à 6,5 millions de personnes. 

Care appelle à ce que les organisations de la société civile œuvrant pour le droit des femmes soient associées à la prise de décision concernant l’utilisation des fonds promis lundi. Pour faire face à ces violences, l’ONG finance des organisations spécialisées locales. Elle apporte notamment des financements à des cliniques qui accompagnent les femmes survivantes. Dans les camps de réfugiés, des actions de sensibilisation sont menées. « Ce sont des choses mises en place lorsque l’accès est possible », indique Alexandre Morel. 

 

Soutien aux pays voisins accueillant à les réfugiés 

En effet, le travail des humanitaires est rendu très difficile par l’intensification des conflits, et parfois des contraintes administratives. Les travailleurs humanitaires n’obtiennent pas forcément d’autorisations de déplacement ou d’accès. Les communications sont complètement coupées. « Le gouvernement du Soudan a constamment et délibérément entravé l’accès à l’aide humanitaire, en particulier dans les zones qu’il ne contrôle pas », fustige Médecins sans frontières dans un communiqué. 

Les ONG peuvent en revanche intervenir dans les pays voisins, comme le Tchad ou le Soudan du Sud. Le Soudan fait face à une très importante crise de déplacés : 6,7 millions de personnes le sont à l’intérieur du pays et 1,8 million dans les pays voisins. Une partie des fonds mobilisés lundi 15 avril seront utilisés dans ces pays. C’est impératif : « certains des pays voisins ont eux-mêmes des plans de réponse humanitaire en cours », note Jennifer Olivier. 

 

Des fonds vers la société civile soudanaise

Plus généralement, les deux représentants des ONG saluent la mobilisation politique des acteurs présents. « Nous sommes satisfaits de l’attention sur la crise de la faim et la crise de la protection, qu’il y ait une reconnaissance de l’impact disproportionné sur les filles, les femmes et les enfants », déclare Jennifer Olivier. « Nous saluons aussi l’accent sur un appel au cessez-le-feu, il faut que cela arrive le plus tôt possible », poursuit-elle. « On a senti une mobilisation politique au-delà de la mobilisation financière », abonde Alexandre Morel. 

Nous saluons aussi l’accent sur un appel au cessez-le-feu, il faut que cela arrive le plus tôt possible »

Alexandre Morel, co-directeur général de Care France

« Nous avons un point d’attention important sur le fait qu’une partie significative de ces fonds soit dirigée vers la société civile soudanaise. Ces organisations sont en première ligne pour répondre aux besoins humanitaires », indique Jennifer Olivier. Elle demande aussi à ce qu’une autre partie des fonds soient dirigés vers les ONG humanitaires internationales.

 

Des dons encore insuffisants

De plus, Plan international France a lancé un appel aux dons, à l’intention des particuliers et des entreprises. « Malgré la générosité des donateurs, ce plan reste sous-financé », regrette Jennifer Olivier. 

Pour financer son action au Soudan et dans les pays voisins, Care s’appuie aussi sur une collecte privée, et notamment sur les dons des entreprises. Ceux-ci sont en France beaucoup moins élevés que pour l’Ukraine. « Le Soudan a toujours été présent dans le paysage américain, mais beaucoup moins dans le paysage français pour les entreprises » , observe Alexandre Morel. 

 

Célia Szymczak 

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer