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Par Carenews INFO - Publié le 28 mai 2025 - 11:18 - Mise à jour le 28 mai 2025 - 13:53 - Ecrit par : Léanna Voegeli
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« Il ne s’agit plus d’une crise humanitaire mais d’une crise d’humanité » : les ONG alertent sur la situation à Gaza

Depuis le 2 mars, 2,1 millions de Palestiniens subissent les conséquences du blocage de l’aide humanitaire décrétée par Israël. Les ONG œuvrant dans la bande de Gaza tirent la sonnette d’alarme sur la gravité de la situation et notent « l’insuffisance » des livraisons autorisées depuis le 19 mai. 

Selon Omar Shakir, directeur de recherches sur Israël et la Palestine à Human Rights Watch, les autorités israéliennes utilisent la famine comme une arme de guerre dans la bande de Gaza. Crédit : iStock
Selon Omar Shakir, directeur de recherches sur Israël et la Palestine à Human Rights Watch, les autorités israéliennes utilisent la famine comme une arme de guerre dans la bande de Gaza. Crédit : iStock

  

 

«Des enfants malnutris âgés de 13 mois arrivent en clinique avec le poids et la taille que devrait avoir un bébé de 5 mois», déplore Adéa Guillot, porte-parole de Care France en décrivant l’une des situations rencontrées par les 37 salariés de l’ONG présents dans la bande de Gaza. La malnutrition est l’une des conséquences du blocage de l’aide humanitaire initié par les autorités israéliennes depuis le 2 mars. «65 000 enfants sont hospitalisés pour malnutrition sévère depuis le début du blocus », explique Baptiste Filloux, chef de pôle campagne et plaidoyer solidarités internationales chez Oxfam.  

Des livraisons au compte-goutte ont cependant été autorisées à compter du 19 mai. Les ONG interrogées pointent l’insuffisance de l’aide acheminée.  

 

« La famine est utilisée comme une arme de guerre »

 

Nourriture, eau, carburant, médicaments : 2,1 millions de Gazaouis doivent faire face à des manques qui bouleversent toutes les sphères du quotidien. Par exemple, «une grande partie de la population dépendait du programme alimentaire mondial qui œuvre via des boulangeries, la distribution de pain gratuit ou encore des cuisines communautaires», souligne Caroline Bedos, responsable du pôle Moyen-Orient à Médecins du Monde.  

«Un système de tri s’est instauré en raison des pénuries alimentaires causées par le blocus et la destruction des terres agricoles par l’armée israélienne. Pour la majorité des gens, il est devenu impossible d’accéder à la nourriture», raconte-t-elle.  

Pour Omar Shakir, directeur de recherches sur Israël et la Palestine, auprès de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, le constat est sans appel : la famine est utilisée comme une arme de guerre. «Aujourd’hui les chiffres décrivant la malnutrition sont semblables à ceux du Yémen. La famine à Gaza est orchestrée de toute part, la population est tenue par la faim», appuie Caroline Bedos, de Médecins du Monde.  

 

Le manque d’eau potable accentue le risque de maladies infectieuses 

 

Omar Shakir affirme que la très limitée reprise de l’aide humanitaire annoncée le 19 mai ne peut pas répondre à la gravité de la situation car «après une telle famine, il faudrait aux Palestiniens des mois de bonne nutrition pour retrouver un état de santé stable.» «Les experts ont mis en lumière que ces 20 mois de guerre ont entrainé des cas durables de malnutrition et de déshydratation. Sur le long terme, les enfants risquent d’être victimes de graves problèmes de santé et de développement», détaille-t-il.  

 


À lire aussi : À Gaza, les ONG restent mobilisées contre la famine et les risques d’épidémies malgré les défis  


 

Un rapport publié le 12 mai par le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) souligne que 470 000 personnes à Gaza sont confrontées à des conditions de famine et qu’une insécurité alimentaire aiguë touche l’ensemble de la population. «Dans ce même rapport, il est mis en avant que 71 000 enfants et 17 000 femmes enceintes souffriront de malnutrition aigüe d’ici à mars 2026 si l’aide humanitaire n’était pas rétablie de manière efficiente», fait valoir Rosalia Bollen, humanitaire pour l’Unicef. 

Par ailleurs, les ONG notent une absence considérable d’eau potable et d’accès à l’assainissement. Louis-Nicolas Jandeaux, responsable humanitaire chez Oxfam France indique que ces entraves engendrent des maladies qui aggravent les cas de malnutrition. Adéa Guillot, de Care France, le rejoint sur ce point en évoquant l’impossibilité d’évacuer les eaux usées et le risque accru de maladies infectieuses comme le choléra. Elle souligne aussi que l’arrêt de traitements est monnaie courante pour les personnes souffrant de maladies chroniques telles que le diabète.  

À ce sujet, Médecins sans frontières signale que l’absence de traitements peut «entraîner de graves complications, telles que des handicaps permanents et, dans certains cas, la mort.» 

 

Des hubs logistiques susceptible d’entraver le travail des ONG  

 

Concernant les annonces du 19 mai, Adéa Guillot note le « cynisme» de ce qu’elle considère être une «goutte d’eau». «Avant le 7 octobre, la population de Gaza dépendait déjà de l’aide humanitaire avec 500 camions d’aide humanitaire par jour. Vous imaginez bien que les quelques 90 camions d’aide quotidienne ne suffisent pas», fustige la porte-parole de Care. De son côté, Caroline Bedos, de Médecins du Monde, s’émeut : «il ne s’agit plus d’une crise humanitaire mais d’une crise d’humanité.»  

Autre motif d’inquiétude : le recours à des sociétés militaires privées pour assurer l’aide humanitaire, via quatre ou cinq hubs logistiques éparpillés dans l’enclave«Ce seraient les uniques points de distribution. Les habitants devraient marcher des kilomètres pour récupérer la nourriture», rapporte Caroline Bedos.  

Rosalia Bollen, de l’Unicef, craint un accroissement des inégalités : «beaucoup d’enfants non accompagnés ou souffrant de handicap, mais aussi les personnes âgées, n’ont pas la capacité de se déplacer.» D’autant plus qu’un système de reconnaissance faciale serait mis en place «déterminer si les gens pourront ou non bénéficier de l’aide humanitaire», soutient Caroline Bedos. 

Ce mardi 27 mai, des milliers de Gazaouis se sont rués sur l’un de ces premiers centres, gérés par la Fondation humanitaire de Gaza. Seul un petit nombre de personnes a finalement pu bénéficier de l’aide. Soutenue par les États-Unis et Israël, l’entité n’est pas validée par l’Organisation des Nations unies, qui la soupçonne de ne pas respecter les principes d’impartialité, de neutralité et d’indépendance. 

 

Léanna Voegeli  

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