Jeux olympiques et paralympiques : un groupement solidaire pour nettoyer le linge des athlètes
C’est un groupement de neuf Esat, entreprises d’insertion et associations intermédiaires qui sera chargé de traiter le linge des athlètes sur le village olympique et paralympique. Une première dans l’histoire des Jeux.
Huit tonnes de linge à laver chaque jour : c’est ce qui attend les 350 travailleurs mobilisés pendant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), dans le cadre d’un groupement piloté par la Conciergerie solidaire. Ces travailleurs devront faire fonctionner les douze laveries qui tourneront sept jours sur sept sur le village olympique, en rez-de-chaussée des résidences d’athlètes.
Fait notable, ce marché a été réservé par Paris 2024 à des structures d’insertion et du handicap. Neuf d’entre elles ont choisi de répondre ensemble à l’appel d’offre et ont remporté le marché : trois établissements d’aide ou service par le travail (Esat), qui emploient des personnes porteuses de handicap, et six structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) – entreprises d’insertion (EI) et associations intermédiaires (AI) –, qui, elles, salarient des personnes en difficulté sur le marché du travail, demandeurs d’emploi de longue durée ou bénéficiaires de minima sociaux.
Une première dans l’histoire des JOP
« C’est la première fois dans l’histoire des JOP que le service de lingerie va être réalisé par des personnes en situation de handicap ou en parcours d’insertion », se félicite Mathilde Bérody, directrice Île-de-France de la Conciergerie solidaire.
Cette entreprise d’insertion, créée en 2010 à Bordeaux et aujourd’hui implantée dans six régions françaises, a développé un réseau de 96 conciergeries d’entreprises, de quartier ou de tiers-lieux. Elles emploient une centaine de salariés chaque année. Ces conciergeries proposent aussi bien des services professionnels (accueil, livraison de plateaux-repas, gestion de courrier…), que des services personnels (pressing, cordonnerie, petites réparations…) et des programmes d’animation et de sensibilisation aux enjeux sociétaux et environnementaux.
Sur le marché des laveries des JOP, la Conciergerie solidaire est chargée de la coordination des différentes structures qui interviendront sur l’activité. Parmi elles, l’association Ladapt compte 116 Esat et établissements de formation, insertion, scolarisation ou soin pour les personnes handicapées dans neuf régions françaises. Ses établissements de Groslay et de Soisy-sous-Montmorency (Val d’Oise) feront intervenir certains de leurs travailleurs sur le village olympique.
Ces deux Esat, qui accueillent des adultes de tous âges souffrant de handicaps psychiques ou de déficience intellectuelle, ont développé des activités diverses : espaces verts, conditionnement, entretien de locaux, nettoyage de vitres, mais aussi blanchisserie. Pendant les JOP, ils mobiliseront des personnels sur des postes de blanchisseurs, chargés de nettoyer et de traiter le linge. « Nous avons demandé à l’ensemble de nos travailleurs qui souhaitait se porter volontaire pour aller travailler sur le village olympique et nous avons eu une vingtaine de réponses positives, de personnes qui font déjà de la blanchisserie mais aussi de personnes qui travaillent habituellement sur d’autres activités et que nous allons former à ce métier », explique Vanessa Fiston, responsable des deux établissements.
Blanchisseurs, agents d’accueil et runners
Deux autres métiers interviendront pour nettoyer et gérer le linge des 27 000 résidents du village olympique : les agents d’accueil, chargés de réceptionner le linge, et les « runners », qui s’occuperont de le transporter. L’AI Ladomifa, implantée sur le territoire Est Ensemble, qui regroupe neuf communes de Seine-Saint-Denis, sera l’une des structures chargées de recruter et former des personnes sur ces deux métiers.
Une AI est une association qui met des salariés en parcours d’insertion à disposition d’utilisateurs – personnes morales ou personnes physiques – sur des missions variées. « À Ladomifa, nous intervenons sur des activités de gardiennage, de médiation, de traversée des écoles, de contrôleurs de chantier, de restauration, notamment », indique Caroline Pitner, sa directrice.
« Nous accompagnons ainsi 300 personnes en parcours d’insertion chaque année, qui ont des profils variés : des migrants nouvellement arrivés aussi bien que des gens diplômés mais en difficulté d’insertion sociale, détaille Caroline Pitner. Le but de notre accompagnement est de leur permettre d’acquérir de nouvelles compétences, de prendre confiance en eux, mais aussi de se faire repérer par nos utilisateurs, pour qu’ils puissent être recrutés par eux sur des emplois durables. »
Sur les JOP, Ladomifa mettra à disposition une centaine de salariés sur des postes d’accueil ou de runners. « Certains travaillent déjà chez nous, d’autres sont en cours de recrutement, mais nous continuerons à les accompagner après les JOP, pour qu’ils restent dans l’AI ou qu’ils trouvent un autre emploi », explique Caroline Pitner. « Cette expérience des JOP sera un vrai plus dans leur parcours », ajoute Mathilde Bérody.
Valoriser les compétences des salariés d’Esat ou de SIAE
Quand on lui demande pourquoi Ladomifa a souhaité répondre à ce marché des laveries des JOP, Caroline Pitner répond du tac au tac : « En Seine-Saint-Denis, il y a eu beaucoup d’événements auxquels les acteurs de l’insertion et du handicap n’ont pas été associés. C’était le cas par exemple avec la COP 21, qui a eu lieu à Saint-Denis, ou avec la construction des bâtiments des JOP. Alors, là, c’était impensable pour nous de ne pas participer ! » Quant à Vanessa Fiston, de Ladapt, elle se réjouit d’avance : « Les JOP seront une formidable vitrine pour mettre en valeur les compétences de nos travailleurs ! »
Cette expérience aura aussi été une belle occasion de coopération entre acteurs de l’insertion et acteurs du handicap. Comme le note Caroline Pitner, « habituellement, les marchés publics ciblent soit des structures de l’insertion soit des structures du handicap, mais pas les deux en même temps ». Si bien que, si Ladomifa a l’habitude de répondre à des marchés publics en groupement avec d’autres structures de l’IAE, c’est la première fois que la structure travaille avec des Esat. « Et j’ai bien envie de continuer à collaborer avec eux, car nos compétences se complètent, souligne Caroline Pitner. Nous pourrions même imaginer des passerelles avec des Esat pour une partie de nos publics. »
Camille Dorival