Le Vendée Globe, un vent porteur pour les associations ?
Parmi les bateaux qui se sont élancés pour le Vendée Globe 2024, plusieurs portaient les couleurs d’une association. Une image révélatrice d’un lien croissant entre course au large et intérêt général.
Le 10 novembre 2024, les bateaux du Vendée Globe s’élançaient pour un tour du monde de plusieurs semaines. Au milieu des logos des entreprises-sponsors, plusieurs imocas arborent sur leurs voiles les couleurs d’une association. La démarche, qui vise à donner de la visibilité à une organisation d’intérêt général, est montée en puissance au fil des courses au large.
Lazare et Fondation Apprentis d’Auteuil, des partenariats portés par les skippers
« C’est Tanguy qui nous a proposé de porter le nom de l’association », raconte Aliénor de Sentenac, responsable communication de Lazare. L’association, qui développe des colocations solidaires entre jeunes actifs et personnes sans-abris, est défendue dans la course par le skipper Tanguy Le Turquais.
La rencontre entre le navigateur et Lazare a été provoquée par sa femme et concurrente Clarisse Cremer, marraine et partenaire de l’association lors de la précédente édition du Vendée Globe il y a quatre ans.
Mais le partenariat avec Tanguy Le Turquais a pris une autre ampleur. « La démarche s’est faite un peu à l’envers de ce qui se fait souvent », explique Aliénor de Santenac. Le skipper et l’association se sont d’abord associés, avant de démarcher ensemble pendant deux ans les futurs sponsors qui accepteraient de financer la course tout en cédant une partie de leur visibilité à l’association. Pour boucler le budget d’environ 2,7 millions d’euros, Tanguy Le Turquais et Lazare ont finalement réuni 27 entreprises sponsors différentes, qui ont cédé à l’association la moitié de la visibilité et le nom du bateau.
Les sommes versées à Lazare pour être transmises au projet de Tanguy Le Turquais proviennent ainsi en grande majorité des services communication et sponsoring des entreprises, ce qui permet de mobiliser de nouveaux financeurs, au-delà des mécènes habituels. « Nous ne voulions pas déshabiller les projets de Lazare », argumente la responsable communication.
De son côté, la Fondation Apprentis d’Auteuil bénéficie du soutien de Violette d’Orange et de son imoca nommé « DeVenir ». En effet, qui de mieux que la plus jeune navigatrice de l’histoire de la course pour porter la cause d’une jeunesse fragilisée ?
Là encore, la proposition est venue de la navigatrice, raconte Stéphane Dauge, directeur de la communication d’Apprentis d’Auteuil. « Violette a rencontré des jeunes de la fondation. Puis il y a quatre ans, elle nous a proposé un partenariat pour porter nos couleurs lors de la solitaire du Figaro, puis du Vendée Globe », déroule-t-il.
Financé en grande partie par des franchises McDonald’s, le projet de Violette Dorange permet à la Fondation Apprentis d’Auteuil de bénéficier d’une visibilité totalement gratuite sur sa voile. « Une rencontre providentielle », assure le directeur de communication, portée d’autant plus par la montée en puissance des réseaux sociaux de la navigatrice depuis son départ des Sables-d’Olonne.
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Un engagement au-delà de la visibilité
Au-delà de la question de la visibilité, les partenariats entre les skippers et les associations, permettent une rencontre avec des publics souvent éloignés du monde de la voile.
Du côté de Tanguy Le Turquais et de Lazare, les nombreuses opérations de communication menées ensemble ainsi que les navigations à bord de l’imoca Lazare « ont permis de créer un vrai lien avec le skipper », assure Aliénor de Sentenac. « Environ 200 colocs ont navigué grâce à Tanguy. Certains ont même découvert la mer », ajoute-t-elle. Plusieurs sans-abris de l’association se sont également mobilisés pour accompagner le skipper aux Sables-d’Olonne, animer un stand et l’encourager le long du chenal du départ.
« Tous ne sont pas passionnés par la voile, mais ils sont touchés par l’aventure », explique Aliénor de Santenac. « L’un des plus gros impacts, c’est de les faire rêver à nouveau. Dans la rue, ils n’avaient pas de place pour le rêve », estime-t-elle.
Faire rêver les jeunes accompagnées par la Fondation Apprentis d’Auteuil, c’est aussi l’ambition de Violette Dorange. « Violette se rend régulièrement dans les établissements pour rencontrer des jeunes et des familles. Elle a une proximité formidable », se réjouit Stéphane Dauge.
La navigatrice a notamment fait visiter son bateau de course à plusieurs jeunes accompagnés par la fondation, participé à du soutien scolaire à Lorient ou encore rencontré des jeunes mineurs non accompagnés. « Certains avaient traversé la mer dans des conditions périlleuses et violentes. La rencontre avec Violette et l’accueil à bord de son bateau permet de les réconcilier avec l’univers marin », ajoute-t-il.
Des pionniers depuis 2009
Ces deux projets ont la particularité d’être portés par deux skippers qui participent à leur premier Vendée Globe, et avec des budgets relativement réduits comparés à leurs concurrents. Mais la visibilité donnée à des associations est déjà présente depuis plusieurs courses.
Parmi les pionniers en la matière, Initiatives Cœur est un projet créé en 2009 par l’entreprise Initiatives et le navigateur Tanguy de Lamotte. Défendue aujourd’hui par la navigatrice Samantha Davies, il permet, grâce au soutien des entreprises Les chocolats du cœur, K Line et Vinci énergies, de récolter des fonds au profit de l’association Mécénat Chirurgie Cardiaque.
En plus d’offrir leur visibilité, les entreprises, à la fois sponsors du projet de course et mécènes, versent un don de 1 euro pour chaque nouvel abonné à la page Facebook ou Instagram d’Initiatives-Cœur, tandis que des collectes sont organisées. Depuis le début du projet en 2009, Initiatives Cœur a permis de financer les opérations chirurgicales de 444 enfants. À l’arrivée du Vendée Globe 2024, le cap fixé est celui des 500 opérations financées.
L’imoca sponsorisé par l’entreprise de cybersécurité Advens, et skippé pour cette édition par Sam Goodchild, porte quant à lui le nom et les couleurs de LinkedOut, un programme de l’association Entourage pour aider à l’insertion professionnelle des personnes exclues.
Elisabeth Crépin-Leblond