Les projets d’extraction de combustibles fossiles dans le monde compromettent largement nos objectifs climatiques
Les « bombes carbone » et autres projets d’extraction de combustibles fossiles prévus d’ici à 2050 émettront onze fois plus de gaz à effet de serre, par rapport à ce qu’il faudrait émettre au maximum pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré. C’est ce que concluent Reclaim finance, Data for good, Lingo et Éclaircies dans une analyse parue le 27 octobre.
Les « bombes carbone » – des installations destinées à extraire du gaz, du pétrole ou du charbon, qui émettront au moins une gigatonne de CO2 sur leur durée de vie – et autres projets d’extraction de combustibles fossiles prévus d’ici à 2050 nous empêcheront d’atteindre les objectifs climatiques fixés par l’accord de Paris sur le climat. C’est la conclusion d’un consortium de quatre ONG - Reclaim finance, Data for good, Lingo et Éclaircies -, dans une analyse publiée le 27 octobre sur le site carbonbombs.org.
Les organisations s’appuient sur un article signé par le directeur de Lingo, Kjell Kühne, et publié en 2022 dans la revue Energy policy définissant les « bombes carbone » et en identifiant 425, ainsi que sur d’autres données accessibles au public sur les projets de mines de charbon et d’extraction de pétrole et de gaz.
Les émissions des « bombes carbone » et des projets d’extraction de plus petite envergure prévus d’ici à 2050 seront 11 fois plus importantes que ce que nous pouvons encore émettre pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle, selon les données des ONG. Pour avoir 50 % de chance d’atteindre cet objectif, il nous reste en effet un « budget carbone » de 130 gigatonnes de CO2 supplémentaires. Pour avoir 50 % de chance de limiter le réchauffement climatique à 2 degrés, il nous reste à émettre 1 050 gigatonnes de CO2. Or, les émissions des projets pris en compte pour les ONG dépasseraient à elles seules 1 400 gigatonnes de CO2.

Des projets « nocifs et inutiles » depuis 2021
Les ONG comptabilisent 176 « bombes carbone » de plus que les auteurs de l’article académique, qui arrêtaient l’évaluation en 2020. Au total, 601 « bombes carbone » existent donc désormais, ou existeront dans le futur. À cela s’ajoutent 1 979 nouveaux projets de champs pétroliers et gaziers de moindre envergure, ainsi que 364 « grandes » mines de charbon. Les décisions finales d’investissement concernant ces projets ont été prises depuis 2021. Or, à cette date, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a élaboré un scénario permettant d’atteindre zéro émission nette en 2050, selon lequel « aucun nouveau champ pétrolier et gazier n’est approuvé (...) et aucune nouvelle mine de charbon ou extension minière n’est requise ». « Chaque projet d’extraction (pétrole, gaz et charbon) lancé après cette date est donc à la fois nocif et inutile », commentent les ONG.
« Poursuivre ces projets bloquerait l’humanité dans une dégradation irréversible du climat et menacerait les conditions de vie sur Terre », préviennent-elles également. Selon leurs données, près de 30 nouvelles « bombes carbone » sont entrées en activité depuis 2025, pour 12 qui ont été annulées.
Les banques dans le viseur des ONG
« Ces nouvelles données montrent que l’industrie fossile et ceux qui la financent sont en train de réduire en cendres l’accord de Paris. Pendant des années, leurs intérêts financiers ont primé sur la prévention d’un effondrement climatique irréversible », dénonce Lou Welgryn, la secrétaire générale de Data for good
Dans le viseur des ONG : le financement des entreprises propriétaires des projets liés aux énergies fossiles par les banques, sans lesquelles « de nombreux projets et bombes carbone n’auraient pas été possibles ». « Malgré leurs engagements climatiques, les 65 plus grandes banques mondiales ont accordé 1 600 milliards de dollars depuis 2021 aux entreprises impliquées dans les “bombes carbone” et de nouveaux projets fossiles », déplorent-elles, en s’appuyant sur le rapport Banking on climate chaos, publié cette année par un collectif d’ONG dont Reclaim finance.
Des entreprises pointées du doigt
« Il est plus qu’urgent que les banques arrêtent de soutenir l’expansion des énergies fossiles, y compris l’essor actuel des projets de gaz naturel liquéfié. Ces ressources doivent être consacrées aux énergies soutenables et aux projets nécessaires à la transition », insiste Louis-Maxence Delaporte, responsable énergie à Reclaim finance.
Les cinq entreprises actives dans le plus grand nombre de projets d’extractions d’énergies fossiles sont TotalEnergies, China national offshore oil corporation (CNOOC), Eni, BP et Shell. Le pays « les plus exposés » aux bombes carbone sont la Chine, la Russie, les États-Unis, l’Australie, l’Inde et l’Arabie Saoudite, notent les ONG.
Célia Szymczak 