À Grenoble, un ancien site industriel devient laboratoire du réemploi d’objets
À Grenoble, un ancien site industriel de Schneider Electric a été reconverti en pôle dédié à l’économie circulaire. Plusieurs structures de l’économie sociale et solidaire coopèrent pour valoriser les objets déposés en déchetterie ou abandonnés, tout en favorisant l’insertion par le travail.
À l’entrée du bâtiment, un homme arrive avec une grande table basse en bois qu’il souhaite donner. Chaises, jouets, équipements électroniques... À l’intérieur, des équipes s’activent à trier les objets de toute sorte fraichement débarqués. Les 8 000 mètres carrés de cette zone industrielle grenobloise accueillaient autrefois les activités de la multinationale de l’énergie Schneider Electric. Achetés en 2020 par la métropole, les bâtiments ont depuis été transformés en « un lieu totem de l’économie circulaire », le Pôle R.
Du réemploi « à échelle industrielle »
Le plus grand bâtiment de plus de 4 000 mètres carrés est animé par la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) « Fabricanova ». Cette structure compte parmi ses sociétaires la métropole et 12 acteurs de l’économie sociale et solidaire, à qui elle sous-traite des activités de réemploi et de revalorisation. « L’idée est de se mettre ensemble pour pouvoir travailler à échelle industrielle », résume Anaïs, cheffe de projet au sein de la Scic. Parmi ses membres, se trouvent par exemple une structure du mouvement Emmaüs, le chantier d’insertion spécialisé dans la couture et le bois Atelier Marianne, une recyclerie sportive et le groupe d’économie solidaire pour l’emploi Ulisse Grenoble Solidarité.
Dans une première zone de tri, Ulisse Grenoble Solidarité reçoit le contenu réemployable des déchetteries alentour. À ce stock, s'ajoutent les objets récupérés dans des dépôts sauvages ainsi que les dons des particuliers réceptionnés sur place. « Ce qui est réemployable est mis de côté. Pour le reste, nous trions afin de revaloriser les matériaux », détaille Anaïs.
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« Ce sont des activités que les structures seules ne pourraient pas porter »
Les objets sont ensuite répartis entre les structures en fonction de leurs activités. Un « stock de vente », avec ceux qui ne trouvent pas d’utilité, est ouvert gratuitement aux artistes, associations et autres structures de l’ESS qui en font la demande. Les matériaux non réemployables sont quant à eux récupérés par les éco-organismes, chargés de les trier et recycler.
Envie Grenoble, spécialisée dans les équipements électroménagers reconditionnés fait partie depuis deux ans de la coopérative. Malgré un redressement judiciaire de l’association Envie Rhône-Alpes depuis avril, elle a pu maintenir ses activités à Grenoble. « Nous connaissons une situation compliquée avec l’émergence de nouveaux concurrents, des entreprises ou des marques qui développent leur propre service de seconde main. De plus, les appareils qui nous arrivent des distributeurs sont en plus petite quantité et de moins bonne qualité », témoigne Gaspard Durand, le responsable de la structure. Des difficultés qui s’ajoutent aux réductions budgétaires de l’État touchant les aides aux postes d’insertion.
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Dans ce contexte, l’appartenance à la coopérative Fabricanova permet à Envie Grenoble de diversifier ses activités, en réalisant des collectes d’appareils électroménagers par exemple. Des activités qu’elle ne pourrait pas porter seule, avec seulement ses cinq salariés.


Des ponts entre acteurs de l’ESS et industrie
En 2017, la métropole de Grenoble Alpes s’est fixé un objectif de réduction de 20 % des déchets produits sur le territoire de ses 49 communes à horizon 2030. Pour y parvenir, 31 000 tonnes de déchets doivent être évitées d’ici là, dont 7 500 tonnes qui devront être collectées en déchèteries et réorientées vers le réemploi et la réparation.
Au-delà de la coopération entre acteurs de l’économie sociale et solidaire, l’ambition du Pôle R est de « rapprocher des acteurs économiques qui ne se connaissent pas, c’est-à-dire l’économie sociale et solidaire et l’industrie », argumente un salarié de la métropole. « Le but est de diffuser l’économie circulaire dans toute l’économie », abonde Elisabeth Debeunne, vice-présidente de la métropole, chargée de l’économie sociale, solidaire et circulaire.
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À cette fin, le lieu accueille la plateforme de réemploi « Circul’Alpes », un réseau des acteurs économiques du sud de l’Isère engagé en faveur de l’économie circulaire. Constituée de PME, grandes entreprises, start-up, acteurs de l’insertion collectivités locales, ce réseau vise à mettre en relation des entreprises ayant des déchets dont elles ne savent pas quoi faire avec des acteurs de l’économie sociale et solidaire et du réemploi.
Exemple de ces ponts : des salariés d’un atelier chantier d’insertion d’Ulisse font l’inventaire de roues de trottinettes électriques et de morceaux de voitures électriques, dans le cadre d’une mission menée en collaboration avec la start-up MagREEsource. L’activité de cette société grenobloise consiste à récupérer et recycler les matériaux d’aimants usagés, notamment les terres rares, pour les réutiliser comme matière première.
Élisabeth Crépin-Leblond 