Marche commémorative d'Emmaüs : 70 ans après l'appel de l'Abbé Pierre, l'indignation persiste
Soixante-dix ans après l'appel historique de l'Abbé Pierre, fondateur d'Emmaüs, une marche commémorative a été organisée par l'association ce jeudi à Paris, pour rappeler l'urgence de la crise des sans-abri. Les derniers chiffres de la Fondation Abbé Pierre témoignent d’un doublement du nombre de personnes à la rue en 2023 par rapport à 2012.

« Ça fait 70 ans qu’on crie et 70 ans que le taux de pauvreté et le nombre de personnes à la rue augmente toujours davantage ». « Maintenant ça suffit ! » s’exclame Céline, cheffe de service à l’accueil de jour de l’antenne parisienne d’Emmaüs, à l’occasion du cortège commémoratif organisé par l’association et qui a rassemblé une centaine de personnes à Paris.
Le 1er février 1954, après la découverte d’une femme morte gelée boulevard Sébastopol, l’Abbé Pierre lançait un vibrant appel à la solidarité envers les sans-abris sur les ondes de Radio Luxembourg. Aujourd’hui, si « les choses ont bougé, c’est loin d’être suffisant par rapport à ce qu’une société comme la nôtre devrait pouvoir faire », affirme Antoine Sueur, président d'Emmaüs France, au départ du cortège place Sainte-Geneviève.
« Les sans-abris font désormais parti du paysage »
Les salariés et bénévoles d'Emmaüs présents à la marche alertent sur l’augmentation du nombre de personnes touchées par le mal logement, toutes catégories confondues. À l’accueil de jour, « il y a plus d’hommes, plus de femmes, plus de familles ». Pire, « on voit des enfants dormir dans la rue, ce qu’on ne voyait pas il y a 5 ans quand j’ai commencé à Emmaüs », nous dit Céline. Selon elle, « les sans-abris font désormais partie du paysage », « s’habituer à cela c’est insupportable ».
Un constat en accord avec les derniers chiffres de la fondation Abbé Pierre, selon lesquels, environ 330 000 personnes sont sans-abri en France, soit deux fois plus qu’en 2012. Le nombre d’enfants à la rue a, lui, atteint un record en novembre 2023, avec 2 822 enfants, dont 686 âgés de moins de trois ans.
« L’Etat doit agir »
Face à cette crise, « la bonne volonté des bénévoles ne suffit plus », constate Pépère Hassi, responsable de l’antenne Emmaüs d'Ivry-sur-Seine. « Les associations comme Emmaüs ne disposent pas de suffisamment de places ni de moyens humains pour accueillir tous les sans-abri ».
« L’Etat doit agir », alerte-t-il. Pourtant, selon la responsable de l’accueil de jour de l’antenne parisienne, les dirigeants politiques ignorent « totalement ces bombes sociales » que sont le mal logement et le sans-abrisme et qui appellent à des mesures d’urgence.
En attendant que le gouvernement s’empare de sa responsabilité, les membres d'Emmaüs sont contraints de « couper en 10 un gâteau de 2 parts ». « Ça nous fait offrir des miettes aux personnes que l’on reçoit » , déplore Céline.
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Félicité Dussel