Accès au logement et à l’hébergement : le cri d’alerte des associations
Dans un document publié à la veille de la coupure estivale, un collectif de quarante associations engagées pour le logement et l’hébergement sonne l’alerte.
Insuffisance des places d’hébergement d’urgence, dizaines de milliers d’enfants sans-abri, annonces trop peu ambitieuses… Le Collectif des Associations Unies, composé de 40 associations œuvrant pour le logement et l’hébergement, dresse un bilan extrêmement critique de la politique étatique en la matière. Les associations dont la Croix-Rouge française, Emmaüs France, la Fondation Abbé Pierre ou France terre d’asile, expriment aussi leurs craintes quant aux mesures prévues par le gouvernement, qu’elles considèrent largement insuffisantes pour répondre à une crise persistante.
Fermeture de places d’hébergement
Premier problème, selon les associations, le manque de place en hébergement d’urgence. Pourtant, 6 000 places au niveau local sont menacées de suppression, déplorent-elles, « alors que les besoins, eux, ne faiblissent pas. » Chaque soir de juin, 6 000 demandes effectuées ne sont pas pourvues. En Île-de-France par exemple, 4 000 nuits d’hôtels devraient être supprimées d’ici le 31 décembre.
Elles soulignent des « consignes données aux associations (...) de prévoir des fins de prise en charge, de ne plus envisager de nouveaux projets, de prioriser les publics et de ne plus prendre en charge les personnes isolées », des « orientations non conformes au droit et qui vont accentuer les atteintes à la dignité des personnes ».
Des « sas » en région ?
Dans ce contexte de réduction des places, le gouvernement a annoncé en mai sa volonté de créer des « sas régionaux de desserrement », destinés à désengorger les dispositifs d’accueil en Île-de-France.
Un dispositif auquel le CAU ne s’oppose pas sur le principe, mais il soumet son accord à un certain nombre de conditions. Parmi ces dernières : l’information « complète et qualitative » des personnes concernées, leur libre adhésion au départ, ou une continuité de prise en charge après les trois semaines d’accueil en sas. Non seulement ces conditions ne sont « pas réunies », mais le dispositif « peine à montrer son efficacité » dans ses premières applications. Par exemple, « de nombreuses personnes, visiblement mal informées de leur destination à peine descendues des bus, quittent le dispositif voire reviennent en Île-de-France. »
Des enfants sans-abri
Le collectif rappelle aussi la promesse effectuée en 2022 et 2023 par le gouvernement : faire du « Zéro enfant à la rue » sa priorité. Pourtant, 50 000 enfants « restent sans-domicile, à la rue ou en hébergement. » Chaque soir, 1 800 d’entre eux n’obtiennent pas de place d’hébergement d’urgence.
La « déception unanime » du CNR Logement
Autre « immense déception », pour le collectif : les résultats du Conseil National de la Refondation (CNR) dédié au logement. Il devait aboutir à des « mesures fortes de relance du secteur ». Là encore, les associations déplorent des mesures insuffisantes : aucune mesure d’encadrement du marché de l’immobilier ou sur le renforcement du parc HLM, coupes budgétaires dans la production de logement…
Les associations regrettent que « le seul produit qui semble recueillir les faveurs de l’exécutif est le logement locatif intermédiaire (LLI) », une offre qui « n’est pas inutile » mais qui « s’adresse aux classes moyennes supérieures, pour des loyers proches du marché, malgré la demande forte de logement social et très social.
Une annonce satisfait les associations : la possible prise en charge par l’État des travaux de rénovation des passoires thermiques à 90%, dans la limite d’une facture totale de 70 000 €. Encore faut-il qu’elle soit « concrétisée budgétairement ».
Craintes relatives aux expulsions locatives
17 500 expulsions ont eu lieu en 2022, un « triste record historique ». La situation ne devrait pas s'améliorer : les impayés de loyer dans le parc HLM et des charges de copropriété augmentent, en raison de la crise liée à la pandémie puis de l’inflation.
À ce titre, les associations dénoncent la loi dite « anti squat » adoptée le 14 juin dernier. Elle « criminalise de manière inédite les personnes précaires vivant en squat » et « vise à accélérer et augmenter les expulsions ».
Une politique répressive dans les squats et les bidonvilles
Au moins 22 189 personnes vivent dans des habitats précaires informels en France métropolitaine, un chiffre « bien en deçà de la réalité » puisqu’il n’inclut pas les exilés vivant à Calais et dans le Dunkerquois ou la situation dans les Outre-mer.
Au lieu d’organiser une politique de résorption des bidonvilles favorisant l’accès au droit, le gouvernement déploie une « approche sécuritaire » causant des « expulsions en dehors de tout cadre légal et en l’absence de diagnostic social », sans « solutions alternatives de relogement ou d’hébergement ».
Ainsi, « la situation à Mayotte illustre de manière dramatique cette approche répressive de l’habitat précaire. » Dans ce département, le gouvernement a lancé en avril dernier l’opération Wuambushu pour expulser les habitants de bidonvilles. Les tensions créées ont des répercussions sur « tous les aspects de la vie à Mayotte ». Les associations observent une « rupture de la continuité des services publics essentiels », un difficile accès au soin et le déploiement de « solutions alternatives (...) très loin être suffisantes. »
La rédaction