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Par Carenews INFO - Publié le 1 février 2024 - 12:00 - Mise à jour le 1 février 2024 - 12:00 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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« La bombe sociale du logement a explosé », alerte la Fondation Abbé Pierre

Dans son 29e rapport annuel sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé Pierre dresse un constat alarmant. L’étude consacrée à l'année 2023 dépeint « une année noire pour les mal-logés » et dénonce un manque de réponse adaptée des politiques publiques.

330 000 personnes étaient sans domicile en France en 2023, contre 143 000 en 2012, selon la Fondation Abbé Pierre. Crédit : iStock.
330 000 personnes étaient sans domicile en France en 2023, contre 143 000 en 2012, selon la Fondation Abbé Pierre. Crédit : iStock.

 

« Un mouvement HLM à la diète », « un effondrement comme rarement connu », « une année alarmante »… : Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, ne mâche pas ses mots pour décrire la situation politique face au mal-logement en France dont fait état le 29e rapport annuel de la fondation, publié le 1er février 2024.

Alors que la France compte 4 millions de mal-logés et 2,6 millions de personnes en attente d’un logement social selon le rapport, « l’effort public consacré au logement n’a jamais été aussi faible », dénonce le délégué général de la fondation qui lutte pour l’accès au logement des personnes défavorisées. 

 

Le CNR du logement, « une occasion ratée » 

 

L’année 2023 avait pourtant été marquée par le Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement, lancé par le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, Christophe Béchu, en novembre 2022. La Fondation Abbé Pierre y avait pris part aux côtés de 200 autres acteurs. Mais les propositions, remises au printemps 2023, n’ont pas abouti à la réponse espérée par la fondation. 

« C’est une occasion ratée que l’on risque de payer cher », estime Christophe Robert, regrettant que le gouvernement ait choisi de privilégier la rigueur budgétaire. 

En 2023, 330 000 personnes étaient sans domicile en France, estime le rapport, contre 143 000 en 2012. En octobre dernier, plus de 8 351 personnes étaient en demande non pourvue au 115 chaque soir, dont plus de 2 822 mineurs. « Sachant que la moitié des ménages n’appellent plus le 115 car il y a eu trop de refus », souligne Christophe Robert.

Début janvier, le gouvernement a annoncé l’engagement de 120 millions d’euros supplémentaires pour renforcer le système d’hébergement d’urgence. Mais en l’absence de ministre du Logement, les responsables de la Fondation Abbé Pierre estiment difficile d’anticiper la mise en place de ce financement.

 

Un désengagement critiqué du gouvernement sur le logement social

 

En 2022, 2,4 millions de personnes étaient en attente d’un logement social et 93 000 ménages prioritaires Dalo (droit au logement opposable) étaient en attente d’un relogement, met également en avant le rapport. Les chiffres montrent une augmentation préoccupante du mal-logement au fil des années, corrélée à une crise générale de l’immobilier. 

« Progressivement, tous les acteurs de la chaîne du logement se trouvent confrontés à une baisse de leur activité indexée sur le ralentissement de la construction et des ventes (...) Cette crise prévisible plonge les plus vulnérables dans une situation encore plus difficile qu’il y a un an », note la Fondation Abbé Pierre.

Or, la réponse étatique tend plutôt à une diminution de l’aide publique au logement. Ainsi, en 2023, seuls 93 000 logements sociaux ont été produits, contre 125 000 en 2016. « À moyen et long terme, la Caisse des dépôts et consignations prévoit la production d’environ 55 000 logements sociaux par an, alors qu’il en faudrait 135 000 », alerte Christophe Robert. 

La Fondation Abbé Pierre met également le doigt sur la réduction des aides au logement. « La suppression de l’aide personnalisée au logement (APL) d’accession à la propriété impacte l’habitat indigne », déplore son délégué général. « La réduction de loyer de solidarité est aussi un manque à gagner pour les HLM », ajoute-t-il.

En tout, ce sont 4 milliards d’euros en moins qui pèsent sur les bailleurs sociaux du fait de réduction budgétaire, estime la fondation. « Les organismes HLM sont affectés depuis 2018 mais l’accumulation de décisions néfastes touche aujourd’hui leur capacité à répondre à leur mission sociale », juge le rapport.

 


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La nécessité d’équiper les communes contre les marchands de sommeil

 

La situation ne sera pas modifiée par le projet de loi « contre l’habitat dégradé », voté en première lecture par les députés le 24 janvier. Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, considère que de toute façon la réponse à apporter au problème des logements potentiellement insalubres « n’est pas législative ». Comme il le souligne, « ce qui manque vraiment, ce sont des acteurs sur le terrain capables d’assurer l'ingénierie des habitats ». La Fondation Abbé Pierre appuie sur la nécessité de déployer des moyens à destination des collectivités, en première ligne de la lutte contre l’habitat indigne. 

« Il y a seulement 14 000 arrêtés d’insalubrité en vigueur », rapporte Manuel Domergue. Un chiffre très bas qui, pour la fondation, s’explique avant tout par la difficulté pour les communes de se saisir du problème de l’habitat indigne. « C’est une matière technique et les communes ont peur du contentieux ou de perdre des électeurs. L’épée de Damoclès ne pèse pas vraiment sur les bailleurs », estime-t-il. Même quand les habitants de logements dégradés arrivent à porter plainte, les délais avant la tenue des procès s’étalent sur plusieurs mois. « Il y a de vraies zones blanches de la lutte contre l’habitat indigne. Cela participe de l’invisibilité », dénonce le directeur des études de la fondation. 

Pour améliorer la situation, la Fondation Abbé Pierre appuie sur la nécessité de financer les associations qui aident les habitants à faire valoir leurs droits contre les marchands de sommeil. Elle cite également l’exemple de quelques communes engagées sur le sujet, comme Aubervilliers ou Saint-Denis.

 

Seule politique plébiscitée, l’aide à la rénovation

 

L’encadrement des prix du foncier et des loyers, la «loi anti-squat » ou encore la question des locations touristiques : les sujets de préoccupation évoqués par la Fondation Abbé Pierre sont encore nombreux. 

Seules les aides à la rénovation énergétique et la création de la « prime logement décent » accordés par le gouvernement via l’Agence nationale de l’habitat (Anah) font figures d’exception dans les politiques publiques et contribuent à lutter contre le mal-logement, estime Christophe Robert. Or, pour la Fondation Abbé Pierre, il y a urgence à ce que l’État agisse. « Gouverner c’est d’abord loger son peuple », plaide le délégué général de la fondation en ce sens, reprenant les mots de leur fondateur.

 

Elisabeth Crépin-Leblond 

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