Pour les JOP, Le Pavé a construit 11 000 sièges en plastique recyclé
Implanté en Seine-Saint-Denis, Le Pavé a construit 11 000 sièges et 68 podiums à partir de déchets plastiques recyclés, pour les ouvrages des Jeux olympiques et paralympiques. Un marché d’envergure qui a fait entrer la jeune entreprise dans une nouvelle dimension. Reportage.
Dans l’usine d’Aubervilliers, de grands silos peints en rose mélangent les granulats et les copeaux de plastique entre eux. La substance, constituée d’ancien déchets collectés, triés et broyés, est ensuite ramollie dans un moule et compressée pour former des plaques destinées à du mobilier ou à de l’aménagement d’intérieur.
Ces plaques tachetées, proposées dans deux dimensions différentes, sont la spécialité du Pavé, une jeune entreprise lancée en 2018 par Marius Hamelot à la sortie de l’école d’architecture de Versailles, accompagné de son ami d’enfance Jim Pasquet.
Au cœur de la production, un procédé de réemploi du plastique issus des déchets, désormais breveté, et duquel résulte le matériau commercialisé par Le Pavé sous le nom de « soft surface ».
Des plaques en plastique 100 % recyclé
Pour la réaliser, l’entreprise utilise au choix deux types de plastique en prenant soin de ne pas les mélanger pour que les plaques de construction soient elles-mêmes recyclables.
Il s’agit soit de plastique labellisé PS, provenant d’emballages de consommation courante fabriqués avec du polystyrène comme des boîtes de yaourt ou des portes de réfrigérateurs, soit de plastique dit PEHD pour polyéthylène haute densité, utilisé notamment dans la fabrication de bouteilles, de bouchons ou d’emballages de produits cosmétiques et qui permet de produire une matière plus souple.
« La démarche du Pavé s’inscrit comme une réponse à un double problème. Celui d’une industrie du bâtiment très polluante couplé à la raréfaction des ressources disponible », met en avant Sarah Fouque, directrice de la communication de l’entreprise.
« La démarche du Pavé s’inscrit comme une réponse à un double problème. Celui d’une industrie du bâtiment très polluante couplé à la raréfaction des ressources disponible », Sarah Fouque, directrice de la communication de l’entreprise.
Pour se fournir, Le Pavé achète ses déchets auprès d’une trentaine de recycleurs, auxquels l’entreprise indique la qualité du plastique et la couleur souhaitées. Ces derniers réduisent alors certains déchets en des granulats de couleur blanche, grise ou noire qui servent à former la base des plaques, à laquelle l’entreprise ajoute ce qu’elle appelle les « épices », c’est à dire des copeaux de déchets de différentes couleurs.
À l’arrivée du processus de thermoformage puis de rabotage et de ponçage, les plaques constituées de plastique 100 % recyclé sont plus ou moins colorée, de différentes épaisseurs, et ressemblent selon les gammes à une forme de terrazzo ou à une imitation de marbre. Toujours, avec ces tâches de couleur caractéristique.
La philosophie : revaloriser le déchet
« Nous voulions que le déchet soit visible », justifie Sarah Fouque. L’entreprise, qui travaille avec précaution l’esthétisme de ces plaques, affirme vouloir redorer l’image des déchets plastiques en montrant qu’ils constituent une ressource non négligeable.
Vendue ensuite à des professionnels, la soft surface « présente des performances techniques similaires aux autres matières vendues sur le marché », assure la directrice de la communication qui la compare en termes de propriétés à du Corian, un matériau composite réalisé à partir de matières minérales et de résine acrylique.
Hydrofuge, le matériau du Pavé se travaille avec des outils classiques et peut être utilisée pour du mobilier, des cuisines ou des salles de bain. Son prix est situé « en milieu de gamme », explique la responsable de la communication, soit moins cher que le Corian et plus cher que du bois d’entrée de gamme.
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Les JOP, un accélérateur de croissance pour le Pavé
Pour la préparation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), la soft surface a servi à la construction des 8 000 sièges de l’Arena située Porte de la chapelle et de 3 000 sièges du Centre aquatique olympique. Ces derniers ont été notamment réalisés à partir de déchets cosmétiques et de bouchons, collectés en partenariat avec l’entreprise Lemon Tri et l’association Terravox, qui aide les communautés à transformer leurs déchets en ressources et diffuse des démarches zéro déchet.
68 podiums, réalisés à partir de 40 tonnes de plastique recyclé, ont également été fournis par Le Pavé pour l’évènement. En tout, 100 tonnes de déchets franciliens ont été utilisés par l’entreprise dans la construction des ouvrages olympiques.
La commande a fait changer d’échelle l’entreprise, sollicitée en 2019 par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo) alors qu’elle n’était encore « qu’une toute petite structure », explique Sarah Fouque. Entre hausse de la visibilité et facilitation des financements, le marché de la Solidéo « a donné des ambitions à l’entreprise et lui a offert une visibilité à cinq ans », ajoute-t-elle.
Aujourd’hui l’entreprise compte 35 salariés dont 3 personnes en parcours d'insertion. Elle a également ouvert une deuxième usine en Bourgogne, qui fonctionne avec une ligne automatisée et emploie trois personnes. « Ici, nous avons une capacité de recyclage de 400 tonnes par an. En Bourgogne, nous prévoyons de recycler 1000 tonnes par an », explique Sarah Fouque.
Le Pavé espère ouvrir par la suite d’autres usines, notamment dans l’ouest et l’est de la France « pour être au plus près de déchets » et ambitionne de développer de nouveaux matériaux afin de valoriser d’autres déchets ou d’autres matières premières.
Pour l'instant, le principal obstacle de son modèle réside néanmoins dans la fluctuation de sa matière première, le déchet plastique. La variation des stocks impose en effet à l'entreprise de s’adapter en permanence et de réaliser des tests en continu dans son laboratoire.
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Elisabeth Crépin-Leblond