Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 6 mai 2024 - 14:00 - Mise à jour le 6 mai 2024 - 18:12 - Ecrit par : Célia Szymczak
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Ramassages de déchets dans la nature : une goutte d’eau dans l’océan ?

Si les ramassages à eux seuls ne peuvent pas résoudre le problème de la pollution plastique, ils peuvent avoir une utilité en termes de sensibilisation et apporter une meilleure connaissance des déchets.

Le ramassage de déchets s'effectue souvent sur les plages. Crédits : iStock.
Le ramassage de déchets s'effectue souvent sur les plages. Crédits : iStock.

 

Vous avez peut-être déjà participé à une collecte de déchets sur les plages, lors d’un de vos jours de congé, en voulant faire une bonne action pour éviter qu’ils se retrouvent dans les mers et océans ? Nombre d’associations organisent ce type d’événements, mobilisant des bénévoles pour nettoyer les plages. Mais est-il vraiment utile de ramasser les détritus qui trainent ici et là, alors que 11 millions de tonnes de plastiques sont déversées chaque année dans les océans à l’échelle mondiale ? 

« L’objectif, c'est de sensibiliser les citoyens, pour qu’ils aient un déclic et changent leur comportement afin que cela conduise ensuite à un changement de comportement au niveau des entreprises », explique Camille Fraysse, cheffe de projet initiatives océanes pour l’ONG Surfrider. Les initiatives océanes sont des collectes de déchets organisées par des bénévoles que Surfrider accompagne. 2 400 collectes sont organisées en Europe chaque année dans ce cadre. 

 

Poursuivre son engagement au-delà du ramassage 

Marine Bonavita, chargée de projet pour l’association Zero Waste France, partage ce point de vue. « Ramasser des déchets est une action citoyenne qui participe à la sensibilisation à la surconsommation et à la problématique des déchets, estime-t-elle. Le problème, c’est que généralement, lorsqu’il y a ramassage, il n’y a pas de message derrière. Il faut prôner la réduction à la source »

Le problème de la pollution est trop important pour que des ramassages citoyens constituent à eux seuls une solution. « Sur le très court terme, il y a une évolution, mais en attendant un peu de temps, les déchets vont revenir », continue Marine Bonavita. « Nous ramassons huit tonnes de déchets par an, et c’est toujours assez hallucinant, ils se trouvent toujours aux mêmes endroits », confirme Eric Akopian, fondateur de l’association Clean my calanques, qui organise une vingtaine de collectes chaque année. « Il ne sert à rien de ramasser sans sensibiliser », abonde-t-il. L’association organise des sessions de sensibilisation à la question écologique dans les écoles.

Selon Camille Fraysse, de Surfrider, les collectes de déchets peuvent être un premier acte d’engagement citoyen. La collecte permet de prendre conscience du problème, chacun peut ensuite poursuivre son engagement pour la protection de l’océan, soit avec d’autres projets que les initiatives océanes, soit au sein d’autres associations.

 

Sciences participatives

Et outre la sensibilisation, les collectes citoyennes peuvent présenter un intérêt scientifique. Une « collecte de déchets » est différente d’un « ramassage » : la première donne lieu à une quantification des principaux types de déchets. Cette connaissance peut avoir un intérêt très concret. Ainsi, une directive européenne sur les plastiques à usage unique, adoptée en 2019 et conduisant notamment à l’interdiction à la vente de pailles, cotons-tiges et couverts en plastique, s’est appuyée sur des données issues de collectes. 

Les initiatives océanes sont des collectes. Surfrider incite les participants à consacrer 45 minutes à une heure au ramassage, puis une durée équivalente au tri et à la comptabilisation. Cela permet de remplir une base de données scientifiques, afin d’appuyer le plaidoyer de l’association. « Les citoyens ont un vrai pouvoir de sciences participatives, souligne Camille Fraysse.  L’idée, c’est de compter les déchets pour aller voir le lobby du plastique et cesser la pollution à la source »

 

Financements  « verts »

Des travaux « très chronophages » pour des bénévoles, aux yeux de Marine Bonavita, de Zero Waste France.  « Il y a des enfants qui font leur activité de classe avec le ramassage des déchets, alors qu’ils pourraient se promener dans la nature et ont certainement d’autres choses à découvrir ! », regrette-t-elle. À ses yeux, l’incivisme ne peut pas expliquer seul la quantité de déchets retrouvée dans la nature. Elle pointe la responsabilité des industriels. « Ce n’est pas aux citoyens de gérer les déchets, ce sont aux metteurs en marché et aux producteurs d’arrêter de nous inonder de produits dont on ne sait pas quoi faire. Cela donne un mauvais message et l’idée aux citoyens qu’ils font leur part », affirme-t-elle.

Les associations interrogées sont attentives à leur financement. « Nous faisons très attention à ne pas entrer dans une logique de greenwashing et à vérifier que les entreprises mécènes soient dans une logique de protection de l’environnement », garantit Benoît de Torcy, le directeur général de TheSeaCleaners en Suisse. L’ONG organise 200 ramassages de déchets citoyens par an. Elle a mis en place une « charte mécènes » et dit refuser de travailler avec les entreprises qui produisent du pétrole et l’industrie du tabac, « mais à partir du moment où elles souhaitent vraiment améliorer la situation, qu’elles produisent du plastique ou non, nous pouvons commencer à discuter avec elles », précise Benoît de Torcy. 

Surfrider a mis en place une « charte éthique », et ne noue des partenariats qu’avec des entreprises dont la démarche environnementale est jugée authentique et ambitieuse. « Nous essayons de trouver des financements verts et de rester le plus propre possible », assure quant à lui Eric Akopian. Clean my calanques fonctionne donc essentiellement à partir de dons, de fonds issus d’appels à projet et de subventions publiques. L’association a récemment annoncé refuser de porter la flamme olympique. Elle se considère en désaccord avec les sponsors et déplore des engagements insuffisants des Jeux olympiques et paralympiques sur ce sujet. 

 

Réduction et solution temporaire

The SeaCleaners, pour sa part, remplit trois missions : des collectes citoyennes et des actions de sensibilisation, mais aussi des collectes par bateau dans les rivières et les fleuves, avant qu’ils atteignent les mers et océans. Un bateau récolte actuellement des déchets en Indonésie. Il a fallu trois ans à l’association pour le développer, en partenariat avec Efinor sea cleaner, une entreprise de production de navires de dépollution. Un autre est sur le point de commencer sa mission en Malaisie. Un troisième, plus grand, est en construction. 

Ils avancent doucement, donc leur moteur thermique ne fonctionne « quasiment pas », selon Benoît de Torcy. Une manière à ses yeux de limiter l’impact carbone et de ne pas porter atteinte à la biodiversité puisque « ne serait-ce qu’avec les vibrations, tout ce qui est animal fuit. De plus, les déchets sont triés sur le bateau, nous pouvons rejeter directement la faune et la flore », explique-t-il. 

Ces bateaux récoltent environ deux tonnes de déchets par jour. C’est peu, compte tenu de l’ampleur de la pollution. « Mais si nous avions 300, 400 ou 500 bateaux ? Ce ne serait plus une goutte d’eau. Nous avons besoin que les entreprises et les États s’engagent », affirme Benoît de Torcy. « Nous nous mobilisons pour une réduction de la pollution plastique, mais aujourd’hui, il y a un état de fait et il faut traiter le problème », assure-t-il. 

 

Une « partie infime » des déchets est ramassable 

Une solution aux résultats « limités », selon Marine Bonavita, qui pointe des « coûts exorbitants ». Et dans tous les cas, il n’existe pas de solutions pour ramasser les microplastiques sans porter atteinte à la biodiversité. Ces particules de moins de cinq millimètres peuvent être toxiques pour la biodiversité et pour la santé humaine. 

 « Aujourd’hui, on parle du septième continent de plastique, mais le septième continent c’est du microplastique. La bombe à retardement, c’est le nanoplastique qui est partout, notamment dans nos mers et nos océans, et contre lequel on ne peut rien faire », déplore Marine Bonavita. En tout, entre 1 % et 15 % du plastique reste en surface des eaux et est ramassable, selon les études que la chargée de projet de Zero Waste France a consultées. « C’est donc la partie la plus infime de la pollution plastique », souligne-t-elle. 

Un traité visant à mettre fin aux pollutions plastiques est discuté à l’échelle mondiale depuis novembre 2022. Les négociations doivent s’achever à la fin de l’année. La coalition Break free from plastic, qui regroupe plus de 3 000 organisations à travers le monde et dont font partie Surfrider et Zero Waste France, milite pour que ce traité comprenne des mesures visant à réduire drastiquement la production de plastique.

 

Célia Szymczak 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer