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Par Carenews INFO - Publié le 24 avril 2024 - 15:32 - Mise à jour le 25 avril 2024 - 12:31 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Zéro Waste France alerte sur l’inefficacité du principe pollueur/payeur pour réduire les déchets

Le principe du pollueur-payeur ne permet pas de lutter efficacement contre la production de déchets, alerte Zero Waste France dans un rapport publié le 11 avril. L’association dénonce « une faille intrinsèque au système REP », qui laisse aux entreprises productrices de déchets le soin de décider de leur gestion en fonction de leurs intérêts.

Les emballages ménagers, les textiles, les équipements électriques et électroniques, et les éléments d’ameublement génèrent plus de 60% du volume de déchets gérés via la Rep en France. Crédits : iStock
Les emballages ménagers, les textiles, les équipements électriques et électroniques, et les éléments d’ameublement génèrent plus de 60% du volume de déchets gérés via la Rep en France. Crédits : iStock

 

Dans un rapport publié le 11 avril, l’association Zero Waste France critique le principe du pollueur-payeur mis en place sous la forme du système de responsabilité élargie du producteur (REP) et des éco-organismes. 

Son application ne conduit pas à la réduction des déchets produits en France, analyse le rapport. Au contraire, « plusieurs filières présentent une tendance inquiétante à la hausse des mises en marché et un développement insatisfaisant du réemploi. En outre, la part de déchets incinérés ou mis en décharge peine à diminuer », déplore Zero Waste France.

 

Le principe du « pollueur-payeur », de quoi parle-t-on ?

Dans son rapport, l'association a analysé l’impact de l’outil REP par rapport aux objectifs de réduction des déchets fixés par la loi. 

Les filières REP, pour « responsabilité élargie du producteur », ont été mises en place en France à partir du décret du 1er avril 1992. Elles fonctionnent selon le principe suivant : celui qui fabrique, qui distribue un produit ou qui importe un produit doit prendre en charge sa fin de vie

Au sein de 25 familles de produits créées par l’État, producteurs et distributeurs se regroupent pour former des sociétés de droit privé appelés éco-organismes. Agréés par l'État pour 6 ans maximum, les éco-organismes prennent en charge la fin de vie des équipements mis par ces membres sur le marché. Leurs cahiers des charges fixent des objectifs de collecte et de recyclage dont le contrôle incombe à l’État.

Le principe avancé derrière la mise en place de ce système est celui du pollueur-payeur, résumé par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en ces termes : « plus un produit est polluant, plus les coûts pour sa fin de vie sont importants pour le producteur ». 

Dans la théorie, les filières REP devraient donc inciter les entreprises à produire moins de déchets et des déchets moins polluants. 

 

Textile, emballages ménagers, équipements électriques et électroniques, meubles : les mauvais élèves de la REP

Mais le rapport de Zero Waste dresse une réalité différente des objectifs annoncés.

Pour analyser l’impact de la REP, Zero Waste France, qui prend part aux instances consultatives de suivi des filières, a pris en compte trois indices : la quantité de déchets mise sur le marché, les parts de réemploi/et ou de réutilisation de ces déchets et la part des déchets éliminés.

 « L’analyse laisse apparaître un impact limité des filières REP », conclut le rapport qui constate à la fois une tendance à la hausse des mises en marché de déchets, un développement faible du réemploi et une diminution faible des déchets incinérés ou mis en décharge.

Citant l’Ademe, l’association pointe le fait que, malgré un objectif de réduction de 15 % des quantités de déchets ménagers et assimilés d’ici à 2030 par rapport à 2010 fixé par la loi Agec de 2020, ces derniers ont connu une hausse de 5 % entre 2019 et 2021, passant de 580 à 611 kg par habitant.

Quatre secteurs en particulier sont pointés par Zéro Waste France : les emballages ménagers, les textiles, les équipements électriques et électroniques, et les éléments d’ameublement

« Ces quatre filières représentent plus de 60 % du volume des déchets gérés via la REP en France », rapporte l’association qui observe dans toutes ces filières une « tendance de fond à la hausse des quantités de produits commercialisés ». 

En 2022, les quantités d’unité mises sur le marché avaient augmenté de 16 % depuis 2017 pour les textiles, de 88 % pour les meubles, de 60 % pour les équipements électriques et électroniques et de 11 % pour les emballages, constate Zéro Waste France. 

De l’autre côté, le réemploi connaît une évolution faible. Dans le secteur des équipements électriques et électroniques, les équipements collectés et réemployés via les éco-organismes ne représentent même pas 1 % du total des produits commercialisés, note par exemple le rapport. La mise en place de la consigne pour réduire les déchets ménagers est quant à elle encore marginale.


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Du pollueur-payeur au « pollueur décideur »

Pour Zéro Waste France, ce constat s’explique par une utilisation insuffisante des mécanismes mis à disposition des filières afin de les inciter à allonger la durée de vie de leurs produits ou à recourir à des matériaux recyclables. 

« La part des produits éco-modulés est extrêmement limitée, là où les budgets pourvus au réemploi et à la réparation - pourtant limités - ne sont pas dépensés », met notamment en avant l’association.

L’éco-modulation est un dispositif introduit en 2018 par l’Union européenne, qui fait varier le prix de la redevance REP en fonction du caractère facilement recyclable des emballages utilisés. En France, il a été généralisé sous forme de bonus-malus par la loi Agec de 2020, qui a étendu le champ d’application du principe du pollueur-payeur.

Cette dernière a également créé des mesures visant à favoriser l’éco-conception, c’est-à-dire la prise en compte de l’environnement dès la conception des produits et a instauré des fonds réemploi et réparation sur certaines filières, afin de flécher davantage les financements des éco-organismes.

Pourtant, pour Zero Waste France, ces mécanismes incitatifs à la réduction des déchets sont peu utilisés en raison d’une « une faille intrinsèque au système REP »

« S’il est incontestable que l’on manque de données permettant de mesurer l’impact des nouvelles mesures, une chose est certaine : la production de déchets continue toujours de progresser », note l’association dans son rapport.

Les entreprises qui mettent sur le marché les déchets disposent d’une grande marge de manœuvre pour décider ou non de l’application des mécanismes visant à les réduire, explique Zero Waste France.

« Dans le cas du réemploi, comme les industriels n’ont aucun intérêt à encourager un modèle qui viendrait concurrencer leurs produits neufs, et comme la loi ne fixe aucune trajectoire ambitieuse, ils font le strict minimum. Dès lors, il ne faut pas s’étonner du développement poussif de cette filière », estime ainsi Charlotte Soulary, responsable du plaidoyer de l’association. 

« Au lieu du principe pollueur-payeur, nous sommes dans une situation de pollueur-décideur », dénonce-t-elle.


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Les demandes de Zero Waste : plus d’incitation et de contrôle des entreprises

Face à ce constat, Zero Waste France appelle à une réforme du système REP.

L’association demande à ce que soit fixé des objectifs de réduction des déchets en conformité avec l’Accord de Paris sur le climat, à ce que des éco-modulations plus incitatives soient mises en place, que des mécanismes de soutien réel aux alternatives aux produits neufs soient définis et qu’un meilleur contrôle des objectifs incombant aux metteurs en marché et aux éco-organismes soit assuré.

Au-delà du système de la REP, l’association appelle à fixer par la loi des trajectoires de prévention des déchets et de réductions des mises en marché. Des mesures fiscales pour intégrer les coûts environnementaux dans le prix des produits polluants et à usage unique, ainsi que l’interdiction des matières non-recyclables et/ou nocives pour la santé sont également demandées.

En décembre 2023, un Observatoire du principe pollueur-payeur a également été créé par l’ancienne directrice de l’association Flore Berlingen pour « suivre, analyser et décrypter ces mécanismes ».

 

Élisabeth Crépin-Leblond

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