Traité sur la pollution plastique : la réduction de la production au cœur des demandes des ONG
La cinquième session de négociations sur le traité mondial contre la pollution plastique, censée être la dernière, réunira les États à Busan (Corée du Sud) du 25 novembre au 1er décembre. No plastic in my sea, Surfrider Foundation, Zero waste France d’un côté et la Fondation Tara Océan de l’autre ont présenté leurs attentes sur le contenu du traité.
Cinquième et dernier rendez-vous ? Depuis la fin 2022, 175 États se sont réunis à quatre reprises pour négocier un traité mondial contre la pollution plastique, sous l’égide de l’Organisation des Nations-unies (ONU). Ils se réuniront une fois de plus à Busan (Corée du Sud), du 25 novembre au 1er décembre, avec pour objectif d’aboutir au texte final.
Les avancées sont pour l’instant peu concluantes. « Cette nouvelle, et a priori dernière, session de négociations intervient après quatre sessions marquées par des divergences fortes et par la mauvaise foi de certains acteurs », commente Muriel Papin, déléguée générale de No plastic in my sea.
Une coalition dite « de la haute ambition » rassemble une soixantaine de pays dont la France, la Norvège et le Rwanda. Elle s’oppose à un groupe informel, composé entre autres de l’Iran, de la Russie ou de l’Arabie Saoudite. Les premiers États défendent des objectifs de réduction de la production et de la consommation, les seconds sont accusés par les ONG de bloquer les négociations pour amoindrir la portée du traité.
40 % de réduction d’ici à 2040
Celui-ci doit couvrir « l’ensemble du cycle de vie des plastiques », peut-on lire dans la résolution de l’ONU prévoyant sa création. Pour la Fondation Tara Océan comme pour No plastic in my sea, Surfrider Foundation et Zero Waste France l’objectif principal du traité doit être la réduction de la production de plastique. Les trois ONG appellent dans un dossier de presse commun à des « objectifs significatifs et juridiquement contraignants » élaborés à l’échelle mondiale puis déclinés au niveau national.
Des objectifs, mais lesquels ? « Nous comptons sur la France pour (...) défendre une réduction de la production plastique alignée sur l’Accord de Paris, de 75 % d’ici 2050 », demande Muriel Papin de No plastic in my sea. Le Pérou et le Rwanda ont proposé au cours de la précédente session de négociations une cible de réduction de 40 % de la production de plastique vierge entre 2025 et 2040 : ce chiffre « devrait être la base minimale des négociations », estime Henri Bourgeois-Costa, le directeur des affaires publiques de la Fondation Tara Océan.
La fondation propose de mettre en œuvre un marché de quotas mondiaux de production pour les monomères, les molécules à la base de la création des plastiques.
Une « épée de Damoclès sur la santé globale »
Si les ONG insistent sur cet objectif de réduction de la production, c’est parce que les plastiques, quasi intégralement issus d’énergies fossiles, contribuent au changement climatique à hauteur de 3,4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Ce chiffre devrait croître significativement dans les prochaines années, jusqu’à 19 % des émissions globales en 2040.
Ils font également peser des risques majeurs sur la santé humaine et les écosystèmes. Plus 16 000 produits chimiques présents dans les plastiques ont été identifiés, on en connaît 5 600. 4 200 sont considérées comme hautement toxiques pour le vivant et 77 % de ces composants ne sont pas réglementés, selon Zero Waste France. La production de plastique fait peser une « épée de Damoclès sur la santé globale, alerte Henri Bourgeois-Costa. Il n’y a pas d’autre échappatoire que celle de la réduction de la production ».
Des plastiques et additifs à éliminer prioritairement
Pour réduire les toxiques, la fondation demande la mise en place de « registres publics obligatoires préalables aux mises en marché ». Aujourd’hui, il n'y a « pas de transparence » sur les volumes, les débouchés ou les formulations des plastiques produits, déplore Henri Bourgeois-Costa.
Il faut « prévoir l’élimination des monomères et des additifs chimiques les plus problématiques », ajoutent No plastic in my sea, Surfrider Foundation et Zero Waste France. « Les négociateurs doivent (...) se donner comme objectif de réduire drastiquement le nombre d’additifs chimiques », continuent-elles.
Des limites au recyclage
La Fondation Tara Océan appelle par ailleurs à adopter des approches d'éco-conception combinées à des réglementations, par exemple en allongeant les garanties des objets pour prolonger leur durée d’utilisation. Les ONG indiquent que le traité doit soutenir le développement des systèmes de réemploi, de recharge et de vrac.
Il doit aussi respecter « le principe de la hiérarchie des modes de traitement des déchets, en priorisant la prévention, le réemploi et la réparation », soulignent-elles. En effet, le taux de recyclage des plastiques s’établit aujourd’hui à 9 % et devrait atteindre 17 % seulement en 2060 selon l’OCDE.
« Il n’est pas à l’échelle pour être la solution unique à la problématique des plastiques », explique Henri Bourgeois-Costa. Il doit par ailleurs intégrer une évaluation des bénéfices et des risques environnementaux, précise le directeur des affaires publiques de la Fondation Tara Océan.
Des crédits plastique ?
Quant aux sujets de responsabilité élargie des producteurs (REP), principe selon lequel les metteurs sur le marché sont responsables de la fin de vie des déchets, ou de crédits plastique, ils peuvent être intéressants mais ne doivent pas être « prépondérants dans le cadre du traité », selon Henri Bourgeois-Costa. Il considère qu’il faut se concentrer sur l’amont, c’est-à-dire la production. « Si on n'a pas la partie amont, le reste ne tient plus », résume-t-il.
Mais si un principe de responsabilité élargie des producteurs était mis en œuvre, il faudrait le faire avec une « meilleure efficacité que ce que l’expérience française a montré », préviennent les ONG, critiques sur les résultats de sa mise en œuvre.
Il faudrait explorer « les conditions d’un développement pertinent du concept de crédits plastique », selon la Fondation Tara Océan. Ceux-ci constituent en revanche une « fausse solution » pour les ONG : « au mieux, ils visent à équilibrer les déchets plastiques générés par les acheteurs de crédits, permettant à la pollution de perdurer dans un pays tant qu’elle est compensée par des réductions ailleurs ».
Enfin, « les obligations contraignantes doivent s’accompagner d’engagements clairs à fournir un financement multilatéral (...) pour soutenir la mise en œuvre, assurer une transition équitable et financer des systèmes de réemploi », estiment les ONG.
Célia Szymczak