Générosité du public : la Cour des comptes rend un premier rapport détaillé
La Cour des comptes a rendu son premier rapport sur le contrôle des organismes ayant recours à la générosité publique ou bénéficiant de dons ouvrant droit à un avantage fiscal. La juridiction souligne « des efforts de professionnalisation du secteur », mais alerte sur le peu d’effets des rares déclarations de non-conformité.
Est-ce que les dons du public servent bien la cause pour laquelle ils ont été versés ? C’est ce qu’analyse le rapport de la Cour des comptes publié le 18 mars intitulé « Le contrôle de la générosité publique au service d’une plus grande transparence ».
Il s’agit du premier rapport sur le sujet publié par la juridiction financière depuis l’ordonnance du 23 mars 2022, qui prévoit la remise tous les deux ans au gouvernement et au Parlement d’un compte rendu des activités de contrôle des organismes faisant appel à la générosité publique ou bénéficiant de dons ouvrant droit à un avantage fiscal, et des suites données aux déclarations de non-conformité.
En effet, depuis 2009, la Cour des comptes contrôle les organismes pour se prononcer sous forme d’avis de conformité ou de déclarations de non-conformité de ces organismes. Elle se fonde notamment sur le compte emplois-ressources (CER) dans lequel ils décrivent à quoi servent les dons collectés, c’est-à-dire soit à financer les actions concrètes pour lesquelles l’organisme recueille des dons (leurs « missions sociales »), soit à financer les frais de fonctionnement et de collecte.
Une seule sanction constatée par la Cour
En quinze ans, la Cour a prononcé 33 avis de conformité, dont 16 avec réserves, et cinq déclarations de non conformité, rapporte-t-elle.
Ces déclarations de non-conformité ont été prononcées contre l'Union nationale des aveugles et déficients visuels (Unadev), la Fondation Assistance aux animaux, la Fondation agir contre l'exclusion (Face), SOS Education et le fonds de dotation Lucie Care.
Sur ces cinq déclarations transmises au ministre du Budget pour qu’il envisage une suspension de l’avantage fiscal, « une seule a été suivie d’effets », rapporte la juridiction qui en conclut que « le régime actuel de sanction n’est pas approprié, car trop peu mobilisé ». La sanction en question, une suspension d’un an de l’avantage fiscal pour les donateurs, a été prononcée en 2023 à l’encontre du fonds de dotation Lucie Care, qui a ensuite demandé le placement en liquidation judiciaire.
Pour plus d’usage par les pouvoirs publics, le rapport suggère une gradation des sanctions c’est-à-dire la possibilité de réduire plutôt que de supprimer l’avantage fiscal des structures épinglées en ne l’appliquant qu’à une partie des dons.
« Des efforts de professionnalisation du secteur »
Dans son rapport, la Cour alerte également sur certains modes de collecte, comme les cagnottes qui « réalisent parfois une forme d’appel à la générosité du public sans être assujetties aux obligations usuelles en la matière » et donc ne relèvent pas directement des compétences de la Cour.
Elle soulève également la question de la variété des formes juridiques possibles pour les organismes. « Les fonds de dotation, les fondations abritées, et la coexistence au sein d’un même ensemble de plusieurs entités sans respect de leur gouvernance propre soulèvent des questions qui méritent l’attention du législateur », note la juridiction.
Hormis ces points d’attention, la Cour des comptes note un bon usage des fonds collectés et une transparence vis-à-vis des donateurs. Après avoir contrôlé plus de deux tiers des structures qui collectent plus de 10 millions d’euros par an depuis 2009, la juridiction salue « des efforts de professionnalisation du secteur ».
Pour rappel, les dons au profit des associations ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % à 75 % du montant versé en fonction des associations et dans la limite de 20 % du revenu imposable. Une étude des Finances publiques montre qu’en 2021, 3,26 milliards de dons ont été déclarés par des particuliers. Sur les 5,9 milliards de dons déclarés au total à l’administration fiscale, la moitié ont été pris en charge par l’État par le mécanisme de la réduction d’impôts.
Élisabeth Crépin-Leblond