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Par Carenews PRO - Publié le 29 mai 2024 - 10:12 - Mise à jour le 29 mai 2024 - 10:12 - Ecrit par : Camille Dorival
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« L’ESS devrait être exemplaire en matière d’égalité femmes-hommes », entretien avec Fatima Bellaredj

Déléguée générale de la Confédération générale des Scop et Scic (CG Scop), Fatima Bellaredj co-préside la commission Égalité femmes-hommes au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (ESS). Elle estime que le sujet de l’égalité entre les genres devrait être davantage porté au sein de l’ESS.

Fatima Bellaredj co-préside la commission Égalité femmes-hommes au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Crédit : CG Scop.
Fatima Bellaredj co-préside la commission Égalité femmes-hommes au sein du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire. Crédit : CG Scop.

 

  • Vous co-présidez la commission Égalité femmes-hommes du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (ESS). Pouvez-vous nous préciser de quoi il s’agit ?

 

Le Conseil supérieur de l’ESS, ou CSESS, a pour mission principale d’assurer le dialogue entre les acteurs de l’ESS et les pouvoirs publics nationaux, et de soutenir, avec les différentes familles de l’ESS, la dynamique de développement de cette forme d’économie.

Cinq commissions thématiques ont été créées au sein de cette instance : sur la législation autour de l’ESS, sur la stratégie de développement de l’ESS, sur l’Europe, sur la transition écologique et les territoires, et sur l’égalité femmes-hommes. Chacune vise à travailler et à interpeler les pouvoirs publics autour de sa thématique de travail.

 

  • L’élection du nouveau président d’ESS France a eu lieu en avril. Parmi les candidats, on ne trouvait aucune femme. Cela vous a-t-il interpelé et comment l’expliquez-vous ?

 

Effectivement, le comité de nomination du président d’ESS France, dont je faisais d’ailleurs partie, n’a reçue aucune candidature féminine pour ce poste. On ne manquait pourtant pas de profils de femmes pouvant potentiellement assumer cette fonction. Certaines ont d’ailleurs fait savoir qu’elles ne candidateraient pas. Mais on sait, de manière générale, que les femmes candidatent beaucoup moins que les hommes de manière spontanée. À compétences égales, une femme ne se trouvera pas forcément légitime à présenter sa candidature, quand un homme ne se posera pas les mêmes questions. Il faut donc, beaucoup plus, aller chercher les candidatures féminines.

La procédure d’élection du président d’ESS France telle qu’imaginée cette année a été un formidable progrès en termes de processus démocratique. Néanmoins, nous avons encore à progresser sur cette question des candidatures féminines.

 

  • De manière plus générale, quelle est la situation de l’égalité femmes-hommes au sein de l’ESS ?

 

En janvier 2022, notre commission a publié un rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’ESS. Il en ressort que, même si au sein de l’ESS nous faisons plutôt mieux que le reste de l’économie sur ce sujet, nous ne sommes pas encore arrivés à la parité.

Ainsi, les femmes représentent 67 % des salariés de l’ESS, mais seulement 45 % des membres des conseils d’administration (CA) et 37 % des présidences des structures. On passe même à 18 % des présidences pour les structures de plus de 50 salariés. Les écarts de salaires entre les femmes et les hommes sont de 23 % tous temps de travail confondus dans l’ESS, contre 24 % dans le reste de l’économie, et de 16 % en équivalent temps plein (18 % dans le reste de l’économie).

Il nous reste donc des progrès à faire sur bien des plans.

 

  • Comment comptez-vous travailler sur ces sujets au sein de la commission Égalité femmes-hommes du CSESS ?

 

J’ai pris la présidence de cette commission en décembre 2022. Plutôt que de travailler sur un nouveau rapport, nous avons décidé de repartir du rapport de janvier 2022, et de travailler sur l’effectivité de ses préconisations, en nous concentrant sur trois thématiques : la gouvernance des structures, l’attractivité des métiers et l’éducation. 

Nous avons commencé par un travail sur la gouvernance, à travers plusieurs chantiers. Nous avons d’abord contribué à élaborer des formations à la fonction d’administratrice destinées aux femmes, afin de susciter plus de candidatures féminines dans les CA. Nous avons également travaillé sur la notion d’« éga-conditionnalité », c’est-à-dire l’idée de conditionner l’accès à certains marchés à des critères d’égalité entre les genres, en tenant compte d’un certain nombre d’indicateurs.

Nous avons également relevé l’importance des réseaux pour sensibiliser les femmes au sujet et pour les inciter aux candidatures. À ce titre, nous avons organisé en novembre 2023 au Palais de la femme, à Paris, un événement visant à mettre en réseau les femmes pour les inciter à candidater dans les gouvernances de l’ESS.

Enfin, nous avons établi la règle que désormais, au sein du CSESS, toutes les commissions seraient co-présidées par une femme et par un homme. La décision a été adoptée très rapidement au sein de nos instances mais elle exigeait un décret, dont la publication a été ralentie par le changement de gouvernement. Ce décret a fini par être pris, et la décision sera effective dès la prochaine plénière du CSESS. Dans l’attente, je co-préside la commission Égalité femmes-hommes avec Jérôme Saddier. Jusque-là, seule notre commission était présidée par une femme !

Nous avançons donc sur ces sujets, mais sans doute pas assez vite, car le CSESS a très peu de moyens pour fonctionner. Nous y participons tous de manière bénévole, et avec peu de moyens de l’État.

 

  • Comment l’ESS peut-elle progresser davantage sur les questions d’égalité entre les genres ? 

 

Je suis convaincue que, si cela ne se fait pas spontanément, il peut être vertueux de passer par la contrainte. À la CG Scop, nous avons voté, lors de notre congrès de 2022, une parité totale au sein de nos instances nationales. Et ce alors que les femmes ne représentent qu’un tiers des salariés des Scop, en raison de la forte présence de l’industrie et du bâtiment au sein de nos structures. La décision a été votée très largement au congrès. Cette parité devrait être inscrite dans les statuts de toutes les têtes de réseau.

Pour que ce sujet avance vraiment, il faut un portage politique par les instances. Il faut que cela devienne un sujet dont on parle, et sur lesquels les hommes s’impliquent également, alors que ce n’est pas le cas de manière spontanée. L’ESS devrait être exemplaire en matière d’égalité femmes-hommes.

 

Propos recueillis par Camille Dorival 

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