« La responsabilité et la pérennité sont les deux moteurs de notre transformation » : entretien avec Elodie Bernadi (L’Oréal France )
Réduction des émissions de CO2, prise en compte des limites planétaires, transformation du modèle économique... En marge du Salon Produrable qui s’est tenu du 9 au 10 octobre à Paris, Carenews s’est entretenu avec Elodie Bernadi, directrice RSE et développement durable de L’Oréal France, sur les engagements et la stratégie de ce géant de la beauté. Interview.

Entrée chez L’Oréal en 2011, Elodie Bernadi a fait ses armes dans le marketing. Elle est ensuite devenue directrice générale de Garnier et Saint-Gervais Mont-Blanc en 2017. En 2021, elle devient directrice RSE et Développement Durable de L’Oréal France.
- Depuis votre prise de poste en 2021, vous êtes devenue l’une des figures incontournables de la RSE en France. Comment êtes-vous arrivée à travailler dans ce secteur ?
Lorsque j’étais directrice générale de Garnier France entre 2017 et 2021, la société avait dans son humus le fait d’être une marque issue du vivant et des sciences vertes. Mais avec les années, elle l’avait finalement un peu perdu. Alors nous avons complétement repensé la marque sur toute sa chaîne de valeur, du sourcing de matières premières, en passant par les matériaux d’emballage.
Avec ce travail, nous avons alors fait de Garnier le bateau amiral du groupe L’Oréal en matière de beauté durable. J’ai vu comment nous pouvions redonner du sens au consommateur et lui apporter un bon niveau de pédagogie pour qu’il puisse de lui-même, aussi, réduire son impact. Et j’ai adoré ça. Et lorsque l’opportunité s’est présentée de prendre la direction RSE de L’Oréal France, je l’ai saisie car c’était une chance pour moi d’appliquer ce travail à toutes les divisions du groupe.
- Leader de la beauté en France et dans le monde, comment êtes-vous arrivée à concilier les impératifs du business et la nécessaire transformation du modèle afin d’en assurer sa pérennité ?
Je pense qu’il n’y a plus personne à convaincre chez L’Oréal. Tous nos grands patrons et collaborateurs ont compris l’enjeu. Très tôt, nous avons pris conscience de l’absolue nécessité de se transformer afin de garantir la pérennité de l’entreprise. Notre philosophie et la manière d’aborder notre transformation durable reposent sur le principe des limites planétaires, surtout à l’heure de la raréfaction des ressources naturelles.
Par exemple, dans un monde où l’eau se rarifie et sera exclusivement réservée à la consommation humaine et qu’une grande partie de notre portefeuille repose sur des produits rincés, il y a là un véritable enjeu de pérennité à se transformer. La responsabilité et la pérennité sont les deux grands moteurs de notre transformation.
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- D’ailleurs, quel est aujourd’hui l’un des plus gros enjeux RSE du groupe ?
Si je ne devais citer qu’un seul de nos grands engagements, ce serait celui sur nos emballages. Nous nous sommes engagés à réduire de 2 0% notre intensité packaging d’ici à 2030. Pour y arriver, nous sommes en train de créer un marché des recharges. Mais derrière, l’un des plus grands défis est d’embarquer avec nous le consommateur. Or nous savons que changer ses habitudes peut être long, parfois compliqué et la préservation de la planète, bien que nécessaire, n’est pas une condition suffisante pour une grande majorité des consommateurs.
Nous travaillons donc sur les co-bénéfices en expliquant tout d’abord qu’acheter une recharge vous permet d’économiser en moyenne 50 % de matériaux d’emballage, voire jusqu’à 70-80 % avec les éco-recharges souples, mais également de faire des économies car elles sont en moyenne 15 % moins chères. Le distributeur restant seul maître de ses prix.
Si nous prenons l’exemple de la parfumerie, l’un des co-bénéfices sur lequel nous travaillons est de dire à nos clients que nous concevons des flacons tellement beaux, tellement travaillés, voire personnalisés, qu’il est important de le garder le plus longtemps possible. En achetant ainsi une recharge, vous garderez non seulement ce flacon, mais vous ferez des économies et un geste pour la planète.
- La politique RSE des entreprises est régulièrement associée à du greenwashing, comment faites-vous pour vous en prémunir ?
Nous avons des garde-fous en interne très puissants. Il s’agit d’équipes réglementaires et légales qui révisent toutes les communications qui sortent de chez nous. Ils veillent aussi à ce que l’on respecte tout ce que nous y inscrivons.
Par ailleurs, nous formons nos équipes marketing à de nouveaux modèles de communication, à savoir de ne plus être toujours dans le numéro 1 ou le meilleur, mais de prendre le temps d’avoir un discours de transparence et de vérité.
- D’ailleurs, un article publié récemment par Vert média pointait le fait que certains cosmétiques de la marque contenaient des PFAS. Quelle est votre réaction et comment le groupe traite-t-il ce dossier ?
Nous avons acté au sein du groupe la sortie des PFAS de tout notre portefeuille de produits dès 2018, et nous nous sommes engagés à complètement les abandonner avant la fin de l’année. Depuis six ans, nos laboratoires travaillent d’arrache-pied pour trouver des substituts, nous sommes prêts. Nous n’attendons pas qu’une réglementation nous y oblige. Il en va de notre responsabilité.
Propos recueillis par Blandine Garot