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Par Carenews INFO - Publié le 13 avril 2023 - 13:31 - Mise à jour le 18 avril 2023 - 10:56 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Clémence Nutini (Nespresso France) : « Nous sommes peut-être trop discrets sur les actions écologiques menées »

Clémence Nutini est responsable du développement durable chez Nespresso France. Recyclage, menace sur la culture du café, enjeux de communication… découvrez notre long entretien.

Clémence Nutini, directrice du développement durable. Crédit : Nespresso France.
Clémence Nutini, directrice du développement durable. Crédit : Nespresso France.

 

  • Fin 2022, Nespresso a annoncé l’arrivée prochaine sur le marché de dosettes compostables. D'où est venue l’idée ?

 

Nous l’avons toujours dit : nous ne sommes pas des ayatollahs de l’aluminium. À l’origine, nous l’avons choisi, car il est assez extraordinaire pour préserver la qualité du café. Nous l’avons choisi aussi parce que c’est un matériau recyclable.

Cependant, nous nous sommes  toujours dit que si nous trouvions un autre matériau qui permet de garantir cette qualité en tasse, avec des solutions de recyclage, on irait. 

Cela fait des années que nos chercheurs testent des matériaux. Nous en avons trouvé un qui nous permet de garantir cette qualité. Il est fait à base de pulpe de papier et c’est l’aboutissement de trois ans de recherche et développement. 

 

  • À terme, vous souhaitez qu’elles remplacent totalement les capsules en aluminium ?

 

Pas forcément. Notre objectif est de donner le choix aux consommateurs avec des solutions pertinentes du point de vue environnemental. 

La solution Nespresso avec des capsules en aluminium l’est. Elle est moins impactante que le café en grain. On sait que notre solution, par son caractère portionné, est pertinente pour préserver les ressources et avoir un impact environnemental inférieur. 

L’objectif est donc de proposer plusieurs choix, c’est une attente des consommateurs. Ce matériau copostable nous permettait d’avoir cette qualité en tasse, nous avons donc décidé de le tester. Après, cela dépendra de la réponse des consommateurs. Nous espérons une réponse positive, mais ce n’est pas garanti non plus. 

 

  • Il y a une accélération chez vos concurrents des solutions zéro déchet. Cela vous a-t-il poussé à accélérer ?

 

Ces réflexions, nous les avons depuis longtemps. Le marché est dynamique en la matière, tant mieux.

Mais il faut rappeler que le plus impactant est en amont, la production de café, le transport, mais aussi l’utilisation par le consommateur. Cela représente trois quart  de l’empreinte carbone. 

 

  • Vous l’avez dit, une grande partie de l’empreinte carbone vient de l’amont. Votre rôle est-il finalement d’inciter à moins boire de café, à réduire sa consommation ?

 

Pas forcément de réduire. Ce qui est important c’est de faire comprendre l’avantage que représente le portionné, les dosettes. Typiquement pour le café, c’est une solution hyper intéressante, car il n’y a pas de gaspillage. Le pire c’est de faire du café filtre et de jeter la moitié dans l’évier.   

 

  • Comment vous assurez-vous que la production de café profite aux pays producteurs écologiquement et socialement ?

 

Je peux en parler pendant des heures. Ce qui est impressionnant chez Nespresso, c’est cette maîtrise de l’ensemble de la chaîne. Nous nous sourçons sur un café de spécialité.

Très rapidement, Nespresso s’est rendu compte, en observant les projections de la demande et de l’offre, que si rien n’était fait, il y allait avoir un problème d’approvisionnement. C'est la genèse du développement durable chez Nespresso. 

Nous avons travaillé avec l’ONG Rainforest Alliance sur un programme génial qui permet de préserver les écosystèmes, avec le maintien d’une terre de qualité et donc d’un café de qualité. 

Mais si nous ne préservons pas les hommes et les femmes qui travaillent dans ces filières, on arrive au même résultat, c'est-à-dire la fin du business. Nous avons donc ajouté ce volet. Nous avons par exemple énormément de formations avec 500 agronomes sur le terrain. 

Nous avons également le programme Reviving Origins. On a travaillé sur des territoires qui ont perdu leur culture du café pour des raisons politiques ou climatiques, comme en Colombie à cause du conflit avec les FARC. Nous avons à cœur de remettre en place cette culture du café en allant au-delà, en créant des associations locales. 

Enfin, chez Nespresso, on paye plus cher le café, car cela respecte le cahier des charges. L’apport financier est donc supérieur pour les caféiculteurs qui travaillent avec nous. 

 

  • Le réchauffement climatique pourrait causer la diminution par deux de la production de café d’ici 2050. Avez-vous peur que votre activité soit menacée ?

 

Oui. Le café est produit dans les régions intertropicales, très soumises au dérèglement climatique. Il y aura  de plus en plus de phénomènes très violents de sécheresses, de pluies diluviennes qui produisent des glissements de terrain. 

D'où la mise en place du programme évoqué précédemment. Et nous le complétons avec des programmes d’agroforesterie dans certaines régions qui permettent de fixer les sols, d’avoir des fermes plus résilientes. Sur les régions et les fermes qui sont partenaires de Nespresso, il y a ce travail de très long terme qui permet de limiter les effets du changement climatique. 

 

  • Plus que des fermes individuelles, c’est l’ensemble du marché du café qui pourrait être ébranlé.

 

C’est pour cela que la relation de proximité que nous entretenons avec les caféiculteurs est si importante. Ce sourcing jusque la ferme et l’accompagnement de nos 500 agronomes contribuent à rendre les fermes plus résilientes face au changement climatique.

 

 

  • Où en êtes-vous sur le recyclage des capsules en aluminium ? Pourquoi l’ensemble des capsules recyclables n’est pas encore recyclé ?

 

Si vous avez la réponse, je suis preneuse (Rires). L’aluminium est un matériau recyclable et il faut continuer à sensibiliser les consommateurs sur le fait qu’il faut le trier pour qu’il soit recyclé. 

On a continué de développer les points de collecte dans les points de retrait et dans les déchèteries. Mais Nespresso s’est vite rendu compte qu’il fallait rendre le geste de tri plus simple pour le consommateur. Nous travaillons depuis 2008 avec CITEO sur l’intégration des capsules aluminium dans le bac de tri et sur le développement des filières de recyclage. C’est un travail de longue haleine. Mais en un peu plus de dix  ans, plus de 50 % de la population peut mettre ses capsules dans le bac de tri. 

 

  • Avez-vous un chiffre sur la part des dosettes Nespresso finalement recyclées  ?

 

Cela devient compliqué avec ce projet de recyclage des capsules via le bac de tri. À partir du moment où vous mettez vos emballages dans le bac, cela appartient à la collectivité. C’est donc CITEO qui donne les informations sur l’ensemble des petits aluminium. Typiquement, en 2021, c’est 3 250 tonnes qui ont été recyclées. Avant, ils auraient été enfouis ou incinérés. 

Ce qui nous intéresse, c’est d’augmenter la couverture, l'accès à ces solutions. L’objectif c’est qu’en 2025, 75 % des Français puissent avoir cette solution à domicile. 

 

  • Où en êtes-vous de vos réductions d’émissions de CO2 ?

 

Nous raisonnons sur la tasse de café et pas sur la capsule en tant que telle. Car jusqu’à présent vous buvez votre tasse de café et pas votre capsule (Rires). 

Nous agissons sur toutes les étapes. En dix ans on a réduit de 24 % l’impact carbone de la tasse de café. Ce sont des actions menées depuis 2009. L'engagement au niveau du groupe est d’atteindre le net zéro validé par le SBTI pour 2050. Chez Nespresso, nous voulons même aller plus vite. 

 

  • Début janvier, vous avez été épinglé par l’émission de Cash Investigation sur l’utilisation de la compensation carbone et sur vos prestataires en la matière qui feraient mal leur travail. Où en êtes-vous sur ce point ? 

 

Nous sommes très confiants là-dessus. Nous connaissons nos programmes. 

Pour être neutre en carbone, soit nous  fermons l’entreprise, soit nous utilisons  des programmes de compensation. Après, il faut les choisir et les implémenter correctement. Et si possible qu’ils aient des bénéfices pour les populations locales.

Je comprends qu’il y ait des questionnements, car il y a eu une utilisation à outrance de la compensation. Nous, nous compensons le Scope 3 et pas que sur les Scopes 1 et 2.

 

  • Nespresso a une image d’entreprise polluante auprès du grand public. Votre rôle est-il également de faire évoluer cette image ?

 

Il y a un enjeu de pédagogie et de communication.

Chez Nespresso, nous souhaitons avoir des preuves sur le long terme avant de communiquer. Toutes les marques ne sont pas sur cette ligne. Nous n’avons donc pas communiqué sur les actions menées, même si elles sont d’ampleur. 

Nous sommes peut-être un peu trop discrets. L’équilibre est hyper compliqué, car dès que Nespresso communique sur une bonne action, il y a des critiques quoi qu’il en soit. 

C’est compliqué d’expliquer, dans une publicité en 15 secondes, la profondeur des actions. Nous n’avons pas trouvé la solution, il faut être humble. 

 

  • Est-ce uniquement une question de communication ou y a-t-il eu des erreurs passées ?

 

Honnêtement, je pense que nous  avons toujours voulu faire du mieux possible. Nous prenons en compte les enjeux, les avis de nos parties prenantes, nous travaillons avec des scientifiques et des ONG. Mais personne ne le sait. 

 

 

C’est intéressant de montrer des profils qui ont du leadership et qui sont capables d’apporter des choses à l’entreprise. On peut se dire que la prise en compte du développement durable va freiner l’entreprise. Alors que non, c’est quelque chose de complémentaire avec le business. Montrer un profil comme le mien, cela permet cette ouverture d’esprit et se dire qu’il peut être intéressant de prendre en compte ces enjeux au plus haut niveau.

 

  • Par quelles émotions passe-t-on quand on travaille au développement durable d’une grande entreprise ?

 

On veut toujours plus de rapidité. Après, il faut aussi comprendre les enjeux d’une entreprise. 

J’ai besoin d’être alignée avec mes valeurs dans mon travail. C’est pour cela que je suis chez Nespresso depuis quatre ans. Je sais que je fais les bonnes choses. 

En discutant avec mes pairs, je me rends compte que nous n’avons pas tous les mêmes budgets. Je me considère chanceuse.

 

Propos recueillis par Théo Nepipvoda

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