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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 18 juillet 2022 - 19:01 - Mise à jour le 18 juillet 2022 - 19:01
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Denis Metzger (Break Poverty) : « Notre projet consiste avant tout à réfléchir à la cause de la pauvreté »

Acteur récent, Break Poverty, petit poucet dans le monde de la lutte contre l‘exclusion mais avec des ambitions fortes, se construit comme « ingénieur de solutions » en partenariat avec de multiples acteurs associations, collectivités locales et entreprises.

Une forte motivation 

  • Denis Metzger, vous avez créé Break Poverty. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez créé cette organisation alors qu’il existe un grand nombre d’organisations qui s’occupent de la pauvreté, et dans quelles circonstances ?

 

Le patron du Boston Consulting Group à Paris, Pierre Derieux, est venu me voir en souhaitant « faire quelque chose d’utile et de transformant ». Nous sommes allés voir ensemble un grand nombre de responsables d’ONG et d’associations françaises. Nous avons été un peu déçus car les associations rencontrées passaient plus de temps à aider les personnes en souffrance qu’à travailler sur les causes pour résoudre le problème. C’est pour cette raison que nous avons conçu ce projet qui consiste avant tout à réfléchir à la cause de la pauvreté. Nous avons alors créé le fonds de dotation « Break Poverty » qui est même temps un think tank et une organisation d’action. Valérie Daher nous a rejoints dès la première heure pour apporter son ambition au projet.

 

  • Pourtant, vous venez du secteur de la finance qui semble loin de ces sujets ?

 

Oui, mais mon expérience d’humanitaire chez Action contre la Faim que j’ai présidée pendant dix ans et de fondateur de l’Appel pour le combat de l’Abbé Pierre en 1994 m’ont sensibilisé à l’aide sociale humanitaire. 

D’autre part, il existait une indignation commune, exprimée par beaucoup d’amis chefs d’entreprise, face à la panne de l’ascenseur social en France. Nous avions une grande interrogation face au paradoxe de notre pays qui est le plus grand redistributeur social du monde et l’avant-dernier pays de l’OCDE en matière d’égalité des chances. Comment se résoudre à voir un échec aussi violent peser sur l’avenir de notre jeunesse ?

Lutter contre l’échec

  • Comment votre activité tranche-t-elle par rapport à celle des organisations que vous avez rencontrées et comment amenez-vous un supplément d’efficacité ?

 

Nous avons l’obsession de travailler sur les causes, d’essayer de comprendre l’origine de la reproduction sociale qui fait qu’en France un enfant pauvre va nécessairement devenir un adulte pauvre. Ceci nous révolte ! C’est donc sur cette chaîne causale que nous travaillons afin de proposer des solutions. Elles tournent essentiellement autour de la prévention : comment prévenir ce phénomène, comment identifier les causes du problème et prévenir l’entrée dans la pauvreté ? Nos domaines d’activité concernent notamment la petite enfance car nous savons aujourd’hui par les neurosciences, que tout se joue avant 3 ans car, au-delà, la capacité à apprendre se réduit. Il faut donc aider ces enfants à acquérir les capacités d’apprentissage dès le plus jeune âge.

 

  • Qu’est-ce que cela implique en pratique, puisque les enfants ne vont pas à l’école avant 3 ans ? 

 

Nous savons que la monoparentalité peut conduire à  la pauvreté car les mères seules font face à d’innombrables problèmes au détriment de l’éducation de leurs enfants. Ainsi, nous soutenons des projets associatifs qui accompagnent ces mères pour les aider à prendre en charge leurs enfants de 0 à 3 ans dans les quartiers difficiles. Nous finançons aussi la formation des acteurs de la petite enfance aux différentes techniques des neurosciences, en leur montrant qu’il ne faut pas simplement  garder les enfants mais aussi  développer leur intelligence par de l’interaction.

 

  • Vous ne travaillez que sur la petite enfance ?

 

Nous agissons aussi pour que les enfants en CP en manque de soutien familial puissent acquérir les bases de lecture et reprendre confiance face à leur scolarité.

 

  • Avez-vous aussi des actions auprès des plus âgés ? 

 

Oui, d’abord sur le décrochage scolaire. Il est connu que le parcours d’un enfant en décrochage est assez homogène, essentiellement des enfants de milieux défavorisés, avec des mamans qui n’ont pas fait d’études secondaires et des pères qui ont une vie professionnelle heurtée, voire pas de vie professionnelle du tout. Ces facteurs créent un terrain incroyablement défavorable, et 80 % de ces enfants-là seront en échec scolaire. 

Nous essayons de donner une chance à ces enfants, le plus souvent par des activités périscolaires sur la durée, car il faut du temps et de l’attention pour remettre à l’école un enfant en échec.  Nous finançons les programmes d’ouverture sur le monde qui permet aux enfants de se projeter dans des univers plus ludiques qui leur redonnent de la curiosité. 

Ensuite, nous travaillons beaucoup sur l’accès au premier emploi. Un jeune entre 16 à 22 ans qui a échoué à l’école, qui n’a ni la corde de rappel du milieu social, ni relations familiales va nécessairement décrocher dans la vie. Nous soutenons de nombreux programmes qui vont aider ces jeunes à rentrer dans le premier emploi, avec une conviction forte : il faut développer le mentorat en France. Nous sommes arrivés à cette idée après avoir analysé des cas américains. L’une des solutions pour aider les enfants en décrochage scolaire et les enfants défavorisés à réussir dans la vie, c’est d’avoir un lien avec des hommes et des femmes qui sont dans le monde professionnel. 

Nous avons découvert, comme beaucoup de gens, il y a quelques années qu’un tiers des personnes de la rue étaient passés par l’Aide Sociale à l'Enfance (ASE). Lorsque l’on voit qu’un tiers des enfants protégés par l’État aboutit dans la rue on peut se poser des questions sur l’efficacité du système. Nous nous sommes donc penchés sur cette problématique et avons déterminé qu’il fallait absolument donner une ouverture à ces jeunes sur le monde professionnel, une ouverture que les éducateurs sociaux n’étaient pas à même de donner. En effet, ceux-ci connaissent mal le monde du travail qui leur est étranger. Pour combattre cet échec, nous avons travaillé à un amendement qui a permis de rendre obligatoire la présentation d’un mentor à tout jeune de l’ASE avant ses 18 ans. La loi vient d’être votée en février 2022.

 

  • Il ne suffit pas de faire une loi, il faut qu’elle soit applicable dans la pratique. 

 

Tout à fait, on a vu les limites du droit au logement, mais la loi est importante parce qu’elle donne ensuite de l’autorité à l’acteur social pour faire bouger les choses. Tant qu’il n’y a pas de loi, on ignore vos demandes. Dans le cas des enfants de l’ASE, elle donne un cadre à l’action des préfets et nous allons avec eux  tester et mettre en place un dispositif, une méthode, qui va leur permettre de trouver le nombre de mentors suffisants pour aider ces jeunes,  avec la participation précieuse du collectif Mentorat. 

Au-delà de cette aide ponctuelle, nous essayons de bien comprendre quelle est l’origine de la problématique avant d’être force de proposition, c’est pour cette raison que nous nous définissons souvent comme « ingénieurs de solutions ».

S’inscrire dans la durée

 

  • Ce sont des sujets qui sont lourds et difficiles, aussi ce n’est pas tant de faire un bon programme que d’avoir assez de temps pour changer des comportements. Comment mesurez-vous, suivez-vous vos actions ?

 

Nous nous voyons comme des ingénieurs qui conçoivent des solutions : nous aidons les acteurs associatifs à les mettre en place, puis nous validons que les programmes ont bien l’impact attendu. Nous sommes attachés à la culture du résultat. Une fois par an, sur un certain nombre de programmes, nous demandons à des tiers extérieurs de faire des analyses d’impact. 

En matière sociale l’analyse de l’impact est compliquée, par contre la culture du résultat ne l’est pas.  Par exemple, avoir pour objectif de doubler le nombre de jeunes bénéficiaires en trois ans permet mesurer trimestre par trimestre que le programme est en train d’atteindre ses objectifs de déploiement. La première étape est de faire un plan d’activité avec des objectifs mesurables, de qualifier le point de départ et de suivre le projet sur les indicateurs fixés. Nous mettons en place avec nos partenaires des outils de reporting trimestriel. C’est une étape qui précède la mesure du changement de comportement qui, lui, prend toujours beaucoup de temps. 

L’action internationale

  • Vous travaillez aussi au niveau international, mais avez-vous les moyens de couvrir un champ international ?

 

Nous avons pour ambition de déployer ce que nous faisons en France à l’international, en particulier sur les pays source d’émigration, les pays d’Afrique et certains pays d’Asie. Nous pensons que si nous trouvons des modèles qui permettent de donner une chance à la jeunesse française, nous devrions pouvoir également réfléchir à trouver des modèles qui donnent une chance à ces jeunes chez eux en les formant. Nous avons un programme à Madagascar d’hôtel-école pour former des jeunes aux métiers de l’hôtellerie. L’intérêt d’un tel modèle est que la construction ayant été est financée par des mécènes, l’école hôtelière et l’hôtel seront rentables. Les prix de la chambre de l’hôtel et de la restauration devraient couvrir les coûts de l’hôtel et de l’école avec des profits qui sont réinjectés dans la communauté. Nous testons donc des modèles à l’international. Mais il est vrai que la France nous a beaucoup occupés, car les problèmes des jeunes en milieux vulnérables chez nous sont tels que 95 % de nos programmes sont français. 

 

  • Quand vous soutenez un projet sur un temps assez long, vous allez avoir un effet cumulatif important. Avez-vous les moyens de suivre la croissance de l’activité ? 

 

Nous avons quatre ans d’ancienneté et, pour l’instant, nous arrivons à nous développer conformément à nos ambitions. Quand nous nous associons à des co-financeurs, nous leur demandons toujours un financement sur trois ans minimum renouvelable en leur expliquant qu’il faut des fonds pour aider les associations non seulement sur leurs projets mais aussi pour financer des frais de structures et de développement.  

 

  • Cette question que vous soulevez est extrêmement importante. Cette façon de faire n’était pas très habituelle, car pendant longtemps les financeurs ne voulaient soutenir que l’action de terrain sans vouloir prendre en charge les coûts dit de gestion. Vous faites partie de ceux qui considèrent qu’il faut en même temps accompagner le projet et la structure de l’association pour qu’elle ait la capacité de mener à bien le projet. C’est une vision plus entrepreneuriale du projet d’action sociale.

 

Oui bien sûr. Quand on demande à une association qui mène un beau projet parisien de le développer à Marseille, à Tours ou ailleurs, il faut bien lui donner les moyens de s’implanter : ce sont essentiellement des frais de structure que nous allons financer.

Entrer dans l’emploi

  • Comment agissez vous pour favoriser l’entrée dans l’emploi ?

 

Nous sommes dans un système d’école unique et universelle qui n’est pas adaptée à tous les jeunes et en laisse beaucoup trop à la porte.  Il y a aussi une distance, souvent trop grande, entre les adultes qui s’occupent des jeunes en difficulté que sont les acteurs sociaux publics et les acteurs associatifs privés connaissant mal le monde du travail, voire qui s’en méfient. Nous connaissons tous le monde associatif et sa difficulté à parler au monde des entreprises. Nous connaissons tous la difficulté du secteur public à valoriser le secteur privé. C’est un mal que nous avons cherché à traiter, en étant convaincus que la solution passait par une plus grande implication des entreprises. Pour donner une chance à une jeunesse en difficulté scolaire, il fallait forcément lui donner une chance par l’emploi et mobiliser les entreprises. Nous pensons également que la solution est « locale ». Lorsque l’on parle de 100 000 décrocheurs sur une population de 800 000 élèves en France chaque année, par tranche d’âge, ce problème ne peut pas être traité au niveau de la nation, il ne peut qu’être traité au niveau local, puisque c’est dans chaque petite ville, chaque territoire que la solution va se trouver. À Limoges, à Alençon ou à Béthune, on va identifier une centaine de jeunes en difficulté. Et cette centaine de jeunes en difficulté peut être prise en charge par la collectivité avec l’aide des entreprises qui doivent changer de regard sur cette jeunesse. 

Nous avons ainsi créé un programme que nous avons appelé « DAT », la Dotation d’Action Territoriale, qui est un dispositif qui permet de rapprocher les entreprises, les associations et la collectivité afin de les mobiliser pour mettre le problème de la jeunesse en difficulté comme un objectif premier sur le territoire. La communauté d’acteurs dans cette DAT va faire un diagnostic territorial dans la ville, sélectionner les meilleurs projets qui correspondent à cette problématique et trouver les financements pour les mener à bien. Nous avons mené un premier projet pilote à Romans-sur-Isère. Nous avons ensuite, à la demande du Gouvernement, réalisé deux autres projets pilotes à Béthune et dans une grande métropole, à Nantes.  Nous sommes aujourd’hui sur 25 territoires dont Marseille, Lyon, Bordeaux, Saint-Etienne, Amiens, Montbéliard, etc.

 

  • Je comprends que les trois premiers projets étaient une préfiguration, et qu’ensuite vous êtes passés à 25 territoires, n’est-ce pas ?

 

Tout à fait, avec un objectif de 40 territoires couverts d’ici la fin de l’année, pour redonner un avenir à 100 000 jeunes.

 

  • Je suppose donc que si vous avez prévu cette extension, c’est que vous avez enregistré des succès sur les trois premiers territoires. 

 

Notre premier projet pilote a en effet intéressé la stratégie nationale de lutte et de prévention contre la pauvreté, le Plan Pauvreté Macron de 2017. Les porteurs de cette stratégie nationale de lutte et de prévention contre la pauvreté nous ont demandé de nous étendre sur d’autres villes pour vérifier que ce projet pouvait passer à l’échelle. Lors de nos premiers déploiements, nous avons découvert une difficulté importante à lever des financements dans les petites villes. En effet, les PME mécènes étaient limitées par le plafond de déductibilité à 5 pour 1000 du chiffre d’affaires. Une belle entreprise de 500 000 euros de chiffre d’affaires ne pouvait donc nous donner que 2 500 euros, et nous savons que l’on ne fait pas grand-chose avec 2 500 euros.

 

  • Le plafond n’a-t-il pas été monté à 20 000 euros ?

 

C’est notre travail auprès du législateur avec l’Amendement Break Poverty qui a permis de monter le plafond déductible à 20 000 euros dans la loi de Finance 2020. Le Parlement a reconnu l’utilité primordiale de l’engagement de PME territoriales dans la lutte contre l’exclusion et la pauvreté.

 

  • C’était également le combat d’Admical. 

 

C’était le combat de plusieurs acteurs dont l’Admical. Mais étant le partenaire officiel de la stratégie nationale de la lutte contre la pauvreté, il a été plus facile pour nous de nous faire entendre par le législateur.

S’appuyer sur le collectif

  • Cela veut-il dire que vous avez des relations avec des entités gouvernementales et que vous êtes donc aujourd’hui dans une conception totalement ouverte vers des partenariats multiples ? 

 

Exactement . Nous avons une véritable volonté de travailler avec tous les élus, tous les acteurs publics, toutes les entreprises et toutes les associations souhaitant développer leurs actions au niveau national. 

Nous travaillons par définition avec les acteurs de terrain, n’étant pas nous-mêmes opérationnels. Encore une fois, nous sommes des ingénieurs de solutions. Par exemple, nous avons découvert pendant le confinement qu’il n’y avait pas de lait infantile, pas de petits pots et pas de couches dans les réseaux de distribution de l’aide alimentaire. La raison est que ce sont des produits non périssables ; les petits pots pouvant se conserver deux ans,  il n’y a jamais le surplus de produits qu’il faut écouler à la dernière minute. Il y avait donc un problème structurel d’offre de produits. Pendant l’été 2021, nous avons distribué à 50 000 familles en difficulté des kits par les biais des acteurs de l’aide alimentaire en nous associant à l’industrie agro-alimentaire. L’ensemble des grands industriels, Bledina, Danone, Unilever, Nestlé... se sont alliés pour faire de la surproduction ponctuelle et permettre d’irriguer les réseaux. Au-delà de cette aide ponctuelle aux différentes épiceries sociales et aux Restos du Cœur, nous sommes en train de réfléchir à une solution plus structurelle. Faut-il ou non, et si oui comment, distribuer des chèques alimentaires petite enfance aux mamans qui ont moins de 700 euros de revenu avec des enfants de moins de 3 ans ?

 

  • Vous voulez donc pérenniser le système de l’équivalent de chèques alimentaires en chèques « élémentaires »…

 

Plutôt que simplement continuer à solliciter les industriels pour irriguer à titre gratuit en mécénat de l’aide alimentaire, nous pensons qu’il est peut-être plus astucieux d’identifier l’ensemble des familles monoparentales qui ont moins de 700 euros de revenu et leur donner les chèques qui leur permettront d’acheter dans les supermarchés des produits pour la petite enfance, couches, lait et petits pots. Ce sont des réflexions structurantes pour essayer d’aider non pas 50 000 familles ponctuellement, mais de se pencher sur les 300 000 familles qui ont vraiment besoin d’aide, de façon structurelle et à long terme.

 

  • Recevez-vous également des subventions publiques ou ne fonctionnez-vous qu’avec du mécénat privé ? 

 

Nous avons plusieurs sources de financement : d’abord les dons de grandes sociétés qui sont proches de nous. Mais aussi des aides publiques qui sont  importantes : elles représentent 40 % des projets dans un budget de 6 millions d’euros. La raison est que lorsque l’on s’attaque au problème de la pauvreté locale avec des projets structurants, la Ville, la Région, le Département sont prêts à soutenir des projets en partie financés par le privé. Enfin, des mécènes individuels se reposent sur notre capacité d’analyse et viennent co-financer des projets. Notre réseau de cinq délégués régionaux, dans le cadre de la DAT, identifient les meilleurs projets sur les territoires. C’est un modèle intéressant qui permet de faire un effet de levier sur ce que j’appellerais notre ingénierie intellectuelle. Nous recherchons de beaux projets qui ont fait leur preuve et nous les présentons clé en main à des mécènes avec la garantie que le projet sera guidé et suivi.

 

  • Où sont basés ces cinq délégués ?  

 

Les délégués régionaux sont basés à Lille, à Nantes, à Lyon, à Paris- Est, Paris Grand-Est et Paris-Normandie.

Des dispositifs adaptés à l’action

  • Vous avez aussi créé un fonds de dotation, pourquoi ce dispositif supplémentaire ?

 

Lors de la création de Break Poverty, nous sommes allés voir la Fondation de France et l’Institut de France pour créer une fondation abritée mais nous y avons trouvé des limites pour nos ambitions. Pour une fondation patrimoniale, une fondation « abritante » est formidable, car elle donne du savoir-faire. Mais dès que l’on veut recruter, communiquer, faire du fundraising auprès du grand public, c’est assez limitant. C’est pour cette raison que nous avons choisi de créer d’autres dispositifs : d'abord un fonds de dotation. Mais le fonds de dotation a aussi ses limites, il ne peut pas recevoir l’argent public qui nous est nécessaire pour nos DAT. Nous avons donc créé un institut sous forme d’une association chargée du déploiement de la DAT. Enfin une fondation abritée par Caritas qui nous permet de recevoir de l’IFI et de financer les projets dans les régions. 

 

  • Et quel est l’objet de l’institut ?

 

L’institut fait de la formation à l’implantation de la DAT. Pour arriver à gérer 40 territoires, il faut former 40 responsables locaux. Il met notamment à disposition un outil digital développé avec l’aide d’Accenture. L’institut a une action sur tous le territoire national grâce à ses cinq délégués régionaux. 

 

  • Pouvez-vous peut-être nous dire un dernier mot sur la philanthropie en France ?

 

Je pense que c’est un système vertueux qui se développe formidablement bien, mais qui pourrait faire beaucoup mieux. L’une des idées serait de favoriser le mécénat en donnant un objectif à toutes les entreprises de France en termes de mécénat territorial pour créer du lien sur leur territoire. Et ce, par la loi.

 

  • Mais y a-t-il besoin de la loi ?

 

Il ne s’agirait pas d’une obligation de faire du mécénat. Il s’agirait simplement d’une obligation de publier dans le rapport annuel ce qui est fait pour l’avenir de son territoire avec un objectif d’allouer une dotation de 2 % des résultats nets à ces projets.  

 

  • N'est-ce pas beaucoup 2 % ?

 

Non, 2% n’est pas beaucoup parce que 60 % seront pris en charge par l’État et nous pensons que 0,8 % d’un résultat n’est pas un objectif inatteignable. L’actionnaire pourrait aisément décider de donner jusqu’à 0,8 % de son résultat pour autant que les actions soient vues comme un investissement socialement utile à son territoire. Il y a une loi identique qui a été publiée en Inde, la loi CSR Act d’avril 2014 qui demande à toutes les entreprises d’allouer jusqu’à 2 % de leur résultat net à des missions sociales. Il n’y a pas d’obligation de faire, mais il y a une obligation de publier dans les rapports annuels ce qui a été fait. En 2016, deux ans après, 98 % des sociétés cotées avaient atteint les 2 % alors qu’il n’y avait aucune obligation de faire, ni d’atteindre les 2%. On voit donc bien que le « name and fame » est une véritable incitation à faire. À notre sens, poser comme terme « l’avenir du territoire » est une façon d’englober quasiment tout, environnement, social, culturel, avec un point focal qui pourrait être l’avenir de la jeunesse. La publication requise permettra aux acteurs sociaux de voir quelle société a rempli son contrat et soutient la recherche médicale, quelle société n’a rien fait. Nous avons reçu un accueil favorable de Bercy sur ce dispositif qui a le mérite de mettre de la transparence dans le mécénat et de le cibler sur des causes essentielles comme l’avenir de la jeunesse, et la création nécessaire de liens sur les territoires. 

 

Propos recueillis par Francis Charhon

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