Une urgence : faire vivre la Démocratie
La démocratie est interrogée dans notre pays par des fractures, le rejet de l’autre, mettant dangereusement en cause la cohésion sociale. La démocratie ne s’invente pas elle se pratique chaque jour mais nécessite d’en connaître les bases, de comprendre combien le dialogue éclairé permet la vie en société. La philanthropie à un rôle important dans ce projet de cohésion social. Elle permet de répondre aux besoins des populations en donnant des espoirs où il y en a plus et de vivre en société avec des projets valorisant pour les personnes concernées.
Pour s’inscrire dans le projet collectif de notre pays la formation des jeunes aux bases de la démocratie est un enjeu majeur et prioritaire. Beaucoup d’acteurs, associations, fondations, enseignants sont mobilisés pour relever chaque jour ce défi. Le dialogue entre le délégué de Parlons Démocratie et une enseignante chevronnée nous fait comprendre les difficiles réalités de l’enseignement pour faire face au délitement du contrat social qui nous unis. On voit ici le rôle important des petites structures comme le blog l’a déjà montré avec l’action de Dulala qui travaille sur l’aide à l’intégration par l’apprentissage du français. On comprend aussi l’importance du soutien de telles initiatives.
S’engager à faire vivre la démocratie
-
Bonjour Raphaël Culliford, vous êtes le délégué de Parlons Démocratie, quelle est cette organisation ?
Parlons Démocratie a été fondée en 2020 lors de la tentative de coup d’État aux États-Unis, sur le constat que nos démocraties ne sont pas invincibles. L'actualité aux États-Unis, mais aussi en Argentine, en Hongrie, en Pologne et en France, montre à quel point elles sont fragiles. Comme a dit Machiavel, « les maladies politiques, comme les maladies humaines, sont d'abord invisibles et faciles à traiter, mais deviennent visibles et très difficiles à soigner si on les ignore ». Aujourd'hui, les symptômes de cette « maladie démocratique » sont de plus en plus évidents. Parlons Démocratie repose sur la conviction que l'éducation est la meilleure protection contre ces menaces. Pourtant, l'enseignement moral et civique (EMC) en France est souvent négligé, non par manque de volonté des professeurs, mais à cause d'un manque de formation et d'une surcharge de travail. Les enseignants ont beaucoup de mal à le faire, parce que sans incarnation, sans anecdote, on se retrouve très vite avec des cours qui sont austères. De plus, l’autocensure, exacerbée après l’assassinat de Samuel Paty, rend cet enseignement encore plus complexe.
-
Christine Guimonnet, vous êtes professeur d'histoire et de géographie, vous enseignez l’éducation civique et avez une très grande expérience. Comment s’inscrit la démocratie dans l’enseignement ?
L'enseignement de la démocratie trouve sa place en EMC (enseignement moral et civique) et en histoire au collège comme au lycée. Au collège, l’EMC est assuré par les professeurs d'histoire-géographie, avec une évaluation au brevet des collèges. La réforme des programmes voulue par le Ministère de l’Éducation Nationale implique un changement en sixième et seconde, et le nouveau programme sera ensuite décliné pour les années suivantes. En première, le programme d’histoire centré sur le XIXe est un cadre privilégié pour comprendre ce laboratoire évolutif des notions et concepts depuis 1789.
En spécialité HGGSP, (Histoire-Géographie, Géopolitique et Sciences politiques) le programme de première comprend six thèmes : la démocratie ; États et religions ; les médias un regard critique sur l'information ; les puissances ; les frontières. On dispose de 4 heures par semaine, pendant toute l'année. Et en terminale, si le programme d’histoire est assez lourd, pendant encore deux ans, le thème annuel d’EMC porte sur la démocratie. Histoire et EMC ont donc des liens forts. L'EMC, ce n'est pas une discipline en soi, c'est un enseignement. Nous avons la liberté pédagogique pour faire en sorte que les élèves s'approprient les notions qui sont dans le programme, à partir de toutes les portes d'entrée qui nous semblent les plus pertinentes, adaptées aux réalités des classes.
Les cours d’enseignement moral et civique font appel à la maîtrise de connaissances et peuvent avoir une approche dynamique. Les enseignants impulsent et lancent des projets, font travailler les élèves sur des dossiers documentaires et utilisent des ressources comme les journaux pour rendre la matière plus vivante et interactive ou organisent des interventions externes.
Faire comprendre les outils de la démocratie par une pédagogie interactive avec des praticiens de nos institutions
Raphaël Culliford : Ces moments sont essentiels car c’est là que l’on peut engager les jeunes dans l’expérience de la démocratie en étudiant les freins. Les élèves souvent ne se sentent pas légitimes pour participer à la vie de la cité. Ils considèrent qu’ils n’ont pas les outils de cette légitimité. Le travail fait par Christine et ses collègues est de leur donner ces outils et les connaissances nécessaires à l’exercice de leur citoyenneté
Christine Guimonnet : L'enseignement des institutions est fondamental tout au long de la scolarité pour permettre aux élèves d’en avoir compris leur fonctionnement en quittant le lycée. Le travail sur la démocratie s'articule autour de la compréhension des régimes politiques et des élections, qui sont un marqueur essentiel de la vie démocratique, de l’élaboration des textes de loi, de l’exercice de la justice.
Je propose, quand il y en a, de suivre une campagne électorale, ce qui est très engageant pour les élèves, notamment ceux qui viennent de familles où l’on ne vote pas, et où on parle peu de politique. Cela leur permet de comprendre comment un programme politique est élaboré, le rôle des partis, et surtout les différents modes de scrutin et leur impact sur les équilibres ou déséquilibres politiques dans les assemblées. L’explication des idées, voire des idéologies propres à chaque parti devient alors essentielle. Le suivi de la campagne les aide à identifier les thèmes et à comprendre les enjeux des débats publics, tout en développant leur capacité à analyser de manière critique les propositions des candidats. Mais il est aussi d’autres exercices.
Un des points forts est de permettre aux élèves de rencontrer des élus. Cela leur offre une occasion rare aux de poser leurs questions sans filtre. Ils découvrent ainsi le travail des élus au quotidien, leurs motivations, et les lois qu'ils défendent. Ils expliquent la différence entre un projet de loi et une proposition de loi, ou encore la distinction entre la politique nationale et européenne. Ces échanges permettent de briser les clichés sur les hommes et femmes politiques, tout en rétablissant une forme de confiance dans les institutions, souvent discréditées aux yeux des jeunes. Ces rencontres sont essentielles pour appréhender la réalité démocratique et réengager les élèves dans une relation avec la vie politique.
Dans un contexte où la confiance envers les institutions est fragile, ce travail d’éducation civique joue un rôle fondamental pour la construction de la démocratie future.
On peut aussi faire intervenir un praticien des institutions, par exemple un magistrat qui joue un rôle de régulateur dans une société par l'intermédiaire des décisions de justice. Si les effets ne sont pas forcément immédiats, des graines sont semées et au bout d'un moment, elles germeront. Jean-Louis Nadal qui est venu faire une conférence dans mon lycée « a fait un tabac ! ». Des élèves qui m'ont dit : « Je m’étais posé la question de savoir si j’avais les capacités pour devenir magistrat ? Lui, m’a donné envie ».
Raphaël Culliford : Parlons démocratie fait intervenir des professionnels des institutions publiques dans les établissements scolaires pour contribuer à un enseignement moral et civique dynamique. Notre enjeu est de construire des ponts et créer des expériences marquantes pour créer un appétit citoyen chez les élèves malgré le temps limité des enseignants. Nous basons notre activité sur des innovations pédagogiques validées par les travaux académiques, comme ceux notamment de Camille Amilhat sur l'éducation civique.
Comprendre l’information face aux fake news
Christine Guimonnet : La question du décryptage de l’information est aussi essentielle. Nous mettons en place des ateliers avec des journalistes qui aident les élèves à comprendre comment l’information est fabriquée et diffusée. Dans un monde où Internet regorge de fausses nouvelles, il devient crucial pour les jeunes de faire la différence entre une information vérifiée et un simple contenu de communication. Cela permet de développer un esprit critique face aux flots d'images et de données auxquelles ils sont confrontés.
En 2018, j’ai collaboré avec les universitaires Olivier Christin et Stéphan Soulié, co-directeurs, avec Frédéric Worms du Que sais-je Les 100 mots de la République. Ils sont intervenus au lycée. Ce projet a permis à aux élèves de contribuer eux-mêmes en rédigeant des « mots de la République » qui pour eux, ne figuraient pas dans l’ouvrage. Ce type d’initiative rend les élèves acteurs de leur apprentissage et leur permet de participer activement à la réflexion civique. L’initiative a été suivie par La Croix, qui a produit une vidéo relatant le projet, mettant en lumière les réflexions des élèves.
Ce travail combine théorie et pratique pour offrir à ses élèves un apprentissage riche et interactif. Elle leur donne non seulement les outils pour comprendre les institutions et la politique, mais aussi pour devenir des citoyens actifs et informés.
Il est important de de maintenir une neutralité en tant qu'enseignante, tout en répondant aux questions des élèves de manière honnête et claire.
- Quelles sont les méthodes de Parlons Démocratie ?
Raphaël Culliford : Dans de nombreux cas, les enseignants ne vont pas aller si loin dans les projets qu'ils proposent et souvent sont en difficulté pour ces cours en raison du manque de formation, de moyens et de temps. C’est pour cela que notre organisation les accompagne pour diffuser des formations, des méthodes aux enseignants qui peuvent être parfois un peu seuls et les aider à trouver des intervenants.
Trois approches sont utilisées.
La première est de faire rencontrer des personnalités politiques ou d’institution qui structurent la République pour qu'ils puissent poser des questions concrètes rendant ainsi la théorie plus vivante. Par exemple, lorsque François Molins a été invité en Seine-Saint-Denis, la première question des élèves a été : « Est-ce que la justice est raciste ? », un échange qui a instauré un dialogue et renforcé la confiance. Nous croyons à la pédagogie de la rencontre avec des praticiens qui ont une longue expérience dans leur domaine. Elle est bénéfique pour tous.
La deuxième approche consiste à organiser des jeux de rôles comme des simulations de débats parlementaires ou de procès, plaçant les élèves en position de décideurs et les amenant à développer des compétences citoyennes telles que l'écoute et la capacité à nuancer leurs jugements.
Enfin, la troisième approche les engage dans une démocratie réelle, avec des projets comme la réécriture participative du règlement intérieur de l’établissement ce qui leur permet de prendre conscience de leur légitimité et de renforcer leur confiance. Ces initiatives sont conçues pour avoir un impact durable, en collaboration avec les enseignants, afin que les élèves continuent de développer ces compétences tout au long de l'année.
Deux ou trois personnes de Parlons Démocratie viennent travailler avec une classe, avec une proposition de loi, avec deux ou trois articles. Et donc les élèves vont se retrouver comme s'ils étaient dans une commission parlementaire pour lire les articles, les amender, les faire voter. Nous avons testé une proposition de loi visant à abaisser l'âge du droit de vote à 16 ans, A chaque fois environ 95 % d'entre eux sont contre pour des raisons telles que le manque de maturité ou de connaissances sur les institutions et les partis politiques. Je leur fais remarquer que ces mêmes arguments pourraient être avancés pour des adultes qui, malgré leur âge, peuvent aussi être influencés par leur environnement familial ou amical, ou se trouver dans des « bulles » d'informations biaisées. L'idée qu'il existe des adultes n’ayant pas plus de connaissance qu’eux et votant de manière irrationnelle les amène à réfléchir autrement. À la fin de la discussion, certains élèves, initialement hostiles à tout changement, finissent par nuancer leur position, prenant en compte d'autres facteurs que l'âge seul. Par ailleurs, et c’est le plus important, ils prennent du plaisir à faire des propositions d’intérêt général. 86% des élèves qui participent à ces interventions déclarent qu’ils se sentent mieux équipés, et qu’ils ont plus envie de voter aux prochaines élections.
Apprendre à écouter et échanger pour apaiser les rapports sociaux
- Les fondements de la société reposent sur des liens, du dialogue, de l’écoute, des rencontres du respect de la parole de l’autre alors qu'aujourd'hui on est dans la fracture et l'explosion. Il y a deux façons de voir la vie, soit on en discute, soit on s’affronte. Comment abordez-vous ce sujet ?
Christine Guimonnet : L'enseignement du lien social est présent en première et se développe à travers des débats et des projets en commun. Il est important de préparer ces échanges pour éviter des discussions désorganisées. Les élèves apprennent à s'écouter, à entendre des opinions divergentes, et à débattre de manière constructive, contrairement aux débats télévisés souvent chaotiques. Je propose aussi des « Réflexions personnelles argumentées » sur une quarantaine de sujets très actuels touchant l’ensemble du champ politique et sociétal, y compris polémiques ou clivants (la peine de mort, la prostitution, le complotisme, le racisme, l’antisémitisme ...). Les élèves en choisissent quatre et doivent développer leur point de vue avec des arguments solides.
En fait, le travail se fait beaucoup dans le partage, l'échange pour montrer que pour être acteur, il faut être capable de discuter, de bouger ses positions.
- Est-ce que qu’en première ou en terminale ce n'est pas déjà un peu tard ?
Christine Guimonnet : Non ce n'est jamais trop tard. Il y a toujours un moment où il faut le faire, l'important, c'est qu'il y ait un déclic. Même s’il n’arrive qu’en terminale, ce n'est pas grave. Ce qu'il faut, c'est qu'ils aient fait ce type de travail. Cette simulation de débat est un outil fantastique. Cela oblige les élèves timides ou réticents à parler à s'impliquer un petit peu ; ils vont essayer de se regrouper par tendance politique, réfléchir sur un thème. Le fait de parler entre eux, d'échanger leurs idées permet d’arriver à un consensus.
Faire face à la violence et à l’obscurantisme
- Si on prend l'exemple le plus emblématique de violence de ces derniers temps, l’assassinat de Samuel Paty, comment traite-t-on cette question si délicate pour les enseignants ?
Christine Guimonnet : On peut la traiter de façon différente comme en utilisant le livre. Une collègue historienne, Valérie Igounet, a écrit avec un dessinateur Guy Le Besnerais une formidable BD, « Crayon noir ». Elle raconte toute l'histoire d'une manière très précise, lucide pour, dit-elle, « que la mort ne gagne pas ». Et on peut travailler avec les élèves sur des pages de la BD ou faire lire la BD entière pour qu'il y ait une conscientisation de ce qui s'est passé.
Lorsqu'on a appris la nouvelle le vendredi, nous étions assommés. Le lendemain, j'avais deux heures de cours avec mes élèves de la prépa Sciences Po. Je ne vous cache pas avoir hésité à y aller parce que pour la première fois de ma vie, j'avais une forme de nausée que je n'arrivais pas à dépasser. Mais on ne doit pas se dérober. Je n'ai pas du tout fait le cours que j'avais prévu à ce moment-là. J'ai commencé en demandant aux élèves s'ils étaient au courant de ce qui s'était passé la veille. Comme ils l’étaient tous, je leur ai demandé s'ils pouvaient envisager ce que cela signifiait pour moi, leur professeur d’histoire, d'apprendre qu'un professeur d’histoire avait été assassiné en pleine rue par un terroriste. J’ai donc proposé un cours d'histoire des idées entièrement à l'oral sur tous les mots qui se terminent en "-isme". J’ai rarement eu un groupe aussi intéressant et à l'écoute de ce qu'on leur expliquait. Au bout de 45 minutes, une élève me dit : « Madame, il faudrait qu'on fasse une minute de silence. » Je ne leur avais rien demandé du tout. C'est venu d'eux-mêmes. Donc nous avons fait une minute de silence, puis nous avons repris le cours de nos réflexions et j'ai terminé par ce qu’est l'islamisme. C'est un terme qui demande à être vraiment explicité et ils comprennent très bien. On ne peut pas aller en cours en étant en permanence phagocyté par la peur, parce que la peur peut rompre la relation de confiance qu'on essaie de tisser avec les élèves.
Raphaël Culliford : La première intervention de l’association s’est déroulé le jour de l’assassinat de Samuel Paty. Ce tragique événement est quelque chose que l'on garde toujours en tête dans nos interventions. La venue d’intervenants extérieurs permet de limiter l’autocensure des enseignants, tout à fait compréhensible après ces évènements.
- Mais Christine, tout le monde n'a pas votre maturité et votre expérience...
Christine Guimonnet :Chaque professeur a sa méthode, son savoir-faire propre. Je connais des collègues qui ont des approches très intéressantes et qui accrochent très bien leurs élèves. Heureusement, nous sommes nombreux à faire du bon travail.
- Est-ce que vous traitez la question de l'équité ? Les gens qui se sentent maltraités peuvent savoir l'impression qu'ils sont les oubliés de la démocratie ?
Raphaël Culliford : La question est systématiquement posée par les élèves. Elle peut prendre de nombreuses formes. Notre objectif est de faire comprendre que les outils de la démocratie peuvent leur être utiles en toutes circonstance et mieux les armer pour faire face aux difficultés. Les outils de la démocratie, pour peu qu’ils soient pleinement utilisés, sont de puissants outils d’équité. Nous intervenons en priorité dans les quartiers populaires, les territoires ruraux, et en Outre-Mer, précisément là où ces questions sont les plus saillantes.
Lutter contre le sentiment d’abandon et de relégation dus aux disparités territoriales
- Comment faire face aux fortes disparités sur les territoires qui rend difficile de mettre en place tout ce qui a été évoqué ?
Raphaël Culliford : Il y a une forte disparité dans des situations territoriales au niveaux des académies et même dans les académies. En Ile-de-France, à Versailles ou à Créteil il n’y pas les mêmes possibilités et à fortiori dans les départements isolés. Souvent dans ces contextes on trouve de jeunes enseignants qui se retrouvent isolés et n’ont pas les carnet d'adresse des profs plus anciens et expérimentés. Notre rôle est de mettre ces hommes et ces femmes de l’État qui gèrent tous les jours notre démocratie à disposition de l'ensemble des enseignants et des élèves, pour créer cette fameuse expérience transformatrice.
Il y a un vrai enjeu national que de donner des ressources à nos enseignants, qui se battent fort avec des moyens hétérogènes sur le territoire pour enrichir les cours d’enseignement moral et civique.
- On bute toujours sur la question de l'abandon, vécu par la non-accessibilité aux services publics, à la Poste, à l'hôpital, aux transports, à la connaissance, la culture, etc.
Christine Guimonnet :Les élus ressources dans des territoires enclavés ou assez éloignés sont les conseillers municipaux, départementaux, régionaux. Ils peuvent intervenir localement pour expliquer leur travail. A titre d’exemple, le rôle du département en tant qu'échelon administratif est assez mal connu, alors qu’il peut avoir une résonance très simple dans l'univers des élèves. Les collégiens sont dans un bâtiment appartenant au département qui finance toutes sortes d'éléments liés à leur scolarité. C'est beaucoup plus facile, lorsqu'on est dans les grandes métropoles d'avoir accès à certaines activités que lorsqu'on est dans un collège rural, un collège d’une petite ville. Dans les zones isolées, ne pas avoir de voiture limite très vite les possibilités.
Afin de lutter contre ces fractures territoriales, les sénateurs, les députés de chaque département, devraient s’impliquer fortement et aller voir les élèves dans les collèges. C’est plus compliqué pour un collègue qui vit dans la Creuse, en Lozère, ou dans le Loir-et-Cher d’emmener les élèves visiter les institutions nationales. Les enseignants ne peuvent pas en plus perdre du temps à trouver des financements pour payer les déplacements.
Organiser les moyens pour poursuivre et amplifier l’action
Raphaël Culliford : Nous essayons de pourvoir à ces manques. Il y a deux ans, nous touchions 1 500 jeunes par an. Cette année, cela sera 20 000 et l’année prochaine 40 000. Nous voulons plus mobiliser pour faire en sorte que l'opportunité qu'ont eu les élèves de Christine soit possible pour tous les professeurs et tous les élèves.
- Christine, est-ce que le fait de travailler avec des organisations comme celle de Raphaël, vous paraît utile ?
Christine Guimonnet : Oui. Nous expliquons nos besoins, et les membres de Parlons Démocratie font le maximum pour trouver comment y répondre. Il n'y a rien de mieux qu'un partenariat qu'on choisit, basé sur la confiance et la compétence, au lieu de démarches conseillées mais beaucoup moins efficaces. On sait ce qu’on cherche et ce qu’on trouve. On a envie de continuer l’année suivante, de tester d’autres dispositifs, on les conseille, on les fait connaître à des collègues. C’est un cercle vertueux. Et l’APHG est particulièrement heureuse de ce partenariat avec Parlons Démocratie.
Raphaël Culliford : Et j'en profite pour dire que 100 % des interventions que l'on réalise se font à la demande des professeurs et des établissements et que presque 100% d’entre eux nous resollicitent d'une année sur l'autre. Il y a un effet démultiplicateur grâce au bouche-à-oreille. Les élèves convainquent leurs potes, les intervenants convainquent leurs collègues. Il faut enclencher un cercle vertueux où les professeurs soient mis en confiance. Ainsi on voit une augmentation de 10 % du nombre d'intervenants par mois. Dans l'académie de Lyon, qui est une grande académie, nous avons reçu 70 demandes d’établissements pour intervenir. Nous avons signé des conventions avec la plupart des grandes institutions qui vont nous permettre de massivement recruter des intervenants.
- Raphaël, y a-t-il beaucoup d'organisations qui travaillent comme vous ?
Raphaël Culliford : Nous, nous avons deux spécificités que nous sommes les seuls à avoir. Il y a des organisations qui interviennent dans les établissements scolaires, mais il n'y en a aucune à l'échelle nationale en faisant intervenir des professionnels des institutions de manière centralisée comme nous sommes en train de le faire et avec le principe de neutralité qui est aussi fort que le nôtre. Et par ailleurs nous avons reçu l'agrément de l'Education nationale nous sommes donc leur partenaire privilégié pour avancer sur ces sujets-là.
- Votre budget de 70 000 euros environ, est-il suffisant ?
Raphaël Culliford : Il est à peu près du double cette année et nous a permis de donner des outils citoyens à 20 000 élèves et de former 1000 enseignants à notre pédagogie, ce qui est déjà important mais reste très marginal face à l’ampleur du besoin. Notre objectif est de donner ces outils à l’ensemble d’une classe d’âge, soit 700 000 jeunes par an, pour leur permettre de mieux contribuer à notre démocratie, de se présenter aux élections, de monter des associations, de voter pour des politiques publiques qui leur correspondent... Tous les signaux sont au vert pour déployer notre modèle, nos méthodes ont fait leurs preuves et nous savons qu’elles fonctionnent. Les établissements nous sollicitent massivement, nous recevons des dizaines de demandes chaque semaine, et les professionnels sont toujours plus nombreux à se porter volontaire pour nous soutenir.
Nous avons un plan de développement pour mieux nous projeter dans les territoires, coordonner une communauté toujours plus nombreuse et mieux atteindre les établissements les plus isolés. Tout ça coûte de l’argent, et nous n’y arriverons pas seuls. Aujourd’hui, nous devons trouver des partenaires qui sont prêts à nous soutenir financièrement pour réussir à relever ce défi.
Propos recueillis par Francis Charhon.