Les dynamiques de genre dans la production de café au Kenya
Le secteur du café au Kenya emploie environ 30% des travailleurs agricoles kényans (près de 5 millions de personnes). Les exportations de café rapportent chaque année en moyenne 230 millions de dollars. Les coopératives de café reversent en moyenne 80% des revenus de la production aux exploitations agricoles. Les femmes représentent 70% des travailleurs agricoles au Kenya, et 60% dans la production de café. Dans quelle mesure ces opportunités économiques liées à l’exploitation caféière profitent-elles aux femmes participant largement à la production?
Selon des données de la Banque africaine du développement, 77% d’entre elles travaillent à leur compte, contre 46.8% des hommes, ce qui les place dans une grande vulnérabilité. Ce chiffre interroge le rôle joué par les femmes dans les exploitations agricoles. Quel est leur statut au sein des exploitations? Quelles normes de genre sont à l’origine de ce statut, et quel est l’impact des normes de genre en milieu rural sur les femmes cultivant le café?
Pour répondre à ces questions, Empow’Her Consulting a récemment mené un diagnostic genre au sein de deux coopératives de café dans la région de Kericho au Kenya. Plusieurs mois de recherches complétés par la rencontre des différents acteurs et des communautés d’agriculteur·ice·s sur le terrain nous ont permis d’analyser les dynamiques et normes de genre en jeu dans la production agricole en Afrique de l’Est.
Notre constat : le travail sur les chaînes agricoles reproduit une répartition genrée des tâches au détriment des femmes
Les communautés rurales du Kenya sont organisées selon un schéma patriarcal au sein duquel les hommes gèrent seuls un grand nombre de domaines, y compris la production agricole. L’exploitation du café qui représente 10% des exportations agricoles au niveau national n’y échappe pas. La production de café reproduit la répartition genrée des tâches qu’on trouve généralement au sein des foyers. Le rôle des femmes est lié à l’espace domestique et au care, à l’éducation des enfants et au bien-être des maris. Bien qu’elles jouent un rôle important en-dehors de cet espace domestique dans la production agricole, ce rôle est peu reconnu et valorisé.
Alors que les femmes représentent 60% des travailleurs cultivant le café au Kenya, elles occupent les positions les plus précaires dans les chaînes de production. Elles sont en charge des travaux les plus pénibles et les moins qualifiés, comme l’entretien des plants de caféiers et la récolte des fruits. Les hommes occupent généralement des postes stables et qualifiés qui nécessitent plus de compétences, comme l’utilisation d’outils et de machines.
Ce constat peut être élargi à d’autres pays de la région. Une étude de Farm Africa dans le district de Kanungu en Ouganda a montré que les femmes fournissent 58% du travail dans les plantations et 72% pendant la période post-récolte. Malgré cette contribution élevée, les femmes gagnent en moyenne 38% de moins que que les hommes, n’ont pas les mêmes opportunités d’accès aux marchés et le même pouvoir de décision sur les questions concernant la production.
Un rapport de la Specialty Coffee Association de 2015 a évalué l’écart de rémunérations entre hommes et femmes dans la production de café en Afrique de l’Est, en se basant sur un sondage réalisé en 2014. En moyenne, les hommes gagnent plus de 700$ en travaillant dans la production de café, contre moins de 450$ pour les femmes.
Les femmes sont cantonnées à un rôle domestique et font face à de nombreux obstacles qui renforcent leur exclusion
De multiples facteurs ancrent ce rôle des femmes dans l’espace domestique et limitent leur autonomisation économique.
- Le manque de temps
Compte tenu du temps qu'elles consacrent aux tâches ménagères, les femmes ont peu de temps à consacrer au développement d’activités génératrices de revenus.
En plus des tâches difficiles sur les plantations de café, les femmes consacrent en moyenne 10h par jour (environ 60% de leur temps) aux activités dites reproductives, comme les tâches ménagères, le soin de la famille et des enfants ou encore la cuisine. Les femmes cumulent ces différentes tâches et travaillent jusqu’à 17h dans une journée. Selon les résultats de nos recherches, les hommes travaillent en moyenne six heures de moins par jour que les femmes et ont davantage de temps de repos.
- Le manque d’accès à la formation
Ce manque d’accès au savoir rassemble aussi bien des formations techniques et l'acquisition de compétences pratiques que la scolarisation initiale. Les femmes rurales sont plus susceptibles de manquer des compétences et connaissances nécessaires à leur autonomisation.
L’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture a estimé que si les femmes avaient accès aux mêmes ressources productives que les hommes, ce qui inclut la formation technique, elles pourraient augmenter les rendements de leurs exploitations de 20 à 30%, et la production agricole totale des pays en développement pourrait augmenter jusqu’à 4%.
Le contenu de la formation est également important. L’effet de la formation sur l’empowerment économique des femmes peut être moindre si elle se limite à l’acquisition d’un rôle marginal sur les exploitations agricoles par exemple. Cela peut renforcer une division genrée du travail sans avoir d’impact sur d’autres facteurs d’exclusion comme le manque de contrôle de leur revenu par les femmes.
- Le manque d’accès à la terre
C’est le principal obstacle au développement des activités économiques et à la prise de décision des femmes, y compris à l’échelle de la coopérative. Cette importance de l’accès à la terre s'explique par les règles de participation dans les coopératives agricoles, qui est conditionnée à la possession de terres. Cette condition discrimine les femmes indirectement car au Kenya, seulement environ 6% des femmes détiennent des terres. La fédération kényane de femmes avocates a estimé que les femmes possèdent 5% des titres de propriété avec leurs maris, et seulement 1% elles-mêmes.
Même si les femmes peuvent en hériter selon la loi, les coutumes et habitudes dans les zones rurales favorisent les fils qui héritent majoritairement de la terre. La plupart des femmes propriétaires de cultures de café sont des veuves ayant récupéré l'exploitation de leurs époux. En effet, le gouvernement kényan annonçait en 2018 que malgré la réforme législative encourageant l’accès des femmes à la terre en 2013, la proportion de femmes propriétaires n’avait que très peu évoluée en 5 ans.
L’accès à la terre est une des clés de l’autonomisation des femmes, car elle leur permet d’intégrer les coopératives mais aussi de gérer leur propre exploitation, d’accéder au financement et d’obtenir un revenu plus stable.
- Le manque d’accès au financement
Les femmes ont peu accès au financement et aux institutions financières, ce qui les empêche d'investir dans des activités génératrices de revenus et d'acquérir une indépendance financière. Au Kenya et en Ethiopie, le gender gap dans la détention d’un compte en banque est de 7% selon la Global Findex Database de la Banque mondiale. Il est autour de 15% au Mozambique et 20% au Nigéria. Ces données ne prennent pas en compte la différence entre milieu urbain et rural, on peut donc penser que ces écarts sont plus importants pour les femmes vivant en milieu rural. En 2019, 77% de la population rurale au Kénya a accès à des services financiers formels contre 91% de la population urbaine, selon une étude de la Banque centrale du Kenya.
Les femmes doivent également obtenir la permission de leurs maris pour ouvrir un compte en banque dans les foyers où le mari gère seul les finances au sein du foyer. L’accès au crédit est encore plus difficile. Les femmes sont considérées comme des créditrices à risque car elles ont peu de garanties matérielles à offrir, comme la propriété d’une terre ou de biens qui sont généralement enregistrés au nom de leur mari. Leurs emplois tendent à être moins stables et leur salaires moins élevés que les hommes.
Face à ces obstacles, les femmes ont développé des alternatives pour épargner et accéder au crédit, comme les VSLA (Village Savings and Loan Association). Ce sont des groupes d’épargnes autogérés composés de membres d’une même communauté, souvent des femmes, qui accumulent leur épargne en groupe afin d’obtenir des emprunts lorsque nécessaire.
- Le manque d’autonomie dans la prise de décision
Dans certains foyers, les femmes prennent peu de décisions engageant le foyer et peuvent difficilement décider de leurs activités seules. Les maris qui récupèrent les revenus accumulés grâce à la production agricole ne partagent pas toujours comment ces revenus sont utilisés. Ce manque de transparence empêche les femmes d’avoir une vision d’ensemble sur les finances du foyer et de participer à la prise de décision en connaissance de cause. Connaître les gains exacts du foyer peut permettre aux femmes de souligner l’importance d’investir de son temps dans une activité génératrice de revenus pour assurer des revenus supplémentaires.
Les femmes participent également peu à la prise de décision dans les coopératives de café qui regroupent de nombreux propriétaires de plantations de café et gèrent la commercialisation de la production. Les règles de participation fondées sur la propriété de plantations rendent l’accession aux coopératives plus difficiles pour les femmes. Ce peu de représentation des femmes est aussi le résultat de normes de genre perpétuant l’idée que les femmes sont moins capables que les hommes d’exercer des positions à responsabilité. Elles doivent lutter contre ces idées reçues pour se faire une place dans la prise de décision au sein des coopératives. Ces normes de genre impactent également le regard que les femmes ont sur leurs propres capacités.
- Le manque de confiance en soi et de légitimité
En effet, ces normes de genre impactent l’éducation que reçoivent les jeunes filles, qui ne sont pas encouragées à développer des qualités dites masculines comme l’audace ou le charisme. Les femmes peuvent avoir développé un déficit de confiance en elles et un sentiment de manque de légitimité à occuper des positions de leadership au sein de leurs communautés.
Ce manque de confiance en leurs capacités peut être renforcé par des violences au sein du foyer. Selon des données du Fonds des Nations unies pour la population, environ 25% des femmes au Kenya, 30% des femmes en Tanzanie et en Ouganda sont victimes de violences conjugales. La violence impacte la santé physique et mentale des victimes d'innombrables manières. Elle impacte l’estime de soi et la capacité à communiquer. Les femmes victimes de violence sont par exemple moins susceptibles de prendre la parole en public.
Il est ressorti de nos discussions sur le terrain que bien souvent, les maris choisissent leurs épouses en payant une dot à leurs familles. Le travail domestique de la femme est vu comme une façon de rembourser le paiement de cette dot. Parfois donc, une situation d’inégalité imprègne les relations au sein du foyer dès le départ.
Tous ces obstacles forment un cercle vicieux qui justifie l’exclusion des femmes de certaines activités économiques, alors que ces obstacles viennent précisément du fait que ce sont des femmes. Par exemple, elles sont exclues de certaines activités car elles n’ont pas été formées, mais elles ont moins de chance d’avoir connaissance et de participer à ces programmes de formation. Un employeur va préférer engager un homme qui peut assurer des horaires fixes et va justifier son choix de ne pas employer une femme par le poids de ses tâches domestiques, mais c’est à cause des normes sociales que ces tâches ne sont pas partagées et que les hommes sont préférés par les employeurs.
Nous avons identifié les mêmes obstacles à l’empowerment des femmes en Ethiopie et en Ouganda dans notre diagnostic genre mené en 2019.
Une séparation des tâches moins étanche qu’à première vue : les contributions des femmes à la production agricole
Même si les femmes sont assimilées à l’espace domestique et passent une grande partie de leur quotidien sur ces tâches, elles travaillent également à l’extérieur. Elles cumulent en réalité tâches domestiques et travail agricole, et ce travail n’est pas toujours rémunéré, notamment lorsque l’exploitation agricole appartient à un membre de la famille.
L’agriculture est le premier secteur d’activité pour les femmes en Afrique de l’Est. Selon l’East African Gender Fact Sheet de USAID, environ 96% des femmes au Burundi, 76% au Kenya, 84% au Rwanda, 71% en Tanzanie et 77% en Ouganda travaillent dans le secteur agricole, et notamment les exploitations de café.
Les femmes ont donc un rôle incontournable dans les chaînes de valeur agricole dans la région. Pourtant, leur contribution est très peu reconnue. Elles sont en charge des tâches les plus difficiles et sont souvent mal payées. Elles s’occupent notamment de la grande partie des travaux physiques dans les exploitations de café d'Afrique de l'Est, comme la récolte, la taille et le désherbage des plants de café, alors que les hommes ont tendance à s’occuper d’activités avec plus de valeur ajoutée au niveau de la transformation de la production. Bien que la contribution des femmes soit peu valorisée, elle est belle et bien primordiale, car ce sont elles qui détiennent le savoir et l’expertise permettant de garantir de bonnes récoltes.
La part écrasante du travail non-rémunéré dans le quotidien des femmes
Nous avons pu estimer que les femmes avec qui nous avons échangé dans la région de Kericho au Kénya travaillent en moyenne 17h par jour, considérablement plus que les hommes. Pourtant, les hommes ont des revenus près de quatre fois plus élevés que les femmes tous les mois. Les femmes ne récoltent pas les fruits de leur travail car elles ne contrôlent pas le cycle de la production. Ce sont généralement les hommes qui s’occupent de la vente de la production agricole et qui récoltent les bénéfices. Les femmes ne sont pas toujours informées des revenus accumulés ou de leur utilisation.
Si les femmes étaient rémunérées à hauteur de leur temps de travail, nous avons pu estimer que leur revenu augmenterait de 214%, et celui des hommes diminuerait de 29%. Pour aboutir à ce résultat, nous avons utilisé la méthode coût-opportunité, en évaluant les revenus que pourrait obtenir une femme sur le marché du travail en susbstituant au temps passé sur les tâches domestiques une autre activité, selon les rémunérations moyennes pratiquées.
Quel impact des labels Fairtrade sur la prise en compte des femmes dans la production du café en Afrique de l’Est?
Les labels du commerce équitable sont de plus en plus présents dans la grande distribution et les choix des consommateurs. Ces labels sont censés garantir de bonnes conditions de travail en amont de la chaîne de valeur, notamment dans les coopératives rassemblant de petites exploitations qui vendent leur récolte à des multinationales agro-alimentaires. Le commerce équitable mise donc sur une production responsable, qui respecte des normes environnementales mais aussi des standards sociaux.
Les standards de Fairtrade International à respecter pour les organisations de petits producteurs incluent la prohibition de toute forme de discrimination et une politique de tolérance zéro en matière de violences basée sur le genre. Des recommandations et des indicateurs sont donnés pour aider les producteurs à mettre en œuvre les obligations pour chaque sujet. Les règles de non-discrimination à respecter sont tirées des Conventions de l’Organisation Internationale du Travail, qui indiquent que toute personne devrait, sans discrimination, jouir de l’égalité des chances et de traitement dans l’accès à la formation, la rémunération pour un travail de valeur égale, la promotion, la sécurité de l’emploi et les conditions de travail. Pour prévenir la discrimination, Fairtrade International encourage l’évaluation par les organisations des risques de discrimination en leur sein, la sensibilisation de tous.te.s aux risques et aux mesures à prendre, ou encore la mise en place d’une politique d’égalité des chances dans le recrutement, la rémunération, la promotion et la formation.
Les règles à respecter sont précisément définies et développées, et le label ne peut être délivré à un producteur ou une coopérative de producteurs si elles ne sont pas respectées. Mais en pratique, ces labels permettent-ils réellement d’éliminer toute forme de discrimination dans la production?
Notre diagnostic réalisé au Kenya nous a fait prendre conscience de l’importance qu’ont les labellisations de type Fairtrade dans l’incitation au respect des droits de chacun.e et à la création d’espaces plus inclusifs, en favorisant par exemple la présence de femmes dans les instances de prise de décisions des coopératives de café.
Néanmoins, même si les labels contribuent à impulser du changement vers plus d’égalité entre les hommes et les femmes, ils doivent être accompagnés d’une volonté de la part des producteurs sur le terrain de véritablement faire changer les choses pour améliorer le quotidien et le bien-être des communautés, notamment des femmes. Nous avons pu constater un manque de compréhension des enjeux de genre sous-jacents par les producteurs de café, ce qui réduit l’impact des réglementations Fairtrade.
En effet, une simple application des changements demandés par les labels sans attaquer les racines du problème ne peut permettre de durablement y remédier. Par exemple, par nécessité d’avoir plus de représentation des femmes dans les board, instances de prise de décision dans les coopératives de café, des femmes ne détenant pas de légitimité suffisante sont choisies pour y siéger, sans passer par une élection. Leur présence ne garantit pourtant pas que leur opinion sera prise en compte par le reste du groupe. De telles nominations peuvent aboutir à des situations où les femmes sont inaudibles et en retrait pendant les réunions. La participation et le pouvoir d’influence sont donc deux choses différentes. La difficulté d’assurer une participation effective se pose dans toutes les enceintes de pouvoir où des quotas de femmes sont mis en place. Leur efficacité dépend de multiples facteurs et le changement des rapports de pouvoir entraîné par les quotas est par ailleurs difficile à quantifier.
Ce constat établi, comment améliorer la situation? Le cas de figure décrit n’est bien sûr pas le seul. L’intégration des femmes dans les coopératives peut aussi bien se passer et permettre d'impulser un vrai changement dans la vision dominante de la place des femmes. Mais pour que ces labels et les critères qui y sont rattachés deviennent de véritables leviers du changement, un accompagnement des structures dans leur mise en œuvre est nécessaire pour s’assurer que les standards soient bien respectés et éviter qu’ils se transforment en outils marketing dénués de sens.
L’importance d’une approche globale pour réduire les inégalités durablement
Il ressort de notre diagnostic que comprendre les différents aspects entraînant les inégalités de genre dans un contexte donné permet d’agir sur les bons leviers pour améliorer le quotidien des femmes.
Notre expérience nous a permis de comprendre que viser les femmes sans sensibiliser la communauté dans son ensemble ne permet pas de changer véritablement les dynamiques de genre. Par exemple, ne pas impliquer les maris dans un programme d’empowerment économique à destination des femmes en leur expliquant les opportunités économiques à la clé pour le foyer peut réduire l’impact du programme si les maris s’opposent à la participation de leurs femmes. La sensibilisation communautaire peut permettre de faire évoluer le regard extérieur sur les femmes qui contribuent financièrement au sein du foyer et réduire la pression sociale pour les personnes s’écartant des normes de genre.
Il est également important de miser sur l’éducation des femmes. La formation permet d'acquérir des connaissances et compétences cruciales dans leur autonomisation. Par exemple, l’alphabétisation permet d’assurer une comptabilité de base et de remplir des documents administratifs, deux compétences nécessaires au développement d’une activité génératrice de revenu. L’éducation permet aussi de développer des qualités de leadership, comme parler en public, et apprendre à occuper des espaces majoritairement masculins.
Faire prendre conscience aux femmes qu’elles sont capables de faire ces choses passe aussi par la mise en avant de modèles féminins inspirants. Bien souvent, les femmes ont peu de représentation féminine sortant du schéma patriarcal. Par exemple, partager l’expérience des leaders femmes membres des board des coopératives de café est une bonne pratique à développer.
Toutes ces initiatives mises bout à bout permettent de créer un cercle vertueux favorisant l’empowerment des femmes dans la production agricole et d’atteindre à terme une redistribution des gains de production plus équitable. Poussées par ce besoin d’une rémunération à la hauteur de leur travail, certaines femmes ont constitué leur propres coopératives ou organisations au sein desquelles elles prennent les décisions.
L’International Women’s Coffee Alliance (IWCA) s’est implantée en Afrique de l’Est depuis une dizaine d’années, comme en Ethiopie en 2016 et au Kenya en 2022. L’ICWA met en œuvre des programmes à destination des femmes productrices de café sur le terrain afin de leur donner plus de visibilité et d’accès au financement de leurs activités.
Ces espaces permettent de constituer des communautés où les femmes peuvent librement développer des compétences et exercer des positions de leadership. Le but n’est pas d’isoler les femmes, au contraire. Bénéficier d’opportunités dans les coopératives de femmes ou dans des programmes à destination des femmes au sein de coopératives de café traditionnelles favorisent l’émergence de femmes leaders dans les espaces majoritairement occupés par les hommes et contribuent à normaliser la présence des femmes dans le processus de prise de décision.
Enfin, il nous paraît important d’aborder un défi majeur auquel les femmes travaillant dans le secteur agricole en Afrique de l’Est font face : le changement climatique. La production agricole est de plus en plus impactée par les effets du changement climatique, qui peut très fortement réduire les rendements de certaines récoltes. Les femmes très présentes dans ce secteur vont être particulièrement affectées par les effets du changement climatique qui commencent déjà à se faire ressentir. Les femmes sont particulièrement affectées car elles ont la responsabilité de subvenir aux besoins alimentaires de la famille. En plus de cela, les femmes ont moins de sources alternatives de revenu que les hommes, en raison de tous les obstacles détaillés dans cet article (manque d’accès à la terre, au financement d’activités et aux ressources productives). Leur capacité d’adaptation est donc plus limitée, mais il est urgent d’agir sur ces obstacles afin qu’elles puissent bénéficier de plus d’opportunités, pour le bien-être des communautés dans leur ensemble.