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Par Eva pour la vie - Publié le 16 décembre 2014 - 20:10 - Mise à jour le 11 février 2015 - 14:00
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Le (vrai) point sur la recherche sur les cancers des enfants

Chaque année en France, 2500 enfants et adolescents sont diagnostiqués d'un cancer. 500 en décéderont. C'est leur 1ère cause de mortalité par maladie et pourtant, l'implication de l'Etat et surtout, des industriels du médicament est très faible. Pour certains cancers, le taux de survie n'a pas progressé sur plusieurs décennies. Le 27 novembre dernier, une proposition de loi était présentée à l'Assemblée Nationale, au profit de la recherche et de la médecine individualisée. Cette proposition unique en Europe était un réel espoir pour les enfants et leurs familles. Elle a été rejetée à 3 voix près. Seuls 33 députés (sur 577) avaient fait l'effort de se déplacer. Indignés par ce constat, de nombreux citoyens ont écrit à leurs députés afin de leur demander pourquoi ils avaient rejeté ce texte, à l'aide d'amendements lapidaires. La réponse : un pathétique copier-coller d'un argumentaire du Ministère de la Santé, qui se satisfait de la situation actuelle et écarte l'étude de solutions financières et juridiques qui pourraient pourtant, à terme, sauver de nombreux enfants atteints de cancers ? A qui cela profite-t-il ? Notre réponse aux députés ...

Le (vrai) point sur la recherche sur les cancers des enfants
Le (vrai) point sur la recherche sur les cancers des enfants

Monsieur le Député, Madame la Députée,

Plusieurs sympathisants de notre association nous ont transmis votre réponse, qui est un simple copier-coller du texte fourni par le Ministère de la Santé.  Ceci est profondément choquant et rappelons que le cancer peut parfaitement toucher vos propres enfants, ou proches, personne n’étant à l’abri. Votre courrier - qui reprend largement la réponse type du ministère - comprend plusieurs incohérences, voire contre-vérités …  

- Le « plan cancer » - de 150 pages - comporte peu de mesures propres aux enfants atteints de cancers les plus agressifs, et qui souvent ne se voient proposer, depuis des décennies, que des traitements palliatifs. Les principales mesures, louables sur le fond,  concernent essentiellement ceux qui « s’en sortent » : l’amélioration de l’accueil des familles, de la prise en charge financière de frais annexes (déplacements…), la scolarité de l’enfant durant la maladie, son soutien psychologique durant et après la maladie. Une forte insistance a été faite par le Président Hollande sur l’après-cancer et le « droit à l’oubli ». Malheureusement, cet oubli concerne de nombreux enfants qui n’auront pas la chance de connaitre l’après-cancer …  

- Aucune mesure concrète n’est prévue pour garantir un financement pérenne d’une recherche dédiée aux cancers pédiatriques qui, souvent, sont différents ou inexistants chez l’adulte.  Au vu des difficultés budgétaires de l’Etat, seule une ressource nouvelle permettrait de financer cette mesure.  Vous ne pouvez nier que le financement de la recherche dépend largement de la générosité publique. 

- La recherche est essentiellement axée sur les « essais cliniques » sont privilégiés dans le plan cancer (doublement souhaité sur 5 ans, labellisation des centres d’essais de phase précoce - CLIP2 - dédiés aux enfants, qui portent sur des molécules en développement, mises à disposition par des laboratoires pharmaceutiques) laissant de côté l'épidémiologie (= comprendre les causes, dans l'objectif de mettre en place une politique de prévention), la recherche biologique et translationnelle. Le Ministère de la santé a décidé de DOUBLER le nombre d'enfants inclus dans des essais thérapeutiques dans les 5 ans à venir. Or, selon le dernier rapport du Pr Vernant, le nombre de d’enfants malades inclus dans les essais cliniques avait déjà presque doublé entre 2008 et 2012 (passant de 1 134 patients en 2008 et 2 120 en 2012). Pourtant, durant cette période, selon les chiffres fournis par l’INCA, l’évolution du taux de survie ou de guérison n’a pas progressé !

Nous sommes donc en droit de penser que l'on ne peut réduire la recherche aux seuls essais cliniques, mais qu'il faut AUSSI "booster" la recherche épidémiologique, fondamentale et translationnelle (en s'approchant au plus près du pre-clinique), qui pourrait bénéficier à ceux qui décèdent faute de traitement curatif.  De même, les voies thérapeutiques qui ne s'arrêteraient pas au seul médicament (chirurgie, immunothérapie et autres techniques thérapeutiques) devraient être soutenues, indépendamment des enjeux des industriels du médicament, dans le seul intérêt du patient (ce qui signifie aussi que l'on ne devrait favoriser un médicament dit "innovant" - souvent plus cher que les traitements plus anciens - que s'il apporte une valeur ajoutée réelle d'un point de vue thérapeutique, en d'autres termes une meilleure chance de guérison du petit patient).- La prévention passe aussi par la recherche. Les études épidémiologiques & environnementales sont rares pour les enfants atteints de cancers. L’enquête d’Eva pour la vie (auprès de 500 parents atteints de cancers) à la question « Est-ce que l’équipe médicale vous a proposé, durant la maladie de votre enfant, de participer à une étude épidémiologique ? Si oui, sous quelle forme ? (questionnaire, examens médicaux…) » démontre que la quasi-totalité des parents ne s’est pas vu proposer de participer à une quelconque étude épidémiologique.  

- Concernant le taux de financement alloué à la recherche – en première intention – chez l’enfant, nous ne savons toujours pas comment le Ministère arrive au chiffre de 10%, ni aux « 38 millions d’euros » parfois évoqués sur 5 ans ; nous avons tenté - en vain - d'obtenir les détails auprès du Ministère. Nous nous étonnons fortement de ce manque de transparence ...

Selon les données PUBMED, moins de 1% des publications scientifiques françaises traitant du cancer sont dédiés aux cancers pédiatriques. On peut imaginer que les enfants puissent bénéficier indirectement de quelques avancées pour les adultes, mais affirmer que 10% des fonds de recherche oncologique seraient consacrés à la recherche onco-pédiatrique nous semble fantaisiste. De plus, lorsqu'on regarde les projets de recherche financés par l'INCA, on constate que entre 2009 et 2013, 165 projets PLBIO (projets libres de recherche « Biologie et sciences du cancer ») ont été financés par l’INCA, pour un montant total de 80,2 M d’euros. Seuls 2 projets concernaient en priorité la pédiatrie. De même, sur cette période, 97 projets de recherche translationnelle (DGOS-INCa) retenus de 2009 à 2013 sur appels à projets compétitifs (évolution du taux de sélection de 16 % en 2009 à 12 % en 2013). 5 – 6 projets concernaient, partiellement ou totalement, l’enfant. En clair, 7 – 8 projets sur 292 concernant l'enfant, en 1ère intention. 

Est-ce satisfaisant, lorsqu'on sait que les besoins en recherche pour une pathologie donnée ne dépendent pas du nombre d’enfants touchés et que l'on receense 60 types de cancers pédiatriques ? 

 

- Il est affligeant de lire dans votre argumentaire « qu’en 30 ans, le taux de survie des enfants atteints de cancer s'est considérablement amélioré, passant de 25% à près de 80% ». Plusieurs sources officielles démontrent que le taux de mortalité des enfants atteints de cancers ne baisse quasiment plus depuis une quinzaine d’années, et que le taux de 25% évoqué (pour 1984) est fantaisiste.  Selon les registres des cancers en France, le taux de rémission sur 5 ans pour les enfants atteints de cancers est passé de 44% sur 5 ans au milieu  des années 1970 à 71% sur 5 ans à la fin des années 80. 

De plus, selon l’ORS (observatoire régional de santé d’Ile de France), « … en France et plus encore en Ile-de-France … le niveau de mortalité est quasiment stable pour les deux sexes depuis le milieu des années 1990. La baisse de la mortalité observée entre 1980 et 1995, dans un contexte d’augmentation de l’incidence des cancers chez l’enfant, s’explique par les progrès techniques dans les domaines du diagnostic et de la prise en charge médicale qui ont permis une progression importante des taux de survie des enfants atteints d’un cancer. »

Nous rappelons que le taux de survie sur 10 ANS est d’environ 70-72%, chiffre stable depuis de nombreuses années … que fait-on des 30% qui ne s'en sortent pas ?

- De même, il est pour le moins « curieux » de lire que la proposition de loi du député Jean-Christophe Lagarde - qui consiste notamment à créer un fond dédié à la recherche sur les cancers de l’enfant - créerait de la « compétition entre la recherche onco-pédiatrique et la recherche oncologique en général ». 

Doit-on donc supposer que la médecine générale est en « compétition » avec la pédiatrie, et que cette dernière ne devrait donc plus exister ? Doit-on estimer que les « primes de performance » des médecins, qui bénéficient d’une majoration de 5 euros pour chaque consultation d'un patient de plus de 80 ans, opposent les personnes de 79 ans à ceux qui en ont 81 ? Dans d’autres secteurs, doit-on estimer que la loi SRU, qui met à contribution les communes qui ne respectent pas le seuil de 20% de logements sociaux, met en opposition les logements sociaux aux logements privés ? Doit-on estimer que l’allocation d’aide au retour à l’emploi dédiée aux plus de 50 ans met en compétition les quinquas et les quadras ? 

Il est donc INJUSTIFIE et IMMORAL de refuser de soutenir une mesure fléchée, qui vise à préserver des vies d’enfants, sous de tels prétextes alors que d’autres mesures – parfois louables & moins vitales – ont déjà été prises par les gouvernements successifs, y compris le vôtre.

- Concernant l’idée d’une taxation, on peut s’étonner de la « timidité » d’un Etat qui n’hésite pas à accentuer la pression fiscale sur les populations les plus faibles et les classes moyennes (hausse de la TVA, de divers prélèvements obligatoires…), mais aussi chez les auto-entrepreneurs, vis-à-vis de firmes pharmaceutiques dont les marges moyennes sont supérieures à 20%.  Nous rappelons que cette contribution n'aurait pas (pour une fois) touché les consommateurs.

- Il est totalement ILLUSOIRE d’imaginer que renoncer à une contribution de 0,1% du chiffre d’affaires des firmes pharmaceutiques – ou proposer des mesures purement incitatives - les encouragerait à rester sur le sol français, ou mieux encore, à investir pour les cancers pédiatriques et les maladies rares de l’enfant. Actuellement, Sanofi se désengage de son site de recherche toulousain, malgré les investissements importants effectués dans le cadre du cancéropole, et malgré ses marges nettes d’environ 23%. Par ailleurs, rien n'aurait empêché à la majorité actuelle de proposer une autre modalité de financement.

Il faut rappeler que le fond proposé par Mr Lagarde pourrait également permettre – en fonction du montant alloué - de booster des «entités à but non lucratif» qui développeraient des traitements anti-cancer pour les enfants. Ce raisonnement a fait ses preuves dans d’autres types de traitements, tant pour leur efficacité que pour leur coût, bien plus bas que ceux développés par les grandes firmes.  Selon une étude récente, sur les 700 médicaments développés par l'industrie pharmaceutique entre 2001 et 2011, seulement 4% ont été placés sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), contre plus de la moitié des 37 nouveaux produits mis au point au cours de la même période par les nouvelles entités à but non lucratif.  Il est donc nettement préférable de soutenir – tant au niveau réglementaire, fiscal et financier - le développement de firmes dites "à but non lucratif", succeptibles de développer des traitements efficaces, à des prix justes, pour des maladies rares. Cette démarche serait à la fois cohérent d’un point de vue économique & social, ainsi qu’en termes d’emploi scientifique. Les firmes pharmaceutiques qui ont pour principale ambition le profit, revendant ainsi parfois des traitements à des prix excessifs (l’exemple récent du Sovaldi, 48000 euros pour 3 mois de traitement contre l’hépatite C, est évocateur), n’hésiteront pas à « partir à l’étranger » lorsque la générosité de  l’Etat (et donc des citoyens) sera épuisée. Tout miser sur les mesures incitatives - à travers une éventuelle révision du réglement pédiatrique européen en 2017 - est donc un leurre !  

- Concernant la « médecine personnalisée », il est pour le moins curieux de la réduire au « séquençage complet du génome des tumeurs de l’enfant d’ici la fin du plan », sachant que celui-ci n’est toujours pas financé (conditionné à un fond européen, toujours hypothétique à ce jour), et qu’il se limiterait, au vu des informations dont nous disposons, aux seuls enfants en échec thérapeutique, ce qui ne garantit donc en rien que cela leur apporterait, pour eux, un quelconque bénéfice. 

La proposition de loi du député Jean-Christophe Lagarde – à 100 % apolitique - apportait une amélioration des droits des petits patients, le « libre choix thérapeutique » (qui s'impose comme un droit légitime relevant de la liberté des citoyens européens), pouvant permettre au professionnel de santé de prescrire le traitement le plus adapté (un essai clinique, un protocole habituel ou un traitement individualisé) pour son petit patient. Elle se basait, évidemment, sur des réalités scientifiques. Cet article aurait finalement permis de freiner le charlatanisme, et non l'inverse.

Malheureusement, la majorité actuelle a, là aussi, préféré balayer d’un revers de main une telle proposition, plutôt que de la discuter afin d’en comprendre les bénéfices, non pas pour l’industrie pharmaceutique, mais pour ceux qui devaient être « la priorité » du gouvernement du président Hollande, comme celui-ci l’avait promos durant sa campagne présidentielle de 2012 ...

A quelques jours de Noël, pouvons-nous espérer un miracle ? Espérons que vous trouverez, au pied de votre sapin, une dose de bon sens, d'intelligence et de cœur. Le premier cadeau dont rêve tout enfant atteint d'un cancer est à la fois très raisonnable, et souvent impossible : guérir. En souhaitant que vous voudrez bien revoir votre position, et réfléchir par vous-même, d'une façon indépendante des lobbyings pharmaceutiques,  à cette question essentielle pour de nombreux enfants, dont la vie dépend directement de vos choix politiques,

L'équipe de l'association EVA POUR LA VIE www.evapourlavie.com

 

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